Ils sont indispensables au bon déroulement des compétitions et pourtant régulièrement décriés, voire insultés.
Quelle appréciation les arbitres ont-ils de leurs relations avec les coachs ? Quel est leur ressenti, comment vivent-ils et gèrent-ils des situations parfois tendues?
Nous sommes allés à la rencontre de cette corporation particulière de notre football.
Pour Côté Coach, plusieurs d'entre eux ont accepté de nous faire découvrir quelques facettes de leur univers. Plongée dans la grande famille de l'arbitrage.
© Patrick FERRIOL
Un maître-mot: le respect!
C'est à travers le respect et la confiance que l'autorité doit émerger.
Carlo ANCELOTTI
Certes le mentor italien parle d'abord de la relation avec ses joueurs, le respect étant la première règle d'un vestiaire, mais cette remarque vaut aussi pour ce qui se passe sur le terrain. Nous tenterons à travers les témoignages de nos arbitres de dégager tout ce qui peut contribuer à leur bonne autorité, celle qui permet d'élever le niveau de jeu et de faire grandir les acteurs, à ne surtout pas confondre avec un autoritarisme qui serait d'office mal perçu. Le terme revient constamment dans leur discours.
Je demande le respect de chacun (Raouf BEN AHMED).
Charlie VERRAEST tente de l'instaurer dès l'avant-match: "Les relations sont bonnes quand elles sont basées sur le respect de chaque rôle. Cela peut être instauré dès les premières salutations le jour du match. Un coach qui va saluer un arbitre, ou vice-versa, c'est déjà une marque de respect. Pour ma part, si je n'ai pas eu l'occasion de le faire lors de mon arrivée au stade, je vais d'office le saluer en allant m'échauffer."
La rigueur sera donc souvent de mise à l'égard du manque de respect. Cédric ABRASSART en témoigne: "Le foot est une école de vie. Le coach a donc un rôle à jouer dans le développement et l'éducation des joueurs. Il a des valeurs à communiquer, ce qui ne peut bien sûr se faire que s'il les possède lui-même. Le coach est un modèle qu'on imite, il se doit d'être l'exemple à suivre. Hélas, beaucoup l'oublient. Coacher, ce n'est pas juste donner des ordres, porter un brassard et s'asseoir sur le banc...".
Il est aussi question de valeurs chez Didier CYX: "J'ai toujours prôné le respect, le dialogue et la sympathie accompagnée d'un sourire lors de chaque rencontre humaine et sportive. Aujourd'hui, toutes ces valeurs prennent plus de sens encore."
Avant de devenir coach professionnel, Felice MAZZU exerçait dans l'enseignement: "Je crois que j'étais respecté parce que, justement, je respectais tout le monde." (Papa, je te promets qu'un jour..., p.51). Parallélisme évident avec le vécu de Julien HAINAUT: "De par ma profession - professeur d'éducation physique dans l'enseignement spécialisé -, et mon éducation, j'ai toujours été intransigeant sur le manque de respect, peu importe d'où ça vient. J'ai déjà dû recadrer des coachs qui insultaient leurs propres joueurs!"
Avec le temps et l'expérience
Lui aussi enseignant, Pascal NEUWART voit dans l'expérience et la pratique la meilleure source d'apprentissage du métier: "Les matchs sont tous différents. On apprend tout le temps, et sur tous les sujets: règlement, attitude des joueurs, des coachs, des dirigeants, du public... Notre écolage ne se termine jamais. Si un entraîneur me critique, je tente de ne pas trop y prêter attention dans un premier temps. J'essaye néanmoins de lui glisser à l'oreille que je souhaiterais le voir s'occuper davantage de son équipe que de mon arbitrage. S'il critique un joueur ou un membre du staff adverse, c'est différent et j'interviens aussitôt, en essayant de le ramener à de meilleurs sentiments. Je n'utilise pas la carte de suite car je privilégie le dialogue. Ceci dit, il faut voir la gravité des paroles ou des actes. Je tente d'appliquer la même sanction que celle qui serait infligée aux joueurs. L'entraîneur n'échappe pas à la règle, et je dirais même qu'il doit s'ériger en modèle tant pour son équipe que pour l'adversaire."
Une question de feeling
L'intuition et l'intelligence émotionnelle constituent de précieux atouts dans la gestion de l'événement. Autre élément facilitateur, le fait d'avoir été soi-même joueur ou formateur.
Nos interlocuteurs témoignent:
"Je crois qu'il faut surtout sentir le match et voir ce qui amène ces réactions émotionnelles. Pour cela, le fait d'être plus que passionné par le football, d'avoir été entraîneur de jeunes et joueur m'aide fortement. Cela me permet d'avoir un regard plus compréhensif sur certaines réactions." (Charlie VERRAEST)
"J'ai été moi-même joueur et coach chez les jeunes. Je sais qu'on peut se tromper, je garde une marge de tolérance." (Dylan GHISLAIN).
Antoine DELHAYE et François BORGNIEZ, qui sifflent en D2 ACFF et D1B, entraînent eux aussi des jeunes.
"On nous explique comment réagir face au comportement d'un coach qui s'emballe, mais sans plus. Le reste est une question de feeling et d'expérience. Le coach qui s'emporte tellement il est pris par le match ne peut pas être sanctionné de la même manière que celui qui fulmine volontairement et gratuitement sur l'arbitre. La théorie existe pour les coachs virulents, irrespectueux, grossiers. Pour le reste, on tente d'agir avec tact et diplomatie." (Cédric ABRASSART)
"Tout se passe au feeling de chacun, il n'y a pas de méthode type de gestion ou de communication. Nous connaissons bien les démarches théoriques - observation verbale, carte jaune, exclusion -, mais généralement je profite de la mi-temps pour dire entre quatre yeux ce que j'attends par la suite du coach concerné. Après, ce n'est plus de mon ressort." (Julien HAINAUT)
© Jean-Claude Goret
La troisième équipe sur le terrain
À partir de la P1, nos arbitres disposent d'assistants. On sent alors clairement l'esprit de corps. Notamment pour l'échange d'informations:
"On se consulte, des mises en garde contre les coachs réputés bouillants pour jouer la remise en place très tôt et garder la maîtrise de son match, mais aussi des louanges d'autres coachs plutôt sympas." (Driss HADIT)
"En P1, les assistants connaissent presque tous les entraîneurs et me donnent certains renseignements à leur sujet." (Raouf BEN AHMED)
Ces échanges font aussi partie de la préparation d'avant-match.
"On doit remercier les assistants plus anciens qui font un bon travail d'encadrement avec les jeunes arbitres, ou inversement avec les jeunes assistants. Nous sommes la troisième équipe sur le terrain, et nous sommes obligés de gagner tous nos matchs afin d'éviter tout débordement." (Julien HAINAUT)
"Effectivement, l'apport d'assistants est un réel atout mais je dirais qu'en nationale, certains roublards ayant joué plus haut essayent quand même de tester le jeune arbitre que je suis. À notre niveau, le rôle du premier assistant est extrêmement important afin de faire la liaison banc-terrain, surtout que, depuis peu, nous utilisons les oreillettes dans les divisions nationales, ce qui facilite la communication et la gestion des bancs." (Antoine DELAYE)
"En P1, l'assistant arbitre n°1 est le plus expérimenté; c'est lui qui se trouve du côté des bancs. Il est notamment là pour aider le central à gérer la zone neutre. C'est très important, d'une part parce que celui-ci est évalué sur son autorité, et d'autre part pour éviter que la nervosité du banc ne gagne le terrain", précise Édouard DELCAMBRE, le visionneur tournaisien.
"Durant notre formation, on insiste beaucoup sur la gestion de la zone neutre où seul le T1 est là pour donner les consignes. Les autres personnes ne sont pas censées le faire, et c'est souvent de là que partent les problèmes. Au début je trouvais cela sévère mais avec l'expérience, j'ai pu me rendre compte que tenir une rencontre passe aussi par cette gestion de la zone neutre." (Charlie VERRAEST)
Même accent mis sur cet aspect de la direction du jeu par l'expérimenté Didier CYX: "Un coach vit son match. Si cela s'avère nécessaire, aidons-le à canaliser le mauvais stress via le dialogue posé, ou une gestuelle amicale."
Comme les joueurs, nos arbitres se retrouvent pour des formations ou des entraînements collectifs:
"On se voit aux matchs, aux entraînements, aux cours, aux examens... et forcément on discute entre nous. On ne s'échange pas que des bad practices - tel coach virulent, tel défenseur rusé... - mais des bonnes aussi: Ce joueur-là, tu verras, il est top. Tu seras bien reçu. Le terrain, c'est un billard. Il y a un parking pour les arbitres, n'hésite pas à te présenter à l'entrée avec ta voiture, etc." (Cédric ABRASSART)
"Au même titre que les coachs le font, au sujet des arbitres entre autres (rires), le plaisir pour nous, c'est aussi de se retrouver lors des entraînements collectifs organisés par la Fédération et d'échanger sur nos rencontres (anecdotes, phases de jeu ou encore... troisièmes mi-temps - nouveaux rires -). Les discussions se font toujours dans la plus grande correction et sans avoir de préjugés sur quiconque. Le vécu des uns n'est pas celui des autres. Prenons ainsi par exemple, un coach de la région du Centre bien connu pour son sang chaud et son tempérament bien trempé; personnellement, je n'ai jamais connu de soucis avec lui, pendant ou après un match, dans la défaite comme dans la victoire." (Didier CYX)
© Patrick FERRIOL
Formation continuée
Tout au long de leur progression, nos arbitres sont accompagnés par ceux que l'on appelle visionneurs. Du point de vue des coachs et des joueurs, la présence de ces derniers en bord de terrain est synonyme de stress supplémentaire pour le referee. En réalité, même si un bon ou un mauvais rapport peut décider de leur avancée ou recul dans la hiérarchie, les visionneurs sont formateurs avant d'être examinateurs:
"J'ai toujours apprécié d'échanger aves les visionneurs. Il faut reconnaître leur dévouement à la famille de l'arbitrage." (Julien HAINAUT)
"Nous sommes aussi évalués par les visionneurs, qui n'annoncent pas leur venue, et qui font le point avec nous après la rencontre. Ces évaluations visent à nous faire progresser et à nous permettre d'atteindre le palier supérieur. Cela peut aussi nous faire redescendre de division. C'est pourquoi peu importe le niveau où l'on exerce, il faut toujours donner le meilleur de soi-même." (Charlie VERRAEST)
Bruno BOËL est le président du Bureau Régional d'Arbitrage. La Wallonie Picarde compte 4 observateurs: Philippe DELCOURT (qui est en outre désignateur ACFF Jeunes et Corpo), Laurent CASTEL, Didier DENÈVE et Édouard DELCAMBRE. Auxquels s'ajoutent 8 autres observateurs pour le reste du Hainaut (Mons et Charleroi).
"Ma vision personnelle de la fonction est celle d'un formateur avant tout, nous dit Philippe DELCOURT. C'est très gratifiant de former tous ces jeunes et de les voir évoluer et grandir dans la hiérarchie. Certains parents nous disent parfois ne pas reconnaître leur fils, l'arbitrage lui ayant permis de s'affirmer. Nous en connaissons de très timides et renfermés au début, que l'on voit quelques années plus tard diriger de main de maître un match de Nationale!"
" Nous cherchons à former l'arbitre à toute sorte d'aspects, notamment les rapports avec les joueurs, le staff, le public. Nous tentons de leur inculquer l'ABC du contact dès qu'ils commencent. À chaque match ils apprennent de leur prestation."
"L'évolution dépend de la personnalité de chacun. Certains progressent très vite - mais je trouve qu'actuellement on les fait parfois monter trop vite -, pour les autres on retravaille les points faibles lors de chaque échange que l'on a avec eux."
" Pour ce qui est des relations avec les coachs, dans l'ensemble c'est correct et respectueux, même s'il y a bien sûr des exceptions. L'apprentissage consiste entre autres à pouvoir remettre chacun à sa place: les entraîneurs ne sont pas là pour arbitrer, ils doivent se concentrer sur leurs tâches et laisser le directeur de jeu faire son travail."
... à suivre!...
Très bonne initiative d'avoir donné la parole aux arbitres car ils constituent effectivement la troisième équipe sur le terrain de jeu, au même titre que tous les officiels d'équipe ayant pris place dans la zone technique. Si tut le monde reste à sa place, le football en sort grandi. Edouard Delcambre
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