dimanche 28 mars 2021

Patrick Billiet, alias Poker face


C'est en 2011 que Patrick Billiet découvre pour la première fois Las Vegas, la mythique capitale du jeu. Depuis lors, et jusqu'à la crise sanitaire, il y passe ses vacances et y joue des tournois ("à notre budget, à savoir 150 à 200 dollars") en compagnie de son fils Christopher, 35 ans, avec qui il partage la passion du poker. Tous deux ont d'ailleurs eu l'honneur de défendre les couleurs de la Belgique, à Manchester (2018) et Vienne (2019)! 


C'est à un maître du jeu que nous avons affaire. Parmi les nombreux tournois disputés par Patrick (Maroc, Tchéquie, Italie, Autriche, Irlande!), on épinglera la deuxième place décrochée au championnat du monde amateur (Manchester, 2017).

Parcours d'entraîneur

- SK Renaix, 10 ans, dont 5 chez les jeunes, à partir des U15 jusqu'aux Espoirs. Ensuite T2 de l'équipe Première, en D3 et D2, avec Bart Van Renterghem (2007-octobre 2009), Dirk Geeraerd (2009-10) et Pierre Neubert (remercié dès la mi-septembre 2010). T1 d'abord intérimaire (10 points sur 12) puis nommé, avec Grégory Voiturier comme adjoint, et à son tour remercié en janvier 2012


© Het Nieuwsblad

- RSC Templeuvois, Promotion Nationale, 2013-14, avec Manu Dubois comme adjoint. Démission pour raisons personnelles en février

- AC Anvaing, P2 puis P3, 2014-16, toujours avec Manu Dubois 

- break pour raisons de santé

- Entente Velaines Enclusienne, équipe B en octobre 2018, puis équipe A en fin de saison (descente en P4 et remontée dès la saison suivante). 

- Patrick devrait donc entamer sa 3e saison chez les Vert et Noir, en espérant que celle-ci soit enfin épargnée et puisse se dérouler normalement...

Similitudes

Notre postulat de départ étant de chercher à établir des liens entre le joueur de poker et l'entraîneur de foot, nous nous sommes d'abord penché sur les principales qualités requises autour d'une table de jeu, et avons demandé à notre interlocuteur dans quelle mesure il s'y reconnaissait une fois sa veste coach enfilée.

Comme vous pourrez le découvrir en parcourant les dires de Patrick, le parallélisme est frappant...

Concentration

"Au poker, quand ce n'est pas son tour de jouer, on prend des infos sur l'adversaire. Cela réclame une concentration constante. En fin de tournoi, je ressemble d'ailleurs à un zombie. Au foot, tu dois être capable d'assurer l'analyse du match en même temps le coaching."


Préparation mentale

"Les joueurs sont sensibles au soin apporté à l'approche mentale. Dès le vendredi soir, le quinze leur est communiqué, et ils savent que, sauf contre-temps, les onze premiers cités commencent. Je préfère en effet que les réservistes aient le temps de digérer une éventuelle déception et de se préparer psychologiquement à leur rôle de joker. Le lendemain, mes pensées se tournent progressivement vers le match et l'adversaire. Le dimanche, c'est moi qui cuisine à la maison, histoire de m'occuper l'esprit autrement. Une fois dans la voiture, c'est reparti. Pour un match à 15 heures, le rendez-vous est fixé à 13h30. Pas de musique au vestiaire, histoire de favoriser la focalisation et, pour y contribuer encore davantage, Yaëlle Midavaine (ex-Templeuve) est là pour masser les joueurs; à 14h, je donne ma théorie, puis chacun poursuit sa préparation comme il l'entend, avant un petit toro pour relâcher la pression et, à 14h20, le capitaine lance l'échauffement." 



Observation

"Le jeu exige en effet une observation très attentive de l'adversaire. Je suis alors totalement absorbé dans celle-ci, l'avantage pour un coach étant de pouvoir prendre des notes, contrairement à la table où tout se joue dans la tête."


Capacité d'analyse

"Ces notes concernent le système de jeu adverse, quelques observations individuelles, particulièrement sur les joueurs qui me tapent dans l'oeil et que je pourrais éventuellement approcher par la suite - mais j'attends toujours de les avoir vus jouer deux fois -, et bien sûr les phases arrêtées." 


Esprit de compétition

"L'adrénaline est très importante dans les deux cas. Cela peut paraître difficile à croire, mais pendant les premières minutes d'un match ou d'une partie de poker, je suis tremblant. Ce n'est qu'une fois la première action développée ou la première main jouée, que je me plonge dans l'action. À la table, je vais tout faire pour regagner l'argent investi. Au foot, tu fais 15 heureux le vendredi, 11 le dimanche, c'est un fameux challenge à chaque fois! Tu es attendu au tournant par ceux qui ne sont pas alignés et qui ne manqueront pas de voir dans une contre-performance la preuve qu'ils auraient dû l'être."

© Fabrice Gevaert

Maîtrise des émotions

"Au poker, je ne pense pas devoir trop préciser pourquoi il vaut mieux masquer ses émotions, ce qui explique que certains portent des lunettes noires et un foulard pour cacher la carotide. Au foot, je veille à couper mentalement dès la fin du match pour rester calme, et ne rien dire de préjudiciable aux joueurs. Nous parlerons calmement le mardi. Quand le résultat est favorable, je les laisse savourer entre eux; si nous avons perdu, je suis davantage présent à leurs côtés au vestiaire." 

Patrick se dit boosté sur ce plan par son fils, qui lui a fait découvrir l'application Petit Bambou (www.petitbambou.com) pour développer la méditation de pleine conscience.

Audace

"Lors de la saison dernière, notre première mi-temps était souvent mauvaise. Je me devais alors de les titiller gentiment (sic), en faisant par exemple remarquer à l'un ou l'autre que son rendement n'était pas celui attendu. Force est de constater que les deuxièmes mi-temps étaient souvent nettement meilleures. Sur le plan tactique aussi bien sûr, lorsque la situation le nécessitait, le coup d'audace pouvait consister à jouer à trois, voire deux derrière, pour finir avec quatre attaquants."  

Capacité de remise en question 

"Le mardi, j'écoute les joueurs, et je prends le temps de bien analyser leurs interventions. Se remettre en question, c'est admettre que ses joueurs peuvent avoir raison, et le démontrer par une nouvelle mise en place le jeudi sur le terrain."

Soif d'appendre

Patrick nous a révélé une anecdote particulièrement révélatrice de son insatiable désir d'apprendre: il est incapable de regarder le moindre match à la télévision sans son carnet et son stylo. Pour noter toutes les observations intéressantes: "Quand je vois par exemple un coup-franc ou un corner original, je le schématise directement sur papier pour tenter de la reproduire par la suite."

Faculté d'adaptation (capacité à varier son jeu)

"C'est le cas dès que je repère un visionneur en bord de terrain. Lorsque nous préparerons l'affrontement face à l'équipe pour laquelle il travaille, je vais d'office modifier nos plans, entre autres nos automatismes sur les phases arrêtées. Comme à la table, où il vaut mieux cacher son jeu et ne pas toujours miser identiquement avec des cartes semblables; les adversaires auraient vite compris"

Condition physique

"Au risque de vous surprendre, le poker exige de soigner sa forme physique. Nous pouvons jouer 10 à 12 heures par jour. En ce qui me concerne, je dois descendre à 74 kg pour entamer un tournoi. Je sollicite pour ce faire les conseils d'une diététicienne. Qui guide mon régime, avec beaucoup de fruits et une dissociation protéines - féculents."

Les tournois ayant généralement lieu début juin, cela permet à Patrick d'être fit au moment d'attaquer la préparation avec son groupe: "Et c'est tout de même plus valorisant d'arriver affûté face à ses joueurs."



 

Le dessous des cartes



"Une préparation minutieuse" (Grégory Voiturier)

Grégory Voiturier, qui fut son T2 à Renaix, nous parle du coach qu'il a eu l'occasion de côtoyer de près:

"Patrick est avant tout une bonne personne, quelqu'un de humble, qui n'aime pas le conflit. Pour les théories d'avant-match, tout était minutieusement préparé, dans le détail. Il était également top pour dispenser les entraînements, et savait mettre beaucoup d'animation dans les séances. S'il faut mettre un bémol, peut-être trop gentil avec certains joueurs? Quoi qu'il en soit, j'ai vraiment aimé travailler à ses côtés. Petite anecdote qui nous avait bien fait rire tous les deux: quand il m'a raconté qu'un parent de joueur était venu le trouver pour lui expliquer que la psychomotricité (transmission cerveau-jambes) n'était pas assez rapide, et que partant de là les conduites de balle et dribbles n'étaient pas top... Je rappelle que c'était en D3 quand même..."

"Motivé comme jamais" (Hadrien De Cat)


© nordeclair.sudinfo.be

Comme nous avons pu l'entendre dans la vidéo ci-dessus, le coach velainois ne tarit pas d'éloges à l'égard de son capitaine, Hadrien De Cat. Le témoignage de celui-ci permet de sentir à quel point ce respect est réciproque: 

"J'ai connu plusieurs entraîneurs pendant mon aventure velainoise. Suite à mes études (Hadrien est prof d'éducation physique), je ne portais plus trop d'attention au fait d'être aligné en équipe première; j'envisageais même de stopper le foot. Mais lorsque Patrick est arrivé, il a su me rendre une motivation comme je n'en avais jamais connu auparavant! À ses côtés et en tant que capitaine, j'ai l'impression d'évoluer à un niveau national... Par ses idées et ses décisions, il est parvenu à changer la mentalité du club et à lui insuffler une ambition nouvelle."

Deux épisodes ont particulièrement marqué Hadrien:

"Le premier, lorsqu'il est arrivé pour relayer l'entraîneur de l'équipe B. À la cool, très à l'écoute, il a réussi à trouver un style de jeu correspondant à cette équipe qui s'est soudainement mise à gagner tous ses matchs. Ensuite, lors de la première réunion avec tous les joueurs, il a commencé son speech en déclarant "Nous allons être champions, ça je vous le garantis!" J'étais scotché mais j'ai tout de suite senti qu'il était sûr de lui et qu'on allait y arriver. Depuis, je le soutiens le plus possible dans ses projets, et je reste attentif à tout ce qu'il amène au groupe et au club. J'ai une confiance aveugle à son égard, je ne peux que me donner à fond pour lui quand je vois tout ce qu'il m'apporte sur le terrain et en dehors."

Et Hadrien de nous préciser la méthodologie de son coach:

"C'est d'abord un passionné, qui a su instiller sa propre marque à l'équipe, en exploitant les qualités de tous les joueurs, pour que chacun contribue à la réussite collective. Il ne laisse personne de côté. Un de ses points forts est qu'il maîtrise différents exercices très ludiques, ce qui motive tout le monde à venir s'entraîner, même en hiver. Je n'avais jamais connu ça! Il a une méthode qui prend tout son sens: les toros en début de séance, ou le jeu de la latte à la fin pour un bac de bière. Tout cela noue des liens très forts et favorise la bonne ambiance, si précieuse pour la santé du groupe. Enfin, il a ses fiches techniques en semaine pour la préparation et le dimanche avec des infos précises sur l'adversaire. Patrick est très exigeant, parfois trop, mais on ne peut que le lui rendre."

Exigence que confirme le désidérata que le coach avait soumis à son groupe d'une troisième séance hebdomadaire pour mettre spécifiquement au point les automatismes sur coups de pied arrêtés.

Bilan et projets

"Je suis très fier de ce que j'ai pu réaliser, rapporte Patrick sans forfanterie aucune. J'ai beaucoup donné au football. Ouvrier à pauses, j'ai sacrifié des temps de vacances familiales, prenant congé certaines après-midi pour pouvoir dispenser les entraînements. Et malgré un métier physiquement fatigant, je suis toujours parvenu à assumer les contraintes liées à la fonction: aller voir les Espoirs le vendredi, scouter les adversaires, préparer les entraînements, les matchs, etc. D'ici trois ans, je devrais bénéficier de ma retraite (Patrick est aujourd'hui âgé de 57 ans), et j'ambitionne alors de me donner à fond dans le coaching. Pourquoi pas reprendre un poste de T2, ou une équipe de jeunes en Nationale? J'ai aussi pour projet d'organiser des stages de perfectionnement pour les jeunes; ils sont d'ailleurs déjà prêts, et seule la pandémie nous a empêchés d'en organiser une première session avec Damien Van Driessche à l'AC Anvaing. Ce n'est que partie remise, espérons-le."




jeudi 25 mars 2021

La défaite... et après?

Les succès sont agréables, mais ils sont souvent moins riches d'enseignements que les échecs (Charles PÉPIN, Les vertus de l'échec, p.18)

"Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j'apprends." Cette formule de Nelson Mandela, désormais connue de tous, illustre le potentiel de leçons à tirer d'une défaite.

Dans un ouvrage intitulé Le mental des coachs, manager la réussite sportive, Hubert RIPOLL, professeur de psychologie à la Faculté des sciences du sport de l'Université d'Aix-Marseille, rassemble les témoignages de grands coachs de sports individuels et collectifs. Il y développe notamment un chapitre intitulé "Renaître de ses échecs". C'est de ce sujet que nous allons traiter, plusieurs coachs de notre foot provincial ayant accepté de l'agrémenter de leurs réflexions.



Voici tout d'abord, en guise d'entrée en matière, quelques extraits de l'ouvrage en question :

"Le coach ayant une bonne estime de soi assumera un échec alors que celui ayant une faible estime sera dans le déni et attribuera celui-ci à ses athlètes." (p.204)

"Lorsque ton athlète fait une contre-performance, il faut toujours positiver et construire dessus pour corriger. Le plus délicat est de rétablir la confiance en soi que l'échec a entamée." (Maurice HOUVION, ancien entraîneur d'athlétisme, cité p.209)

"Le principal danger est que l'échec affecte la cohésion du groupe. Il faut donc débriefer ensemble et le coach doit analyser, expliquer et assumer tout en laissant la parole aux joueurs." (p.211)

Les nuits difficiles

L'écrivain italien Dino Buzzati ne parle pas de football dans son livre ainsi intitulé, mais il aurait pu, tant nos coachs s'accordent sur la difficulté, voire l'impossibilité à trouver le sommeil un soir de défaite. 

Toute ma vie a oscillé entre l'amour de la victoire et le mépris de la défaite. Je suis un passionné et cette passion ne s'éteint pas 

(Arsène WENGER, Ma vie en rouge et blanc, p.10)

C'est bien cette passion, avec tous les excès qu'elle comporte, qui explique l'amertume évoquée par nos coachs.

"Dois-je préciser que je râle? demande Jean-Do VESSIÉ, le coach de Templeuve (P2). L'humeur n'est pas bonne, pour dire le moins. Et je ne dors pas bien dans ces cas-là, refaisant le match dans ma tête, ressassant les erreurs commises."

Johan DEVOS (Isières, P2) connaît les mêmes désagréments: "Je vis toujours aussi difficilement la défaite. C'est pénible pour mes proches car je suis très énervé, renfermé sur moi-même et pas très causant! La nuit est souvent courte et mon sommeil léger: je cogite, je revis le match, j'analyse tout; il m'arrive alors régulièrement de me lever dès 5 heures."

"La nuit est mauvaise, soutient Sébastien TERLIN (Beloeil, P1). Je prends beaucoup sur moi et me remets en question, retournant le problème dans tous les sens, me demandant pourquoi je n'ai pas fait ci ou ça. Ce qui explique que je ne dorme quasi pas, même si ça va déjà mieux qu'il y a 2 ou 3 ans."

Avec le temps, il deviendrait donc possible de relativiser davantage. C'est en tout cas ce que nous dit Jonathan KRYS (Péruwelz, P1): "L'expérience me permet désormais de prendre du recul. Certes, je ne rentre pas encore serein après une défaite, mais rien de comparable à mes débuts où j'étais capable de m'enfermer dans une pièce et de ruminer des heures durant, avant de vainement chercher le sommeil...".

Fabrice LELEU (Montkainoise, P3) nous parle avec humour de ses après-matchs:  "Je vis mieux la soirée qu'à mes débuts, où je prenais ça trop à coeur. Avec l'expérience, je bois un verre à la buvette, je discute avec mon T2, j'écoute tous les supporters-entraîneurs qui étaient autour du terrain (clin d'oeil). Une fois chez moi, je me consacre à la famille."

La coupure émotionnelle est du même ordre chez Yves MOREAU (Ellezelles, P3): "Rien de tel que de retrouver femme et enfants pour évacuer la frustration."

Jamais à chaud

Éviter les réactions à chaud dans les minutes ou heures qui suivent un revers relève de la plus élémentaire déontologie:

"À chaud, je ne dis rien, confirme Jean-Do VESSIÉ. Si ce n'est peut-être la nécessité de se remettre en question."

"Je ne rentre pas tout de suite dans le vestiaire, indique pour sa part Seb TERLIN. Trop risqué eu égard à la psychologie variable des joueurs. Certains ont un mental plus faible, il ne faudrait pas les "tuer" devant le reste du groupe. Je préfère d'abord discuter en staff, avec Luc (PAUL), Jacques (GUILMOT) et notre manager Christophe (DEBAISIEUX)."

Place à l'analyse

Gérard HOULLIER empruntait au poète Rimbaud l'expression "aubes navrantes" pour figurer la mélancolie d'un lendemain de défaite. Mais si l'amertume est toujours bien présente en arrière-fond, les esprits se tournent déjà vers la suite. Cette ambivalence se vérifie dans le discours de Johan DEVOS: "Le lundi au boulot est parfois compliqué; j'essaye de faire la part des choses, mais je suis encore focus sur le match à de nombreux moments de la journée. Entre les coups de téléphone et les messages échangés entre coachs, les nouvelles des joueurs, l'analyse pour le lendemain est en cours dans un coin de ma tête. Je consulte aussi toute la presse régionale pour y dénicher de précieuses informations en vue du prochain week-end."

"C'est souvent à froid, le lendemain, que j'analyse avec le plus d'objectivité, ajoute Yves MOREAU. J'écris tout ce qui me revient au fur et à mesure, et je complète avec les notes de mon délégué."

Sébastien TERLIN recourt pour sa part à la vidéo: "Lorsque notre match est filmé, ce qui est d'office le cas à domicile, je le décortique, pour en retirer les points qui seront retravaillés le lendemain, tout en poursuivant les échanges téléphoniques avec mes adjoints."

Débriefing

Pour assurer la transition avec le match suivant, éliminer les stigmates de la déception, et se disposer à reprendre le travail dans les meilleures conditions, il est vivement conseillé d'échanger avec le groupe. Ces séances collectives d'évaluation sont bien ancrées dans les pratiques de nos entraîneurs.

Si Seb TERLIN attend parfois le jeudi "pour recadrer", la plupart de nos coachs envisagent cette discussion le mardi. Yves MOREAU nous précise sa manière de procéder:

"Nous faisons d'office un débriefing le mardi. Les joueurs donnent chacun à leur tour un point négatif, sur lequel je rebondis ou pas. Je vais "chercher" les plus timides, car j'aime que chacun donne son avis. Idem pour les points positifs. Et on synthétise. J'essaie de ne pas dépasser les 15 minutes. Ces temps d'échanges sont importants à mes yeux, tant pour le sportif que pour la cohésion de groupe."

En insistant sur l'indispensable pondération du bilan dominical: "Tout n'est pas noir parce qu'on a perdu, comme tout n'est pas top lorsqu'on a gagné."

Jean-Do VESSIÉ souligne lui aussi le fait qu'il ne doit pas s'agir d'un monologue: "On fait parler le groupe, pour identifier ce qui n'a pas été, afin de ne plus commettre les mêmes erreurs." 

Johan DEVOS procède à peu de choses près de la même manière: "L'analyse du match a lieu avant l'entraînement, sur le terrain ou au vestiaire, tout dépend de la situation et des conditions climatiques. J'insiste sur les points positifs, les phases négatives à corriger et l'objectif de la semaine. Le mardi commence par un décrassage, ce qui me permet d'encore leur parler individuellement."

Une nécessaire remise en question

Il n'y a pas d'expérience plus instructive que la défaite (Pep GUARDIOLA) 

Seb TERLIN abonde dans le sens du célèbre tacticien espagnol: "C'est toujours instructif. On ne peut pas rester sur sa déception, mais au contraire chercher le pourquoi du comment, voir quels sont les points à travailler, notamment sur le plan mental: savoir tenir un résultat, renforcer le coaching et le leadership sur le terrain, etc."

"Même si une défaite est un échec en soi, elle doit permettre de tirer des enseignements positifs, observe pour sa part Jean-Do VESSIÉ, avant d'ajouter une condition sine qua non: "C'est par une remise en question individuelle et collective que le groupe peut grandir et mûrir."

"La défaite fait partie du sport, ajoute Johan DEVOS. L'important est ce que l'on va faire après celle-ci. Comment va-t-on réagir? Quels aménagements va-t-on envisager? Tant de choses à en déduire afin de retrouver la bonne dynamique."

Jonathan KRYS y voit lui aussi l'occasion d'un nouveau départ: "On ne se laisse pas abattre et on repart de plus belle. Il y a toujours du positif à retirer d'une situation négative. Cela permet de grandir, de s'enrichir, de prendre de l'expérience. Pour autant que l'on accepte de se remettre en question. La semaine s'annonce alors constructive, avec la mise en place de solutions nouvelles et le contact avec les joueurs."

© dhnet.be

Le spectre de la spirale négative

Le football n'échappe pas à la loi des séries. Jean-Do VESSIÉ nous en livre un exemple frappant: "Lors de la saison 2019-2020, nous avons terminé le premier tour à la première place. Lorsque le championnat a été interrompu par la pandémie en mars, nous étions neuvièmes à 14 points de Biévène... Avec un bilan comptable catastrophique de 3 points sur 21, plus aucune victoire, et en guise de dernier match, une claque retentissante à l'Union de Tournai (5-1) ! Ce n'est vraiment pas facile à vivre, on se pose un tas de questions, le groupe perd la confiance."

© Lavenir.net

Il n'est guère d'autre solution dans ce cas que de travailler encore et encore: "Surtout psychologiquement. Retrouver du mental et reprendre du plaisir sur le terrain."

Et avec le recul, trouver une piste d'explication? "Il y avait un problème de mentalité dans le chef de certains. Des clans s'étaient formés, et la remise en question faisait défaut à plusieurs."

D'où l'importance cruciale de veiller à cette donnée lors du recrutement. Ce n'est pas Jonathan KRYS qui nous démentira, lui qui a vécu semblable mésaventure: "En quelque sorte victimes de notre succès - 3e place et tour final en mai 2019 -, nous avons recruté en oubliant un peu de cibler des profils qui correspondaient aux valeurs du club. D'où des résultats en dents de scie, une ambiance qui se dégrade et des tensions qui apparaissent. L'essentiel est d'en prendre conscience pour ne pas reproduire les mêmes erreurs et continuer à avancer. Cette péripétie m'a fait grandir dans le coaching et m'a apporté indirectement plus d'expérience pour le futur."  

Sébastien TERLIN nous livre une précieuse recommandation pour traverser ce genre de période mouvementée: "Ne surtout pas tomber dans la précipitation et vouloir tout changer (joueurs, système...). Il est vrai que lorsque c'est toujours le même problème qui revient, il peut être pénible de devoir constamment taper sur le même clou, mais l'expérience m'a appris à dépasser l'émotion du moment. Il y a 3 ou 4 ans, nous avons pris quelque chose comme 9 points sur une tranche, avant d'enchaîner avec un 33 sur 45... Une bonne analyse et une ligne de conduite stable finiront par porter du fruit: laisser du temps à certains joueurs et donner la chance aux automatismes de s'installer. Bien sûr il faut encore que les dirigeants vous maintiennent leur confiance et sachent faire preuve de patience."

© notele.be

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Cette formule inspirée du philosophe Nietzsche peut donc parfaitement s'appliquer à la pratique du coaching. Johan DEVOS nous décrit une saison très compliquée mais en même temps riche en enseignements: "En première provinciale avec Lessines (RASLO), nous sommes descendus avec 28 points l'année qui a suivi le sacre, dans une série avec 5 descendants. À l'époque, les tuiles s'étaient accumulées: la perte de notre gardien Anthony MOLS, transféré de Soignies, et qui n'a malheureusement pas joué un seul match de championnat. S'en est suivi le renvoi en octobre de notre solide attaquant Rachid BOURKHA pour raisons disciplinaires, avant que Serge DOYA ne nous quitte en janvier pour d'autres horizons... Et par-dessus tout, les problèmes financiers commençaient à se faire sentir. Nous avons tenté de retarder l'échéance le plus longtemps possible et mon poste n'a jamais été remis en question. J'étais tout jeune entraîneur et cette âpre expérience m'a servi comme jamais pour la suite de ma carrière. Devoir gérer un vestiaire comme celui-là, avec tous les problèmes rencontrés, m'a indéniablement rendu plus fort."

© Geoffrey Devaux

Passé chez les adultes au FC Ellezelles après 9 saisons chez les jeunes de l'Excel Mouscron, Yves MOREAU  a lui aussi déjà expérimenté les hauts et les bas d'une compétition: "Lors de notre première saison en P3, après avoir très bien commencé, nous avons traversé une longue période très pauvre en points pris. Les blessés se multipliaient, nous avons raté 5 pénaltys consécutivement, une vraie série noire. Heureusement, nous sommes restés soudés, nos débriefings étaient constructifs, nous avons continué à bien bosser en semaine et la cohésion du groupe nous a permis de nous sauver. Comme mes joueurs, j'en suis sorti plus fort."


© Site du club

Fabrice LELEU peut également attester de la nécessité absolue de l'esprit de corps en cas de turbulences: "À l'Enclus (FC Mont de l'Enclus, club fusionné avec la JES Velaines), nous ne nous sommes sauvés qu'au tour final. C'est très compliqué d'accumuler les défaites, les joueurs se posent beaucoup de questions, doutent de leurs capacités. C'est là qu'un coach doit réagir. Si nous nous sommes sauvés, c'est parce que nous étions solidaires. À Kain, nous sommes descendus de P2 en P3, mais j'ai toujours gardé la tête haute et suis parvenu à tenir mon groupe jusqu'au bout même si nous étions condamnés depuis plusieurs semaines. Aujourd'hui, je poursuis ma mission avec ces jeunes, et nous avons l'ambition de retrouver l'échelon supérieur. Cette épreuve a développé mon sens du dialogue et m'a appris à être toujours derrière mon groupe, car nous ne devons faire qu'un."


© nordeclair.sudinfo.be

S'il est des périodes où tout sourit à une équipe, et où les bons résultats s'enchaînent comme par enchantement dans une spirale positive, la défaite a ceci de bon qu'elle peut réveiller un groupe et, à partir d'une saine auto-critique, être le déclencheur d'un nouvel élan. Tant d'impondérables peuvent décider du sort d'une rencontre qu'il convient de toujours garder la mesure. Sur le moment, c'est loin d'être facile, les émotions prenant le dessus. Mais le mécanisme de résilience se met en marche dès l'entrée dans la phase d'analyse et la perspective du match suivant.

Il est certes commun d'entendre dire de quelqu'un qui fait des bons résultats que "c'est un bon coach!", mais il est sans doute plus vrai d'affirmer que la capacité à garder la confiance de son groupe dans une mauvaise passe est davantage le signe d'un travail de qualité.

Nous conclurons ce reportage avec une citation appropriée de Sir Bobby Robson: "Si vous avez la ténacité de passer à travers les temps difficiles, alors vous serez certainement un bon manager."


samedi 20 mars 2021

Patrice MEURANT, docteur ès coaching

 De la préparation physique à l'analyse vidéo, de la connaissance de l'adversaire à la mise en place pointilleuse de son équipe, Patrice MEURANT a consacré 30 ans de sa vie au coaching. Une passion dévorante mais tout autant gratifiante.

Un plaisir d'évoquer le métier avec celui qui constitue à n'en pas douter la référence des dernières décennies en Hainaut Occidental !

L'exemple de Marcel ROUNEAU

C'est Marcel ROUNEAU, l'emblématique entraîneur de l'Union de Tournai (RUST), qui a le plus marqué Patrice: "Dès la catégorie Cadets (13-14 ans), il a suscité chez moi l'envie d'entraîner. Il donnait des rôles précis aux jeunes joueurs que nous étions, et n'avait pas son pareil pour préparer les matchs."

Une vocation précoce

Patrice ne tarde pas à marcher sur les traces de son modèle unioniste, et se met très vite au coaching: il met déjà une équipe en place dans son école secondaire, puis à l'université, et devient joueur-entraîneur dès l'âge de 26 ans, au Stade d'Antoing.

La vidéo même en P4

Le premier sujet qui nous vient immédiatement à l'esprit quand on connaît un tant soit peu le coach Patrice MEURANT, c'est le recours à la vidéo. Si son utilisation est désormais évidente et commune dans le football de haut niveau, Patrice fait sûrement figure d'avant-gardiste sur ce plan à l'échelon régional:

"J'ai commencé très tôt à aller filmer nos adversaires avec ma caméra, le samedi en Flandres quand nous étions en Promotion par exemple. Je m'appuyais sur les images pour la connaissance et la présentation de l'adversaire. Ca me prenait un temps dingue pour visionner tous ces matchs, faire des arrêts sur image, prendre des notes, mais c'est quelque chose qui me passionnait."

L'importance du scouting ne pouvait pas échapper à notre tacticien: 

"À Beloeil, ceux qu'on appelait "les deux Jean-Pierre", Robette et Capart, voyaient nos adversaires deux fois, à domicile et en déplacement. En plus de l'analyse individuelle de chaque adversaire, ils prenaient des photos de toutes les phases arrêtées. Nous nous voyions le jeudi pour en discuter."

Contrer Dries Mertens!

Pour en revenir à l'analyse vidéo, celle-ci concernait bien sûr également sa propre équipe:

"On filmait notre match pour montrer les problèmes et tenter de les résoudre. Un principe auquel je tenais fermement, c'est que quand je voyais une erreur concernant telle ou telle situation de jeu, je voulais que tout le monde réfléchisse et réagisse de la même manière."

Un exemple précis revient immédiatement à la mémoire de Patrice pour illustrer ses propos:

"Les joueurs connaissaient la tactique à suivre pour le cas où notre demi-def était dépassé. Recul-frein, refermer l'axe et un des défenseurs centraux donnait le signal du press. Lors du tour final de Promotion - en 2006 - c'est avec ce plan de jeu défensif que nous sommes parvenus à contrer le jeune et virevoltant demi-offensif d'Alost, un certain... Dries Mertens, 19 ans à l'époque. Une phase maintes fois répétée à l'entraînement, et parfaitement orchestrée par Giovanni SEYNAEVE et David BOURLARD."

L'expérience et le travail

Si vous demandez à Patrice si on peut le considérer comme un fin tacticien, il préfère mettre en avant les deux vertus suivantes:

"C'est l'expérience d'abord, apprendre de ses erreurs. Beaucoup de travail ensuite. Ainsi, pour les phases arrêtées, c'étaient 15 à 20 minutes systématiquement au dernier rendez-vous de la semaine. En B+, nous avions 2 ou 3 variantes sur corners et coups francs latéraux. Les rôles étaient connus de chacun, et différents selon que l'adversaire défendait en zone ou pratiquait l'individuelle. Et dans notre propre défense de zone en B-, chacun savait pareillement ce qu'il avait à faire. Tous les cas de figure qui pouvaient se présenter étaient connus, et on ne prenait quasi pas de buts sur corners, du moins sur les premiers ballons. Les sorties de défense étaient travaillées également. Tout était bien huilé... à force de répétitions."

"Mais il est vrai que j'aimais particulièrement envisager la stratégie de match, aller visionner l'adversaire, définir la manière de le contrer au mieux, préparer l'entraînement en fonction, la théorie d'avant-match, autant de paramètres qui me bottaient." 



© Lavenir.net

Préparation physique

Autre facteur très important aux yeux du technicien tournaisien, la préparation athlétique. Un domaine qui l'a très tôt intéressé: 

"Très vite au début des années 2000, nous avons travaillé par groupes de VMA. J'ai souvent pratiqué par cycles de trois semaines - endurance intensive, vitesse, résistance -, avec beaucoup d'intermittent, et de la pliométrie pour améliorer la vitesse. Ma structure d'entraînement comprenait d'abord 20 à 30 minutes d'endurance de base avec ballon, ce qui permettait aussi de retravailler les gammes techniques. Pour l'entretien de la condition physique en cours de saison, 20 à 30 minutes par semaine, jamais le mardi, plutôt le jeudi pour favoriser la surcompensation. Et il m'arrivait parfois d'ajouter 12 minutes de VMA par groupes de 3 ou 4 en fin de séance."


© tdphotos

Péruwelz, la belle histoire

Après y avoir joué deux saisons entre 84 et 86, Patrice revient à la Verte Chasse comme coach en décembre 96. L'équipe est dernière en P4, le club est occupé à sombrer, et plusieurs anciens décident de le remettre à flots. Avec entre autres Gianni ZANATTA, Renzo CHIARELLO, Thierry ROSVELDS et bien sûr Patrice MEURANT aux commandes sportives, le Racing Club de Péruwelz passe de la P4 à la D3 en 10 ans!

À ce moment, Jacques URBAIN arrive comme entraîneur, et Patrice devient, selon le souhait des dirigeants, directeur sportif. Toutefois, des divergences de vues quant à la politique sportive amèneront vite son départ vers Beloeil.

                                                                          

                                                   "Nous avions Motte et Réal, pourquoi aller chercher un Éric JOLY?"

En 2010, le président Claude VERMEERSCH revend le matricule pour sauver l'Excelsior Mouscron. De nouveau, les Péruwelziens de la première heure viennent à la rescousse et relancent un nouveau club, le Péruwelz FC, qui repart en P4.

"Avec une philosophie totalement différente de celle prônée par l'ancien président, raconte Patrice. La priorité est en effet mise sur la rénovation des infrastructures, qui sera finalisée lors de la saison 2014-15. Sur le plan purement sportif, malgré un budget plus que limité pour les joueurs, nous fêtons trois montées en cinq ans, avec en prime la Coupe du Hainaut l'année de l'accession à la P1! Moment choisi pour céder le relais à Jean-Luc DELANGHE."

2014: montée en P1 et victoire en Coupe du Hainaut

Tournai, l'évidence avortée

Ayant joué à l'Union avec les Claude CARBONNELLE, Didier QUAIN, Guy DROULEZ, Pierrot THONNARD, Pascal DEPRET, comment le Tournaisien qui avait largement fait ses preuves a-t-il pu ne pas être associé au RFC local? 

"J'aurais bien aimé, c'est vrai, et il s'en est fallu de peu. Le club m'a contacté en 2006; comme évoqué ci-avant, le RC Péruwelz me proposait à l'époque la fonction de directeur sportif. Pour laquelle je leur avais promis une réponse pour le 20 avril. Les dirigeants du RFCT m'ont appelé le... 15 mai pour me dire que le poste était pour moi. Mais je suis un homme de parole et suis resté fidèle à mon engagement péruwelzien..."

Folie légère

Lorsqu'il jette un coup d'oeil dans le rétroviseur, Patrice se demanderait presque comment il a pu consacrer autant de temps et d'énergie au football !? 

"C'est fou, en effet! Mais le coaching est une passion, à laquelle je me suis voué avec grand plaisir.  J'ai par ailleurs la chance d'exercer un métier qui ne m'a jamais pesé non plus, et de ne pas avoir dû envisager le foot pour l'argent. Si des choix m'avaient été imposés, je serais parti! En plus des clubs coachés, j'ai encore joué au TTFK et dirigé l'équipe médicale, avec laquelle nous avons participé plusieurs fois aux Jeux mondiaux de la médecine, décrochant une médaille d'argent en Irlande (1995) et de bronze en France (97)! Cette équipe pouvait rivaliser avec une Promotion ou une D3!"

Guide avisé

Patrice a rangé ses chaussures à crampons (et ses wool boots!) en 2017. Aujourd'hui directeur sportif de son club de coeur, il nous précise les contours de cette fonction:

"Entre autres tâches, je gère les transferts, la cellule scouting; j'ai aussi un oeil sur la formation et je donne mon avis à Jonathan KRYS qui, en plus d'être de le T1 de l'équipe première, est notre RTFJ (Responsable Technique de la Formation des Jeunes)."

Et pour ce qui est de la supervision des deux équipes seniors (P1-P2)?

 "J'essaye tout simplement d'être un guide pour Jonathan et Miguel LIONAISE. Je reste très en retrait par rapport à la gestion des équipes. Nous échangeons nos points de vue, cela va de soi, mais je n'impose aucun choix. En tant qu'entraîneur, je n'aurais jamais accepté. À l'époque, si M. Vermeersch me disait quelque chose, je faisais l'inverse (rires)." 

Subbuteo

Sébastien TERLIN a joué 3 saisons et demie sous les ordres de Patrice, à la RUS Beloeil. De la lutte pour le maintien en P1 (2007) à la montée en Promotion (2009), malheureusement suivie d'une rétrogradation avec ce dernier match cauchemardesque face aux Géants Athois et leur étonnant come-back de 2-0 à 2-2 (2010).



Seb Terlin et Nico Baudart après la victoire historique à Vaux-Noville, marquant l'accession de Beloeil à la Promotion nationale!

"À son arrivée, nous étions empêtrés dans les bas-fonds du classement de la P1 (3 points sur 27); dès le premier entraînement, nous avons senti le retour de la discipline, tout le monde était bien à l'heure. Il a vite replacé quelques joueurs à leur meilleure place, et ces changements ont porté leurs fruits. Nous avons réalisé un tout bon deuxième tour."

Sébastien relève trois aspects qui l'ont davantage marqué et dont il s'inspire aujourd'hui dans la gestion de ses groupes: 

"Avec Patrice, j'ai d'abord découvert la préparation physique individualisée, adaptée au niveau de chacun. La VMA était une nouveauté pour nous. Personnellement, avec mon gabarit massif de défenseur central, ça m'a permis de ne pas connaître de blessure lors des préparations d'avant-saison, et d'être fit tout au long de celles-ci."

"Tactiquement, c'est une pointure aussi. Il nous a fait gagner des matchs en retournant des situations compromises. Patrice avait cette faculté de se déconnecter et de réfléchir calmement. À la mi-temps, il redonnait une nouvelle dynamique au groupe en faisant quelques ajustements tactiques. C'est aussi un des premiers coachs avec qui on ait joué le quatre à plat en défense. Tout était très bien expliqué. Je me souviens qu'il avait ramené un subbuteo avec ses figurines; il plaçait alors le ballon à un endroit du terrain et désignait un joueur pour venir déterminer les mouvements qui s'imposaient dans cette situation. Cela pouvait paraître fort scolaire, il n'empêche qu'au bout du compte chacun connaissait parfaitement ses tâches."

"Et puis, la vidéo était un autre de ses apports majeurs. Revoir en images les actions du match, plutôt que de rester sur l'impression instantanée qu'elles t'ont laissée, ça marque les esprits, ça te fait réfléchir. Que de travail pour réaliser tout ça! Je me suis d'ailleurs souvent demandé comment faisait Patrice, avec une vie professionnelle déjà si remplie..."

Un modèle inspirant donc pour le coach qu'il est devenu? 

"Je regrette même de ne pas l'avoir connu plus tôt. Franchement, c'est le top. Quand on ne connaît pas Patrice, on peut le trouver froid au premier abord. Mais c'est quelqu'un qui a beaucoup d'humour. Et s'il jouait un peu de cette distance pour se faire respecter, il savait recevoir celui qui le souhaitait pour discuter."






mercredi 17 mars 2021

Miguel LIONAISE: "Coach ou arbitre, une affaire de gestion"

 "On n'a pas le même maillot, mais on a la même passion". Le slogan est connu. Suite à notre reportage sur les relations entre les arbitres et les coachs, nous sommes allé à la rencontre de Miguel LIONAISE, qui conjugue les deux fonctions depuis quelques années déjà.

Genèse

"L'appel du sifflet m'est venu vers l'âge de 26-27 ans, lorsque j'évoluais à la JES Velaines. Pour des débuts plutôt réussis. À tel point que Pierre SCHOONHEYT, un des visionneurs de l'époque, m'a proposé d'arrêter de jouer pour arbitrer à temps plein et passer au foot adultes. Mais je n'ai pas voulu perdre mes meilleures années de joueur pour une hypothétique percée dans l'arbitrage. Je suis donc resté en jeunes, pour 3 saisons. S'en est suivi un break de 5-6 ans consécutif à mon divorce; c'est d'ailleurs à cette période que je me suis mis à la course à pied."

Quant au coaching, Miguel le découvre d'abord dans la fonction de joueur-entraîneur. À 36 ans, il prend en effet en mains l'équipe B de la Montkainoise. Où il officie 4 saisons durant. Avec une montée en P3 via le tour final, suivie d'une très belle 5e place lors de l'exercice suivant. "J'avais de très bons joueurs en devenir dans mon groupe, tels Amaury DAILLY et Martin FONTAINE."

Un nouveau cycle, semblable dans sa durée, s'ouvre ensuite à Béclers: "J'ai repris l'équipe en P3, succédant à Marco FOUREZ. Une 6e place la première saison, puis deux échecs malheureux au tour final, d'abord face à Taintignies, ensuite injustement contre Houdeng B."

 Avant de vivre un championnat 2017-18 particulièrement palpitant: 

"Avec 71 points, nous finissons sur la 3e marche du podium, derrière Anvaing (72) et Isières (75), venu l'emporter chez nous (2-4) au terme d'un match épique et devant un public nombreux et enthousiaste. Heureusement, cette fois le tour final nous a enfin souris, avec une apothéose mémorable à Mesvin (2-3)."



© Lavenir.net

Après un bon démarrage en P2 (12/18), la machine se grippe, les résultats ne suivent plus et des soucis personnels mènent à la mise à pied du coach.

Miguel est toutefois en droit de ressentir une légitime fierté de ce cycle de 4 ans et demi chez les Vert et blanc: "Avec des moyens limités, je crois pouvoir dire que nous avons fait du bon travail. À l'image de ce qu'un François ÉCHEVIN a réalisé avec Templeuve B. Notre budget serré ne nous permettait pas de folies, mais un recrutement ciblé et intelligent, en privilégiant l'esprit club, nous a valu ces belles satisfactions."

Statut compliqué

Ce limogeage relance la perspective d'un passage dans les catégories seniors. "J'avais en effet repris le sifflet lors de ma période kainoise. Mais il y avait un problème avec la fonction de joueur-entraîneur. Davantage un vide juridique qu'un risque éthique selon moi; toujours est-il que j'ai été convoqué par M. BOËL. J'ai préféré faire un nouveau pas de côté, c'était vraiment trop compliqué de composer avec ce double statut. Depuis, la réglementation a été revue et il est désormais possible de combiner les deux. J'ai donc recommencé la formation en 2018, lors de notre montée en P2. Suite au limogeage, j'étais sur le point de siffler en adultes, après quelques matchs amicaux concluants, mais c'est alors que Taintignies m'a proposé de reprendre son équipe première. Et l'appel du banc l'a emporté. Aujourd'hui, je coache avec bonheur l'équipe B du Péruwelz FC (P2), et j'arbitre des U16 aux Réserves."


Similitudes entre les fonctions

"Dans les deux cas, il s'agit de gérer une vingtaine de personnes. Il faut pouvoir faire preuve de psychologie, amener une autorité saine et surtout naturelle. Même si ça peut se travailler, je crois qu'on l'a en soi ou pas. Surjouer n'amène à rien. Éducateur de formation, je privilégie le dialogue. En permanence. Ainsi, j'arbitre comme j'aimais qu'on m'arbitre. Un petit chef avec qui on ne peut même pas discuter pour comprendre, du style Monsieur, taisez-vous!, ce n'est vraiment pas mon truc. Il n'est pas nécessaire d'élever la voix pour affirmer son autorité. Juste expliquer: tu as écarté les bras, c'est pour ça que j'ai sifflé. Avec le dialogue, tu désamorces beaucoup de situations. Je sanctionne d'ailleurs très peu pour rouspétances. Pareil avec mes joueurs; si l'un d'entre eux conteste une carte selon moi justifiée, je lui dis je la mets aussi, c'est bon on joue. Et ça fait du bien à l'arbitre de sentir que le coach est avec lui. Une décision du directeur de jeu qui est validée par les bancs (c'est juste!) enlève une éventuelle part de doute."

Différences et difficultés

C'est selon Miguel le critère de temporalité qui distingue les deux activités:

"Les codes sont les mêmes, mais en tant que coach, c'est un travail de fond, nous disposons de beaucoup plus de temps pour la prise en mains du groupe. En tant qu'arbitre, c'est une gestion de l'instant: deux heures pour exercer sa maîtrise. C'est un peu comme un professeur qui découvre une nouvelle classe, à côté de celle qu'il a depuis un an ou deux."

Une autre question se pose, celle du risque d'amalgame entre les deux rôles. Pas de soucis sur ce plan pour notre interlocuteur, qui préfère y voir des avantages: 

"Même si j'ai parfois encore du mal à me contenir en bord de terrain, je sais où placer la limite. Pour certains types de phases ambiguës, comme un double contact amenant une touche, je conçois que ce soit difficile de juger. Par contre, j'ai beaucoup plus de mal qu'on ne protège pas un joueur quand il est la cible de fautes répétées."

"Et quand je suis au centre du jeu, mon vécu de joueur-entraîneur me permet d'avoir une autre lecture des actions et d'anticiper sur le jeu long par exemple."

Le plus difficile pour un coach? "Je trouve que c'est l'évolution négative de la disponibilité des joueurs. Pour notre génération, le foot était une priorité, nous organisions notre agenda et nos vacances en fonction. Aujourd'hui, on part en pleine préparation, ou début septembre parce que c'est moins cher, ou encore pour un city-trip le week-end... Heureusement, avec mon groupe actuel, je peux compter sur des jeunes qui ont faim, pas de soucis de motivation!"



Et pour un arbitre? "La gestion des hors-jeu. Il faut beaucoup d'efforts de course pour être bien placé et avoir le bon angle de vue. En une seconde, une seconde et demie, il faut juger. Même avec l'expérience et la prise d'information, on reste dans l'interprétation."

Pas de regrets liés au cumul de ces deux fonctions? "Aucunement, les deux rôles me passionnent. De manière générale, et je ne parle bien sûr pas que pour moi, je regrette juste que les cercles des divisions supérieures ne cherchent pas plus à dénicher des coachs en provinciales, comme ils le font pour les joueurs. Je sais pourtant que beaucoup font de l'excellent travail et ne feraient pas tache plus haut dans la hiérarchie."




lundi 15 mars 2021

"La meilleure arme est la communication"

 Dire ne suffit pas toujours. Les mots que tu choisis sont importants, la façon de dire est également un aspect capital (Didier DESCHAMPS)

Si les coachs doivent trouver les mots qui touchent lors de la causerie d'avant-match, à la mi-temps, ou encore avec la presse; si l'on demande aux joueurs de se parler sur le terrain, il en va de même pour les arbitres qui, en plus de devoir décider en une fraction de seconde - alors que l'on peut constater lors des retransmissions télévisées que même après avoir visionné plusieurs fois une phase, il est parfois difficile de trancher -, doivent instantanément communiquer leurs décisions avec le ton approprié à la situation. Un fameux défi!

"La meilleure arme est la communication, affirme Charlie VERRAEST. Certains coachs vivent le match plus que d'autres, avec différents degrés d'intensité. Il en est de très discrets, que l'on n'entend quasi jamais râler, comme Ronny ROELEN, le futur coach de Biévène, ou Sébastien TERLIN à Beloeil, pour ne citer qu'eux. Il y en a d'autres qui s'expriment tout le match sans jamais dépasser les limites, comme le coach de Templeuve, Jean-Do VESSIÉ. Et puis vous avez ceux qui sont plus dans la provocation, parfois à la limite de l'acceptable. Dans tous les cas, ces coachs vivent une passion, avec les émotions que cela comporte. Il faut savoir sentir cela et réagir quand il le faut, comprendre les contestations et pouvoir y répondre calmement. Et même quand nous devons intervenir de façon plus autoritaire, il faut le faire avec la bonne communication, sans jouer au cow-boy, ce qui ne ferait qu'empirer les choses." 


© Patrick Ferriol

Pascal NEUWART abonde dans le même sens: "J'ai ma petite méthode personnelle lorsqu'un coach proteste. Je pratique l'empathie en me demandant comment j'aurais moi-même réagi si j'avais été à sa place. Cela m'aide beaucoup pour apprécier le niveau de frustration de la personne qui se sent lésée. Je privilégie le dialogue, et si celui-ci ne suffit pas, je passe à la sanction."

Il ne doit pas toujours être évident de garder sa concentration et son sang-froid lorsque la nervosité gagne les abords du terrain. Le jeune Dylan GHISLAIN confirme: "J'essaie de faire abstraction pour éviter de sortir du match, tout en gardant une oreille attentive." 

En complément de cette écoute active et de la parole, le langage corporel est tout aussi important: "La Fédération nous propose des micro-formations sur le body language", précise Arnaud OLIVIER.

Avec toutes ses années d'expérience et plus de 1000 rencontres dirigées à son actif, Didier CYX rappelle qu'il faut "toujours être attentif. Je suis assez tolérant si la personne est réceptive au dialogue. J'ai l'habitude de beaucoup parler, d'expliquer certaines décisions. De la P1 à la P4, cette disposition est souvent très appréciée, car elle tend à apporter chez les joueurs sérénité et compréhension. De même pour les supporters. Mais si les choses s'enveniment, il convient d'intervenir de suite, pour éviter l'escalade et les débordements."



Le sens de la répartie et l'humour peuvent grandement aider à garder la maîtrise. Ainsi, dans cette savoureuse anecdote racontée par notre arbitre carolo: "À mes tout débuts en Première Provinciale, un joueur-entraîneur, après avoir commis une faute sanctionnée d'une carte jaune impérative, s'exclama avec virulence à mon égard: "tu m'as fait perdre 50 euros pour ce carton." Spontanément je lui ai répondu que s'il continuait il allait en perdre 100! Ma réflexion l'a laissé bouche bée, et je ne l'ai plus entendu de toute la rencontre. Au final, après celle-ci, nous en avons bien ri autour d'un verre."

Des limites à ne pas dépasser

Si nos referees prônent le dialogue et la tolérance sur certains faits de match, il est toutefois des situations où la sévérité s'impose. Certains gestes, attitudes ou paroles ne pouvant être acceptés. Pour déterminer la frontière entre l'admissible et ce qui ne l'est pas, il est de nouveau question de ressenti.

"Je peux comprendre qu'un coach vive son match avec une grande intensité, illustre Arnaud OLIVIER. Le dimanche, c'est vraiment l'apothéose de tout son travail d'une semaine, voire plus. Maintenant, il faut pouvoir recadrer et poser les bases de ce qui est tolérable ou non." 

C'est ce qui ressort également des propos de Cédric ABRASSART: "Tout dépend de la portée et de la gravité des gestes et/ou paroles. Quand ça reste bon enfant et que les limites ne sont pas franchies, ça peut passer. On profitera peut-être de la mi-temps pour demander au coach de se calmer. Celui-ci a le droit de ne pas être d'accord et de contester. Il doit juste rester correct dans ses propos. Les insultes, moqueries, propos déplacés ou contestations répétées sont sanctionnés. Nous avons plusieurs armes, à nous de les utiliser au bon moment. Trop vite, on risque de perdre la gestion du match; pareil si on attend trop longtemps. Cela risque d'envenimer les choses et de prendre des dimensions supérieures. Question de feeling encore. Je préfère anticiper que de sévir. Cela permet également à l'arbitre de s'affirmer, de poser le cadre, de montrer que c'est lui le patron. Et au coach de savoir à qui il a affaire et qu'il y a des limites à ne pas franchir."

Car des quolibets sur leur physique, des propos racistes, voire même des coups, nos arbitres peuvent en témoigner, cela existe sur nos pelouses!

"Il ne faudrait pas croire qu'exclure un coach rend fier un arbitre, mais insultes et contestations peuvent y mener. Ce qui est le plus dérangeant, c'est quand on conteste non stop. Une fois, deux fois, ça passe, mais après certains dépassent les limites. Surtout quand ils ne connaissent pas tout du règlement", fait remarquer Dylan GHISLAIN.

Cédric ABRASSART soutient cette idée que "pour être crédibles dans leurs réclamations, les coachs doivent rester à la page. Et ne pas nous crier dessus parce qu'on ne siffle pas le hors-jeu plus vite alors que le règlement stipule qu'il faut appliquer le wait & see avant de prendre notre décision. Et cela est valable pour toutes les lois du jeu..."

Le pire de tout: la mauvaise foi

La grossièreté, les propos déplacés, anti-sportifs, l'agressivité négative, l'arrogance, le manque de respect sont quelques-uns des polluants de l'atmosphère d'un match. Mais ce qui irrite le plus nos directeurs de jeu, c'est la mauvaise foi.

"Un arbitre peut admettre avoir tort, on peut avoir perçu les choses différemment sur certaines de ses décisions, et une petite discussion peut être bénéfique, mais lorsqu'on se retrouve face à un mur qui n'a que ses idées, qui sont bien sûr les bonnes, eh bien c'est agaçant", reconnaît Antoine DELAYE.


"Dans notre écolage, on nous apprend à ne pas se laisser marcher dessus." (Antoine DELAYE)

© Patrick Ferriol

Constat identique chez Julien HAINAUT: "Que ce soit un coach ou un joueur, la mauvaise foi est vraiment dérangeante; on est des hommes, et on doit prendre nos responsabilités. Un coach qui conteste un pénalty depuis sa position à 40 ou 50 mètres de la phase, alors que nous sommes placés à 5 ou 10 mètres, et que ça dure parfois 5 minutes, voire encore après le match, c'est horrible comme situation et absolument pas constructif."

La mise en doute de leur neutralité est tout aussi inacceptable à leurs yeux: "Ce qui me dérange le plus dans l'attitude d'un coach, raconte Pascal NEUWART, ce sont les paroles déplacées qui insinuent que je serais malhonnête et que j'aurais pris parti pour l'équipe adverse! Je peux me tromper, et cela doit sûrement m'arriver, mais lorsque je prends une décision, c'est que je l'estime la meilleure. Je pense n'avoir exclu qu'un coach depuis que j'arbitre. Il m'avait traité de malhonnête car, selon lui, je n'avais pas osé siffler un nouveau pénalty à la dernière minute d'un match dans lequel il était mené 1-2. Je ne supporte pas qu'on doute de mon impartialité. Le jour où cette minorité comprendra que nous n'avons rien à gagner à les monter contre nous, ils seront plus performants et nous pourrons siffler plus sereinement. Certains coachs savent à qui ils peuvent s'attaquer et je suis déçu quand j'apprends qu'un jeune arbitre décide d'arrêter car il ne supporte plus la pression que leur mettent ces "pseudo-coachs".

Plus haut, plus vite

Nous avons demandé à notre panel d'arbitres s'ils constataient de grandes différences dans l'accomplissement de leur mission en fonction du niveau atteint. Voici pour commencer l'avis de Cédric ABRASSART: "Il peut en effet y avoir des degrés variables de difficulté selon la division. Demandez à un arbitre qui est passé par les séries inférieures s'il veut y retourner (constat partagé par plusieurs collègues, "sans les snober", comme le précise à juste titre Didier CYX). Au plus tu montes, au plus tu prends du plaisir car le niveau évolue également. Les infrastructures sont souvent meilleures, tu arbitres à trois, tu utilises les drapeaux bip, les oreillettes, ce sont toutes des petites choses qui te facilitent la tâche."

Autres différences soulignées par Pascal NEUWART: "Il est plus facile de siffler dans les divisions supérieures car les joueurs connaissent, en général, mieux les règles et cela facilite le travail du referee. Le jeu est plus structuré, et on peut donc anticiper certaines phases."

Tous s'accordent sur la vitesse de jeu supérieure, "ce qui implique des entraînements plus importants pour pouvoir suivre", relève Antoine DELAYE.


© Jean-Luc Boitte pour L'Avenir

"En montant les échelons, le jeu devient plus rapide, assure Charlie VERRAEST. On rencontre aussi des joueurs avec plus d'expérience et de roublardise. La préparation physique est dès lors plus importante. Personnellement, je cours entre 10 et 12 km sur une rencontre. Il faut donc s'entraîner individuellement en plus des entraînements collectifs qui sont organisés une fois par mois."

"Nous disposons toujours du même temps pour prendre une décision, surenchérit Arnaud OLIVIER, alors que les phases de jeu sont de plus en plus rapides et complexes."

Enfin, nous épinglerons un autre aspect évoqué par Julien HAINAUT: "Plus on monte dans les divisions, plus l'aspect financier se fait sentir. Je me souviens d'un match au sommet où l'on avait perçu des tensions dès notre arrivée. Nous avons appris après coup qu'il y avait une promesse de double prime pour chaque joueur - la prime simple était pourtant déjà impressionnante, surtout comparée à notre rétribution! - (rires)"

Refaire le match

Les arbitres ne boudent pas le plaisir de la troisième mi-temps. Une fois la pression relâchée, une douche apaisante, un bon verre, et l'adrénaline fait place à la sérotonine.

"J'adore refaire le match à la buvette, et j'apprécie beaucoup quand on me pose des questions sur mes décisions. C'est un moment privilégié pour confronter sa vérité avec celle des autres. La remise en question doit être de mise et c'est ce qui nous permet d'évoluer." (Pascal NEUWART).

"J'apprécie de pouvoir refaire le match avec les deux coachs afin d'avoir l'avis de chacun, donner des explications sur certaines décisions. Cela amène du respect dans les deux sens, un respect qui ne peut que s'accroître. Dans 90% des cas, cela se passe très bien mais, comme dit plus haut, le foot est un sport d'émotions, et il y aura toujours des avis différents." (Charlie VERRAEST).

"Les moments que je préfère, c'est quand je ferme une buvette avec un coach qui a perdu son match. On rencontre de sacrés personnages dans le milieu. Certains coachs ne sont vraiment pas les mêmes avant, pendant et après le match!" (Cédric ABRASSART).

Arnaud OLIVIER relève lui aussi cette ambivalence: "Lorsque le match est fini, on constate parfois que certains font tomber le masque et deviennent une tout autre personne. Un coach qui vous aura fait vivre un véritable enfer avec ses remarques incessantes tout le match durant deviendra votre meilleur ami après celui-ci!" 

Conviviale Wapi

Chaque région a ses particularités, et si le Centre et Charleroi ont la réputation d'être plus bouillants, tout dépend des clubs et il serait caricatural de tirer des conclusions générales.

Nos arbitres s'accordent toutefois à reconnaître la qualité de l'accueil, la mentalité, le respect et la convivialité qui règnent en Wallonie Picarde.

Bilan positif

Nous avons demandé à chacun d'évaluer sur une échelle de 1 à 10 la qualité des relations entretenues avec les coachs. Si l'on note quelques bémols, l'impression d'ensemble est très positive et la moyenne supérieure à 7.

"En 15 ans, je n'ai pas pu plaire à tout le monde, mais de manière générale le courant passe bien", conclut Julien HAINAUT. 

Pour synthétiser ce ressenti réjouissant, laissons le mot de la fin à M. CYX: "En bientôt 30 ans d'arbitrage, que du positif. J'entretiens d'excellents rapports sur et en dehors des terrains avec les coachs actifs... ou même à la retraite (rires)!" 


samedi 13 mars 2021

"Nous sommes la troisième équipe sur le terrain"

Ils sont indispensables au bon déroulement des compétitions et pourtant régulièrement décriés, voire insultés.  

Quelle appréciation les arbitres ont-ils de leurs relations avec les coachs ? Quel est leur ressenti, comment vivent-ils et gèrent-ils des situations parfois tendues?

Nous sommes allés à la rencontre de cette corporation particulière de notre football.

Pour Côté Coach, plusieurs d'entre eux ont accepté de nous faire découvrir quelques facettes de leur univers. Plongée dans la grande famille de l'arbitrage.



© Patrick FERRIOL


Un maître-mot: le respect!

C'est à travers le respect et la confiance que l'autorité doit émerger.

Carlo ANCELOTTI

Certes le mentor italien parle d'abord de la relation avec ses joueurs, le respect étant la première règle d'un vestiaire, mais cette remarque vaut aussi pour ce qui se passe sur le terrain. Nous tenterons à travers les témoignages de nos arbitres de dégager tout ce qui peut contribuer à leur bonne autorité, celle qui permet d'élever le niveau de jeu et de faire grandir les acteurs, à ne surtout pas confondre avec un autoritarisme qui serait d'office mal perçu. Le terme revient constamment dans leur discours. 

Je demande le respect de chacun (Raouf BEN AHMED). 

Charlie VERRAEST tente de l'instaurer dès l'avant-match: "Les relations sont bonnes quand elles sont basées sur le respect de chaque rôle. Cela peut être instauré dès les premières salutations le jour du match. Un coach qui va saluer un arbitre, ou vice-versa, c'est déjà une marque de respect. Pour ma part, si je n'ai pas eu l'occasion de le faire lors de mon arrivée au stade, je vais d'office le saluer en allant m'échauffer."

La rigueur sera donc souvent de mise à l'égard du manque de respect. Cédric ABRASSART en témoigne: "Le foot est une école de vie. Le coach a donc un rôle à jouer dans le développement et l'éducation des joueurs. Il a des valeurs à communiquer, ce qui ne peut bien sûr se faire que s'il les possède lui-même. Le coach est un modèle qu'on imite, il se doit d'être l'exemple à suivre. Hélas, beaucoup l'oublient. Coacher, ce n'est pas juste donner des ordres, porter un brassard et s'asseoir sur le banc...".

Il est aussi question de valeurs chez Didier CYX: "J'ai toujours prôné le respect, le dialogue et la sympathie accompagnée d'un sourire lors de chaque rencontre humaine et sportive. Aujourd'hui, toutes ces valeurs prennent plus de sens encore."

Avant de devenir coach professionnel, Felice MAZZU exerçait dans l'enseignement: "Je crois que j'étais respecté parce que, justement, je respectais tout le monde." (Papa, je te promets qu'un jour..., p.51). Parallélisme évident avec le vécu de Julien HAINAUT: "De par ma profession - professeur d'éducation physique dans l'enseignement spécialisé -, et mon éducation, j'ai toujours été intransigeant sur le manque de respect, peu importe d'où ça vient. J'ai déjà dû recadrer des coachs qui insultaient leurs propres joueurs!"

Avec le temps et l'expérience




Lui aussi enseignant, Pascal NEUWART voit dans l'expérience et la pratique la meilleure source d'apprentissage du métier: "Les matchs sont tous différents. On apprend tout le temps, et sur tous les sujets: règlement, attitude des joueurs, des coachs, des dirigeants, du public... Notre écolage ne se termine jamais. Si un entraîneur me critique, je tente de ne pas trop y prêter attention dans un premier temps. J'essaye néanmoins de lui glisser à l'oreille que je souhaiterais le voir s'occuper davantage de son équipe que de mon arbitrage. S'il critique un joueur ou un membre du staff adverse, c'est différent et j'interviens aussitôt, en essayant de le ramener à de meilleurs sentiments. Je n'utilise pas la carte de suite car je privilégie le dialogue. Ceci dit, il faut voir la gravité des paroles ou des actes. Je tente d'appliquer la même sanction que celle qui serait infligée aux joueurs. L'entraîneur n'échappe pas à la règle, et je dirais même qu'il doit s'ériger en modèle tant pour son équipe que pour l'adversaire."

Une question de feeling

L'intuition et l'intelligence émotionnelle constituent de précieux atouts dans la gestion de l'événement. Autre élément facilitateur, le fait d'avoir été soi-même joueur ou formateur. 

Nos interlocuteurs témoignent: 

"Je crois qu'il faut surtout sentir le match et voir ce qui amène ces réactions émotionnelles. Pour cela, le fait d'être plus que passionné par le football, d'avoir été entraîneur de jeunes et joueur m'aide fortement. Cela me permet d'avoir un regard plus compréhensif sur certaines réactions." (Charlie VERRAEST)


"J'ai été moi-même joueur et coach chez les jeunes. Je sais qu'on peut se tromper, je garde une marge de tolérance." (Dylan GHISLAIN). 

Antoine DELHAYE et François BORGNIEZ, qui sifflent en D2 ACFF et D1B, entraînent eux aussi des jeunes.

"On nous explique comment réagir face au comportement d'un coach qui s'emballe, mais sans plus. Le reste est une question de feeling et d'expérience. Le coach qui s'emporte tellement il est pris par le match ne peut pas être sanctionné de la même manière que celui qui fulmine volontairement et gratuitement sur l'arbitre. La théorie existe pour les coachs virulents, irrespectueux, grossiers. Pour le reste, on tente d'agir avec tact et diplomatie." (Cédric ABRASSART)

"Tout se passe au feeling de chacun, il n'y a pas de méthode type de gestion ou de communication. Nous connaissons bien les démarches théoriques - observation verbale, carte jaune, exclusion -, mais généralement je profite de la mi-temps pour dire entre quatre yeux ce que j'attends par la suite du coach concerné. Après, ce n'est plus de mon ressort." (Julien HAINAUT)


© Jean-Claude Goret

La troisième équipe sur le terrain

À partir de la P1, nos arbitres disposent d'assistants. On sent alors clairement l'esprit de corps. Notamment pour l'échange d'informations:

"On se consulte, des mises en garde contre les coachs réputés bouillants pour jouer la remise en place très tôt et garder la maîtrise de son match, mais aussi des louanges d'autres coachs plutôt sympas." (Driss HADIT)

"En P1, les assistants connaissent presque tous les entraîneurs et me donnent certains renseignements à leur sujet." (Raouf BEN AHMED)

Ces échanges font aussi partie de la préparation d'avant-match.

"On doit remercier les assistants plus anciens qui font un bon travail d'encadrement avec les jeunes arbitres, ou inversement avec les jeunes assistants. Nous sommes la troisième équipe sur le terrain, et nous sommes obligés de gagner tous nos matchs afin d'éviter tout débordement." (Julien HAINAUT)

"Effectivement, l'apport d'assistants est un réel atout mais je dirais qu'en nationale, certains roublards ayant joué plus haut essayent quand même de tester le jeune arbitre que je suis. À notre niveau, le rôle du premier assistant est extrêmement important afin de faire la liaison banc-terrain, surtout que, depuis peu, nous utilisons les oreillettes dans les divisions nationales, ce qui facilite la communication et la gestion des bancs." (Antoine DELAYE)


"En P1, l'assistant arbitre n°1 est le plus expérimenté; c'est lui qui se trouve du côté des bancs. Il est notamment là pour aider le central à gérer la zone neutre. C'est très important, d'une part parce que celui-ci est évalué sur son autorité, et d'autre part pour éviter que la nervosité du banc ne gagne le terrain", précise Édouard DELCAMBRE, le visionneur tournaisien.

"Durant notre formation, on insiste beaucoup sur la gestion de la zone neutre où seul le T1 est là pour donner les consignes. Les autres personnes ne sont pas censées le faire, et c'est souvent de là que partent les problèmes. Au début je trouvais cela sévère mais avec l'expérience, j'ai pu me rendre compte que tenir une rencontre passe aussi par cette gestion de la zone neutre." (Charlie VERRAEST)

Même accent mis sur cet aspect de la direction du jeu par l'expérimenté Didier CYX: "Un coach vit son match. Si cela s'avère nécessaire, aidons-le à canaliser le mauvais stress via le dialogue posé, ou une gestuelle amicale."

Comme les joueurs, nos arbitres se retrouvent pour des formations ou des entraînements collectifs:

"On se voit aux matchs, aux entraînements, aux cours, aux examens... et forcément on discute entre nous. On ne s'échange pas que des bad practices - tel coach virulent, tel défenseur rusé... - mais des bonnes aussi:  Ce joueur-là, tu verras, il est top. Tu seras bien reçu. Le terrain, c'est un billard. Il y a un parking pour les arbitres, n'hésite pas à te présenter à l'entrée avec ta voiture, etc." (Cédric ABRASSART)


© Nolan Herpin

"Au même titre que les coachs le font, au sujet des arbitres entre autres (rires), le plaisir pour nous, c'est aussi de se retrouver lors des entraînements collectifs organisés par la Fédération et d'échanger sur nos rencontres (anecdotes, phases de jeu ou encore... troisièmes mi-temps - nouveaux rires -). Les discussions se font toujours dans la plus grande correction et sans avoir de préjugés sur quiconque. Le vécu des uns n'est pas celui des autres. Prenons ainsi par exemple, un coach de la région du Centre bien connu pour son sang chaud et son tempérament bien trempé; personnellement, je n'ai jamais connu de soucis avec lui, pendant ou après un match, dans la défaite comme dans la victoire." (Didier CYX)


© Patrick FERRIOL

Formation continuée

Tout au long de leur progression, nos arbitres sont accompagnés par ceux que l'on appelle visionneurs. Du point de vue des coachs et des joueurs, la présence de ces derniers en bord de terrain est synonyme de stress supplémentaire pour le referee. En réalité, même si un bon ou un mauvais rapport peut décider de leur avancée ou recul dans la hiérarchie, les visionneurs sont formateurs avant d'être examinateurs:

"J'ai toujours apprécié d'échanger aves les visionneurs. Il faut reconnaître leur dévouement à la famille de l'arbitrage." (Julien HAINAUT)

"Nous sommes aussi évalués par les visionneurs, qui n'annoncent pas leur venue, et qui font le point avec nous après la rencontre. Ces évaluations visent à nous faire progresser et à nous permettre d'atteindre le palier supérieur. Cela peut aussi nous faire redescendre de division. C'est pourquoi peu importe le niveau où l'on exerce, il faut toujours donner le meilleur de soi-même." (Charlie VERRAEST)

Bruno BOËL est le président du Bureau Régional d'Arbitrage. La Wallonie Picarde compte 4 observateurs: Philippe DELCOURT (qui est en outre désignateur ACFF Jeunes et Corpo), Laurent CASTEL, Didier DENÈVE et Édouard DELCAMBRE. Auxquels s'ajoutent 8 autres observateurs pour le reste du Hainaut (Mons et Charleroi).

"Ma vision personnelle de la fonction est celle d'un formateur avant tout, nous dit Philippe DELCOURT. C'est très gratifiant de former tous ces jeunes et de les voir évoluer et grandir dans la hiérarchie. Certains parents nous disent parfois ne pas reconnaître leur fils, l'arbitrage lui ayant permis de s'affirmer. Nous en connaissons de très timides et renfermés au début, que l'on voit quelques années plus tard diriger de main de maître un match de Nationale!"


" Nous cherchons à former l'arbitre à toute sorte d'aspects, notamment les rapports avec les joueurs, le staff, le public. Nous tentons de leur inculquer l'ABC du contact dès qu'ils commencent. À chaque match ils apprennent de leur prestation."

"L'évolution dépend de la personnalité de chacun. Certains progressent très vite - mais je trouve qu'actuellement on les fait parfois monter trop vite -, pour les autres on retravaille les points faibles lors de chaque échange que l'on a avec eux."

" Pour ce qui est des relations avec les coachs, dans l'ensemble c'est correct et respectueux, même s'il y a bien sûr des exceptions. L'apprentissage consiste entre autres à pouvoir remettre chacun à sa place: les entraîneurs ne sont pas là pour arbitrer, ils doivent se concentrer sur leurs tâches et laisser le directeur de jeu faire son travail."

... à suivre!...