Dire ne suffit pas toujours. Les mots que tu choisis sont importants, la façon de dire est également un aspect capital (Didier DESCHAMPS)
Si les coachs doivent trouver les mots qui touchent lors de la causerie d'avant-match, à la mi-temps, ou encore avec la presse; si l'on demande aux joueurs de se parler sur le terrain, il en va de même pour les arbitres qui, en plus de devoir décider en une fraction de seconde - alors que l'on peut constater lors des retransmissions télévisées que même après avoir visionné plusieurs fois une phase, il est parfois difficile de trancher -, doivent instantanément communiquer leurs décisions avec le ton approprié à la situation. Un fameux défi!
"La meilleure arme est la communication, affirme Charlie VERRAEST. Certains coachs vivent le match plus que d'autres, avec différents degrés d'intensité. Il en est de très discrets, que l'on n'entend quasi jamais râler, comme Ronny ROELEN, le futur coach de Biévène, ou Sébastien TERLIN à Beloeil, pour ne citer qu'eux. Il y en a d'autres qui s'expriment tout le match sans jamais dépasser les limites, comme le coach de Templeuve, Jean-Do VESSIÉ. Et puis vous avez ceux qui sont plus dans la provocation, parfois à la limite de l'acceptable. Dans tous les cas, ces coachs vivent une passion, avec les émotions que cela comporte. Il faut savoir sentir cela et réagir quand il le faut, comprendre les contestations et pouvoir y répondre calmement. Et même quand nous devons intervenir de façon plus autoritaire, il faut le faire avec la bonne communication, sans jouer au cow-boy, ce qui ne ferait qu'empirer les choses."
© Patrick Ferriol
Pascal NEUWART abonde dans le même sens: "J'ai ma petite méthode personnelle lorsqu'un coach proteste. Je pratique l'empathie en me demandant comment j'aurais moi-même réagi si j'avais été à sa place. Cela m'aide beaucoup pour apprécier le niveau de frustration de la personne qui se sent lésée. Je privilégie le dialogue, et si celui-ci ne suffit pas, je passe à la sanction."
Il ne doit pas toujours être évident de garder sa concentration et son sang-froid lorsque la nervosité gagne les abords du terrain. Le jeune Dylan GHISLAIN confirme: "J'essaie de faire abstraction pour éviter de sortir du match, tout en gardant une oreille attentive."
En complément de cette écoute active et de la parole, le langage corporel est tout aussi important: "La Fédération nous propose des micro-formations sur le body language", précise Arnaud OLIVIER.
Avec toutes ses années d'expérience et plus de 1000 rencontres dirigées à son actif, Didier CYX rappelle qu'il faut "toujours être attentif. Je suis assez tolérant si la personne est réceptive au dialogue. J'ai l'habitude de beaucoup parler, d'expliquer certaines décisions. De la P1 à la P4, cette disposition est souvent très appréciée, car elle tend à apporter chez les joueurs sérénité et compréhension. De même pour les supporters. Mais si les choses s'enveniment, il convient d'intervenir de suite, pour éviter l'escalade et les débordements."
Le sens de la répartie et l'humour peuvent grandement aider à garder la maîtrise. Ainsi, dans cette savoureuse anecdote racontée par notre arbitre carolo: "À mes tout débuts en Première Provinciale, un joueur-entraîneur, après avoir commis une faute sanctionnée d'une carte jaune impérative, s'exclama avec virulence à mon égard: "tu m'as fait perdre 50 euros pour ce carton." Spontanément je lui ai répondu que s'il continuait il allait en perdre 100! Ma réflexion l'a laissé bouche bée, et je ne l'ai plus entendu de toute la rencontre. Au final, après celle-ci, nous en avons bien ri autour d'un verre."
Des limites à ne pas dépasser
Si nos referees prônent le dialogue et la tolérance sur certains faits de match, il est toutefois des situations où la sévérité s'impose. Certains gestes, attitudes ou paroles ne pouvant être acceptés. Pour déterminer la frontière entre l'admissible et ce qui ne l'est pas, il est de nouveau question de ressenti.
"Je peux comprendre qu'un coach vive son match avec une grande intensité, illustre Arnaud OLIVIER. Le dimanche, c'est vraiment l'apothéose de tout son travail d'une semaine, voire plus. Maintenant, il faut pouvoir recadrer et poser les bases de ce qui est tolérable ou non."
C'est ce qui ressort également des propos de Cédric ABRASSART: "Tout dépend de la portée et de la gravité des gestes et/ou paroles. Quand ça reste bon enfant et que les limites ne sont pas franchies, ça peut passer. On profitera peut-être de la mi-temps pour demander au coach de se calmer. Celui-ci a le droit de ne pas être d'accord et de contester. Il doit juste rester correct dans ses propos. Les insultes, moqueries, propos déplacés ou contestations répétées sont sanctionnés. Nous avons plusieurs armes, à nous de les utiliser au bon moment. Trop vite, on risque de perdre la gestion du match; pareil si on attend trop longtemps. Cela risque d'envenimer les choses et de prendre des dimensions supérieures. Question de feeling encore. Je préfère anticiper que de sévir. Cela permet également à l'arbitre de s'affirmer, de poser le cadre, de montrer que c'est lui le patron. Et au coach de savoir à qui il a affaire et qu'il y a des limites à ne pas franchir."
Car des quolibets sur leur physique, des propos racistes, voire même des coups, nos arbitres peuvent en témoigner, cela existe sur nos pelouses!
"Il ne faudrait pas croire qu'exclure un coach rend fier un arbitre, mais insultes et contestations peuvent y mener. Ce qui est le plus dérangeant, c'est quand on conteste non stop. Une fois, deux fois, ça passe, mais après certains dépassent les limites. Surtout quand ils ne connaissent pas tout du règlement", fait remarquer Dylan GHISLAIN.
Cédric ABRASSART soutient cette idée que "pour être crédibles dans leurs réclamations, les coachs doivent rester à la page. Et ne pas nous crier dessus parce qu'on ne siffle pas le hors-jeu plus vite alors que le règlement stipule qu'il faut appliquer le wait & see avant de prendre notre décision. Et cela est valable pour toutes les lois du jeu..."
Le pire de tout: la mauvaise foi
La grossièreté, les propos déplacés, anti-sportifs, l'agressivité négative, l'arrogance, le manque de respect sont quelques-uns des polluants de l'atmosphère d'un match. Mais ce qui irrite le plus nos directeurs de jeu, c'est la mauvaise foi.
"Un arbitre peut admettre avoir tort, on peut avoir perçu les choses différemment sur certaines de ses décisions, et une petite discussion peut être bénéfique, mais lorsqu'on se retrouve face à un mur qui n'a que ses idées, qui sont bien sûr les bonnes, eh bien c'est agaçant", reconnaît Antoine DELAYE.
© Patrick Ferriol
Constat identique chez Julien HAINAUT: "Que ce soit un coach ou un joueur, la mauvaise foi est vraiment dérangeante; on est des hommes, et on doit prendre nos responsabilités. Un coach qui conteste un pénalty depuis sa position à 40 ou 50 mètres de la phase, alors que nous sommes placés à 5 ou 10 mètres, et que ça dure parfois 5 minutes, voire encore après le match, c'est horrible comme situation et absolument pas constructif."
La mise en doute de leur neutralité est tout aussi inacceptable à leurs yeux: "Ce qui me dérange le plus dans l'attitude d'un coach, raconte Pascal NEUWART, ce sont les paroles déplacées qui insinuent que je serais malhonnête et que j'aurais pris parti pour l'équipe adverse! Je peux me tromper, et cela doit sûrement m'arriver, mais lorsque je prends une décision, c'est que je l'estime la meilleure. Je pense n'avoir exclu qu'un coach depuis que j'arbitre. Il m'avait traité de malhonnête car, selon lui, je n'avais pas osé siffler un nouveau pénalty à la dernière minute d'un match dans lequel il était mené 1-2. Je ne supporte pas qu'on doute de mon impartialité. Le jour où cette minorité comprendra que nous n'avons rien à gagner à les monter contre nous, ils seront plus performants et nous pourrons siffler plus sereinement. Certains coachs savent à qui ils peuvent s'attaquer et je suis déçu quand j'apprends qu'un jeune arbitre décide d'arrêter car il ne supporte plus la pression que leur mettent ces "pseudo-coachs".
Plus haut, plus vite
Nous avons demandé à notre panel d'arbitres s'ils constataient de grandes différences dans l'accomplissement de leur mission en fonction du niveau atteint. Voici pour commencer l'avis de Cédric ABRASSART: "Il peut en effet y avoir des degrés variables de difficulté selon la division. Demandez à un arbitre qui est passé par les séries inférieures s'il veut y retourner (constat partagé par plusieurs collègues, "sans les snober", comme le précise à juste titre Didier CYX). Au plus tu montes, au plus tu prends du plaisir car le niveau évolue également. Les infrastructures sont souvent meilleures, tu arbitres à trois, tu utilises les drapeaux bip, les oreillettes, ce sont toutes des petites choses qui te facilitent la tâche."
Autres différences soulignées par Pascal NEUWART: "Il est plus facile de siffler dans les divisions supérieures car les joueurs connaissent, en général, mieux les règles et cela facilite le travail du referee. Le jeu est plus structuré, et on peut donc anticiper certaines phases."
Tous s'accordent sur la vitesse de jeu supérieure, "ce qui implique des entraînements plus importants pour pouvoir suivre", relève Antoine DELAYE.
© Jean-Luc Boitte pour L'Avenir
"En montant les échelons, le jeu devient plus rapide, assure Charlie VERRAEST. On rencontre aussi des joueurs avec plus d'expérience et de roublardise. La préparation physique est dès lors plus importante. Personnellement, je cours entre 10 et 12 km sur une rencontre. Il faut donc s'entraîner individuellement en plus des entraînements collectifs qui sont organisés une fois par mois."
"Nous disposons toujours du même temps pour prendre une décision, surenchérit Arnaud OLIVIER, alors que les phases de jeu sont de plus en plus rapides et complexes."
Enfin, nous épinglerons un autre aspect évoqué par Julien HAINAUT: "Plus on monte dans les divisions, plus l'aspect financier se fait sentir. Je me souviens d'un match au sommet où l'on avait perçu des tensions dès notre arrivée. Nous avons appris après coup qu'il y avait une promesse de double prime pour chaque joueur - la prime simple était pourtant déjà impressionnante, surtout comparée à notre rétribution! - (rires)"
Refaire le match
Les arbitres ne boudent pas le plaisir de la troisième mi-temps. Une fois la pression relâchée, une douche apaisante, un bon verre, et l'adrénaline fait place à la sérotonine.
"J'adore refaire le match à la buvette, et j'apprécie beaucoup quand on me pose des questions sur mes décisions. C'est un moment privilégié pour confronter sa vérité avec celle des autres. La remise en question doit être de mise et c'est ce qui nous permet d'évoluer." (Pascal NEUWART).
"J'apprécie de pouvoir refaire le match avec les deux coachs afin d'avoir l'avis de chacun, donner des explications sur certaines décisions. Cela amène du respect dans les deux sens, un respect qui ne peut que s'accroître. Dans 90% des cas, cela se passe très bien mais, comme dit plus haut, le foot est un sport d'émotions, et il y aura toujours des avis différents." (Charlie VERRAEST).
"Les moments que je préfère, c'est quand je ferme une buvette avec un coach qui a perdu son match. On rencontre de sacrés personnages dans le milieu. Certains coachs ne sont vraiment pas les mêmes avant, pendant et après le match!" (Cédric ABRASSART).
Arnaud OLIVIER relève lui aussi cette ambivalence: "Lorsque le match est fini, on constate parfois que certains font tomber le masque et deviennent une tout autre personne. Un coach qui vous aura fait vivre un véritable enfer avec ses remarques incessantes tout le match durant deviendra votre meilleur ami après celui-ci!"
Conviviale Wapi
Chaque région a ses particularités, et si le Centre et Charleroi ont la réputation d'être plus bouillants, tout dépend des clubs et il serait caricatural de tirer des conclusions générales.
Nos arbitres s'accordent toutefois à reconnaître la qualité de l'accueil, la mentalité, le respect et la convivialité qui règnent en Wallonie Picarde.
Bilan positif
Nous avons demandé à chacun d'évaluer sur une échelle de 1 à 10 la qualité des relations entretenues avec les coachs. Si l'on note quelques bémols, l'impression d'ensemble est très positive et la moyenne supérieure à 7.
"En 15 ans, je n'ai pas pu plaire à tout le monde, mais de manière générale le courant passe bien", conclut Julien HAINAUT.
Pour synthétiser ce ressenti réjouissant, laissons le mot de la fin à M. CYX: "En bientôt 30 ans d'arbitrage, que du positif. J'entretiens d'excellents rapports sur et en dehors des terrains avec les coachs actifs... ou même à la retraite (rires)!"
Les remarques des Ref sont judicieuses et le coach doit comprendre que son attitude dans la zone technique va déteindre sur ses joueurs.Le coach vit son match mais s'il critique toutes les discussions, ses joueurs vont finir par s'énerver et perdre le fil du match.L'agressivité va monter ainsi que l'intensité dans les contacts et là le Ref doit intervenir, pour éviter le blessures. C'est une question d'équilibre à atteindre. Edouard Delcambre
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