De la préparation physique à l'analyse vidéo, de la connaissance de l'adversaire à la mise en place pointilleuse de son équipe, Patrice MEURANT a consacré 30 ans de sa vie au coaching. Une passion dévorante mais tout autant gratifiante.
Un plaisir d'évoquer le métier avec celui qui constitue à n'en pas douter la référence des dernières décennies en Hainaut Occidental !
L'exemple de Marcel ROUNEAU
C'est Marcel ROUNEAU, l'emblématique entraîneur de l'Union de Tournai (RUST), qui a le plus marqué Patrice: "Dès la catégorie Cadets (13-14 ans), il a suscité chez moi l'envie d'entraîner. Il donnait des rôles précis aux jeunes joueurs que nous étions, et n'avait pas son pareil pour préparer les matchs."
Une vocation précoce
Patrice ne tarde pas à marcher sur les traces de son modèle unioniste, et se met très vite au coaching: il met déjà une équipe en place dans son école secondaire, puis à l'université, et devient joueur-entraîneur dès l'âge de 26 ans, au Stade d'Antoing.
La vidéo même en P4
Le premier sujet qui nous vient immédiatement à l'esprit quand on connaît un tant soit peu le coach Patrice MEURANT, c'est le recours à la vidéo. Si son utilisation est désormais évidente et commune dans le football de haut niveau, Patrice fait sûrement figure d'avant-gardiste sur ce plan à l'échelon régional:
"J'ai commencé très tôt à aller filmer nos adversaires avec ma caméra, le samedi en Flandres quand nous étions en Promotion par exemple. Je m'appuyais sur les images pour la connaissance et la présentation de l'adversaire. Ca me prenait un temps dingue pour visionner tous ces matchs, faire des arrêts sur image, prendre des notes, mais c'est quelque chose qui me passionnait."
L'importance du scouting ne pouvait pas échapper à notre tacticien:
"À Beloeil, ceux qu'on appelait "les deux Jean-Pierre", Robette et Capart, voyaient nos adversaires deux fois, à domicile et en déplacement. En plus de l'analyse individuelle de chaque adversaire, ils prenaient des photos de toutes les phases arrêtées. Nous nous voyions le jeudi pour en discuter."
Contrer Dries Mertens!
Pour en revenir à l'analyse vidéo, celle-ci concernait bien sûr également sa propre équipe:
"On filmait notre match pour montrer les problèmes et tenter de les résoudre. Un principe auquel je tenais fermement, c'est que quand je voyais une erreur concernant telle ou telle situation de jeu, je voulais que tout le monde réfléchisse et réagisse de la même manière."
Un exemple précis revient immédiatement à la mémoire de Patrice pour illustrer ses propos:
"Les joueurs connaissaient la tactique à suivre pour le cas où notre demi-def était dépassé. Recul-frein, refermer l'axe et un des défenseurs centraux donnait le signal du press. Lors du tour final de Promotion - en 2006 - c'est avec ce plan de jeu défensif que nous sommes parvenus à contrer le jeune et virevoltant demi-offensif d'Alost, un certain... Dries Mertens, 19 ans à l'époque. Une phase maintes fois répétée à l'entraînement, et parfaitement orchestrée par Giovanni SEYNAEVE et David BOURLARD."
L'expérience et le travail
Si vous demandez à Patrice si on peut le considérer comme un fin tacticien, il préfère mettre en avant les deux vertus suivantes:
"C'est l'expérience d'abord, apprendre de ses erreurs. Beaucoup de travail ensuite. Ainsi, pour les phases arrêtées, c'étaient 15 à 20 minutes systématiquement au dernier rendez-vous de la semaine. En B+, nous avions 2 ou 3 variantes sur corners et coups francs latéraux. Les rôles étaient connus de chacun, et différents selon que l'adversaire défendait en zone ou pratiquait l'individuelle. Et dans notre propre défense de zone en B-, chacun savait pareillement ce qu'il avait à faire. Tous les cas de figure qui pouvaient se présenter étaient connus, et on ne prenait quasi pas de buts sur corners, du moins sur les premiers ballons. Les sorties de défense étaient travaillées également. Tout était bien huilé... à force de répétitions."
"Mais il est vrai que j'aimais particulièrement envisager la stratégie de match, aller visionner l'adversaire, définir la manière de le contrer au mieux, préparer l'entraînement en fonction, la théorie d'avant-match, autant de paramètres qui me bottaient."
© Lavenir.net
Préparation physique
Autre facteur très important aux yeux du technicien tournaisien, la préparation athlétique. Un domaine qui l'a très tôt intéressé:
"Très vite au début des années 2000, nous avons travaillé par groupes de VMA. J'ai souvent pratiqué par cycles de trois semaines - endurance intensive, vitesse, résistance -, avec beaucoup d'intermittent, et de la pliométrie pour améliorer la vitesse. Ma structure d'entraînement comprenait d'abord 20 à 30 minutes d'endurance de base avec ballon, ce qui permettait aussi de retravailler les gammes techniques. Pour l'entretien de la condition physique en cours de saison, 20 à 30 minutes par semaine, jamais le mardi, plutôt le jeudi pour favoriser la surcompensation. Et il m'arrivait parfois d'ajouter 12 minutes de VMA par groupes de 3 ou 4 en fin de séance."
© tdphotos
Péruwelz, la belle histoire
Après y avoir joué deux saisons entre 84 et 86, Patrice revient à la Verte Chasse comme coach en décembre 96. L'équipe est dernière en P4, le club est occupé à sombrer, et plusieurs anciens décident de le remettre à flots. Avec entre autres Gianni ZANATTA, Renzo CHIARELLO, Thierry ROSVELDS et bien sûr Patrice MEURANT aux commandes sportives, le Racing Club de Péruwelz passe de la P4 à la D3 en 10 ans!
À ce moment, Jacques URBAIN arrive comme entraîneur, et Patrice devient, selon le souhait des dirigeants, directeur sportif. Toutefois, des divergences de vues quant à la politique sportive amèneront vite son départ vers Beloeil.
En 2010, le président Claude VERMEERSCH revend le matricule pour sauver l'Excelsior Mouscron. De nouveau, les Péruwelziens de la première heure viennent à la rescousse et relancent un nouveau club, le Péruwelz FC, qui repart en P4.
"Avec une philosophie totalement différente de celle prônée par l'ancien président, raconte Patrice. La priorité est en effet mise sur la rénovation des infrastructures, qui sera finalisée lors de la saison 2014-15. Sur le plan purement sportif, malgré un budget plus que limité pour les joueurs, nous fêtons trois montées en cinq ans, avec en prime la Coupe du Hainaut l'année de l'accession à la P1! Moment choisi pour céder le relais à Jean-Luc DELANGHE."
2014: montée en P1 et victoire en Coupe du Hainaut
Tournai, l'évidence avortée
Ayant joué à l'Union avec les Claude CARBONNELLE, Didier QUAIN, Guy DROULEZ, Pierrot THONNARD, Pascal DEPRET, comment le Tournaisien qui avait largement fait ses preuves a-t-il pu ne pas être associé au RFC local?
"J'aurais bien aimé, c'est vrai, et il s'en est fallu de peu. Le club m'a contacté en 2006; comme évoqué ci-avant, le RC Péruwelz me proposait à l'époque la fonction de directeur sportif. Pour laquelle je leur avais promis une réponse pour le 20 avril. Les dirigeants du RFCT m'ont appelé le... 15 mai pour me dire que le poste était pour moi. Mais je suis un homme de parole et suis resté fidèle à mon engagement péruwelzien..."
Folie légère
Lorsqu'il jette un coup d'oeil dans le rétroviseur, Patrice se demanderait presque comment il a pu consacrer autant de temps et d'énergie au football !?
"C'est fou, en effet! Mais le coaching est une passion, à laquelle je me suis voué avec grand plaisir. J'ai par ailleurs la chance d'exercer un métier qui ne m'a jamais pesé non plus, et de ne pas avoir dû envisager le foot pour l'argent. Si des choix m'avaient été imposés, je serais parti! En plus des clubs coachés, j'ai encore joué au TTFK et dirigé l'équipe médicale, avec laquelle nous avons participé plusieurs fois aux Jeux mondiaux de la médecine, décrochant une médaille d'argent en Irlande (1995) et de bronze en France (97)! Cette équipe pouvait rivaliser avec une Promotion ou une D3!"
Guide avisé
Patrice a rangé ses chaussures à crampons (et ses wool boots!) en 2017. Aujourd'hui directeur sportif de son club de coeur, il nous précise les contours de cette fonction:
"Entre autres tâches, je gère les transferts, la cellule scouting; j'ai aussi un oeil sur la formation et je donne mon avis à Jonathan KRYS qui, en plus d'être de le T1 de l'équipe première, est notre RTFJ (Responsable Technique de la Formation des Jeunes)."
Et pour ce qui est de la supervision des deux équipes seniors (P1-P2)?
"J'essaye tout simplement d'être un guide pour Jonathan et Miguel LIONAISE. Je reste très en retrait par rapport à la gestion des équipes. Nous échangeons nos points de vue, cela va de soi, mais je n'impose aucun choix. En tant qu'entraîneur, je n'aurais jamais accepté. À l'époque, si M. Vermeersch me disait quelque chose, je faisais l'inverse (rires)."
Subbuteo
Sébastien TERLIN a joué 3 saisons et demie sous les ordres de Patrice, à la RUS Beloeil. De la lutte pour le maintien en P1 (2007) à la montée en Promotion (2009), malheureusement suivie d'une rétrogradation avec ce dernier match cauchemardesque face aux Géants Athois et leur étonnant come-back de 2-0 à 2-2 (2010).
Seb Terlin et Nico Baudart après la victoire historique à Vaux-Noville, marquant l'accession de Beloeil à la Promotion nationale!
"À son arrivée, nous étions empêtrés dans les bas-fonds du classement de la P1 (3 points sur 27); dès le premier entraînement, nous avons senti le retour de la discipline, tout le monde était bien à l'heure. Il a vite replacé quelques joueurs à leur meilleure place, et ces changements ont porté leurs fruits. Nous avons réalisé un tout bon deuxième tour."
Sébastien relève trois aspects qui l'ont davantage marqué et dont il s'inspire aujourd'hui dans la gestion de ses groupes:
"Avec Patrice, j'ai d'abord découvert la préparation physique individualisée, adaptée au niveau de chacun. La VMA était une nouveauté pour nous. Personnellement, avec mon gabarit massif de défenseur central, ça m'a permis de ne pas connaître de blessure lors des préparations d'avant-saison, et d'être fit tout au long de celles-ci."
"Tactiquement, c'est une pointure aussi. Il nous a fait gagner des matchs en retournant des situations compromises. Patrice avait cette faculté de se déconnecter et de réfléchir calmement. À la mi-temps, il redonnait une nouvelle dynamique au groupe en faisant quelques ajustements tactiques. C'est aussi un des premiers coachs avec qui on ait joué le quatre à plat en défense. Tout était très bien expliqué. Je me souviens qu'il avait ramené un subbuteo avec ses figurines; il plaçait alors le ballon à un endroit du terrain et désignait un joueur pour venir déterminer les mouvements qui s'imposaient dans cette situation. Cela pouvait paraître fort scolaire, il n'empêche qu'au bout du compte chacun connaissait parfaitement ses tâches."
"Et puis, la vidéo était un autre de ses apports majeurs. Revoir en images les actions du match, plutôt que de rester sur l'impression instantanée qu'elles t'ont laissée, ça marque les esprits, ça te fait réfléchir. Que de travail pour réaliser tout ça! Je me suis d'ailleurs souvent demandé comment faisait Patrice, avec une vie professionnelle déjà si remplie..."
Un modèle inspirant donc pour le coach qu'il est devenu?
"Je regrette même de ne pas l'avoir connu plus tôt. Franchement, c'est le top. Quand on ne connaît pas Patrice, on peut le trouver froid au premier abord. Mais c'est quelqu'un qui a beaucoup d'humour. Et s'il jouait un peu de cette distance pour se faire respecter, il savait recevoir celui qui le souhaitait pour discuter."
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