Ce qui fait la grandeur d'un manager, c'est la façon dont il gère les mauvais moments.
Marcelo Bielsa
La persévérance et la résilience sont deux qualités mentales indispensables au coaching. Ainsi que la capacité à se remettre en question. Les plus grands dans la fonction évoquent tous l'humilité comme un ingrédient indispensable à la longévité. Avoir la ténacité de traverser les moments creux en gardant le soutien de son vestiaire, voilà qui permet de juger de la qualité d'un entraîneur. Il n'est pas rare de voir une période florissante succéder à une série de défaites. C'est que tirer les enseignements d'une spirale négative rend plus fort. Garder calme et mesure en attendant les jours meilleurs, analyser ensemble les raisons d'échecs répétés, voilà une sage ligne de conduite que nous vous proposons d'illustrer avec le témoignage de quelques coachs qui viennent de connaître des fortunes contrastées...
RFC Tournai (D3 ACFF)
Après un 1/15 qui a failli amener au limogeage du coach, les Tournaisiens viennent d'enchaîner trois victoires de rang...
Jérémy DESCARPENTRIES: "Pourquoi tout remettre en cause?"
Coach, on vous a senti très atteint, notamment après la défaite à domicile contre Mons, ce sont des moments difficiles à vivre...
Nous sommes des compétiteurs, et il n'est jamais facile d'enchaîner les défaites. J'étais effectivement très déçu après ce troisième revers consécutif, ce qui est toujours délicat. Dans ces circonstances, on se sent bien seul. Un coach est jugé sur les résultats: dès qu'on perd, on se fait tirer dessus. Mentalement, il faut s'accrocher. Fort heureusement, notre staff est soudé. Avec Grégory Voiturier et Yvon Fruchart, nous travaillons main dans la main. C'est important de sentir le soutien de ses adjoints, surtout dans ces moments-là...
Ainsi que celui de ses dirigeants!
Leur appui a été constant malgré les échecs répétés, en tout cas celui du manager sportif qui est venu dans le vestiaire pour le rappeler.
Quand on demande à un coach ce qu'il compte faire pour redresser la barre, la réponse qui nous vient systématiquement à l'esprit est le travail. Sur quels aspects avez-vous personnellement insisté?
Le paradoxe, c'est qu'on remet tout en cause, alors que la méthodologie de travail reste la même, dans un cadre stable. Les règles de vie ont été établies en avant-saison, majoritairement en concertation avec le groupe. Certains s'en sont écartés, il convenait de recadrer et nous avons lavé notre linge sale en famille. C'est le propre d'un sport collectif de connaître des hauts et des bas. Les garçons avaient besoin de confiance, nous avons donc veillé à les valoriser en semaine. Pour relancer une nouvelle dynamique et renforcer les liens, nous avons par exemple fêté Halloween ensemble.
Outre le travail mental, il y a aussi eu une modification tactique, évoquée par Maxime Calon après la victoire contre Onhaye...
Le récent 9/9 a de fait été acquis dans un nouveau système, plus équilibré et qui semble plus en adéquation avec les qualités intrinsèques de nos joueurs. Mais je ne vais pas tout révéler à nos futurs adversaires (rires).
Grégory VOITURIER: "Un problème d'abord mental"
Comment analyses-tu ce 9/9 après le 1/15, la menace qui a pesé sur les épaules du coach et amené une bonne discussion?
Ce qui est ressorti de cette réunion, c'est que le club, par l'entremise de son directeur sportif, maintenait sa confiance au coach. Les joueurs ont pu se rendre compte à travers cette décision qu'ils n'étaient pas en position de force. Se séparer d'un entraîneur n'est pas toujours la solution. En cas de limogeage, on constate un choc psychologique à court terme, mais les problèmes rejaillissent souvent par la suite et le groupe retombe dans ses travers.
Qu'est-ce qui a servi de déclic?
Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. Le premier, c'est notre changement de dispositif, qui amène davantage de densité dans l'entrejeu et qui facilite un pressing plus haut dans le camp de l'adversaire. Il faut aussi reconnaître qu'après des grosses cylindrées comme Mons qui venait de changer d'entraîneur, nous avons rencontré deux équipes qui étaient aussi mal en point que nous: Tertre-Hautrage, qui sait devoir lutter pour son maintien, puis Gosselies, dans la difficulté. Quant à Onhaye, une formation athlétiquement costaude, nous l'avons sans doute prise au bon moment. Sans enlever aux qualités techniques de nos joueurs, le problème était surtout mental, et Jérémy a fortement insisté sur la nécessité de remettre son bleu de chauffe. La combativité est une valeur fondamentale, nos voisins du Pays Vert l'illustrent à merveille, eux qui se battent 90 minutes durant. Tout noyau connaît des hauts et des bas. La bonne dynamique actuelle nous permettra d'aller à Jodoigne l'esprit serein.
Qu'avez-vous mis en place pour adapter les voiles et relancer la marche en avant?
Nous veillons récemment à renouveler nos façons de faire, qu'il s'agisse par exemple des jours d'entraînement, de la présentation de l'adversaire ou encore de la théorie d'avant-match. La carotte pour battre Gosselies était un congé le mardi. Rebelote après Onhaye. Ces adaptations peuvent avoir un effet psychologique bénéfique pour le groupe. Si on continue à gagner et qu'il faut se limiter à deux séances hebdomadaires pour être champions, on le fera volontiers! (rires)
Le sourire est de retour au Stade Luc Varenne
FC Enghiennois (P2A)
Après trois défaites consécutives, les Enghiennois viennent de se défaire d'Herseaux (2-1)
Bernard LÉNELLE: "Nous n'avons pas douté"
Bernard, vous étiez déjà dans l'obligation de réagir, le but d'ouverture des Herseautois n'a fait que compliquer la situation. Vous avez heureusement su renverser la vapeur...
Nous étions bien dans les duels, lorsque nous avons encaissé suite à un contre défavorable. Mais la réaction d'ensemble a été correcte face à une belle équipe d'Herseaux, très technique et bien organisée. Vers la 40e, Gil Paternostre a surgi entre deux défenseurs sur un corner bien donné! Une parité logique à la pause. En seconde armure, notre adversaire s'est énervé et s'est retrouvé à dix. Dans un match pourtant très fair-play et fort bien arbitré par le jeune Émile Herpoel qui me semble promis à un bel avenir. Notre gardien Nicolas Delvingt nous a sauvés en remportant brillamment un face-à-face. Nous avons opéré nos habituels changements offensifs sur les flancs et c'est sur un centre que Julien Delbecq nous a donné l'avantage d'une splendide reprise de la tête. Nous avons alors subi les assauts adverses pendant une dizaine de minutes, et loupé l'opportunité de nous mettre à l'abri sur deux contres.
Un soulagement pour tout le monde après ce gros creux...
Je suis très content pour les joueurs. La grosse ambiance d'après match témoigne à suffisance du soulagement ressenti. Jusque-là, nous avions certes été absents lors de deux rencontres, sinon pour les autres défaites, c'est juste que la pièce n'est pas tombée de notre côté. Mais nous n'avons pas douté, sachant que ça finirait par tourner en notre faveur. Ceci dit, il était temps car quand tu t'entraînes à vingt et que les résultats ne suivent pas, il y a des grincements de dents. Nous savons que nous avons une équipe taillée pour prétendre au top 5. Mais la série me semble plus athlétique que l'an passé, et toutes les équipes se valent. Nous avons pris une fameuse leçon d'humilité à la Montkainoise, une formation peut-être plus limitée dans le talent mais qui s'est battue pendant 90 minutes. Le programme à suivre nous propose des adversaires qu'on aurait dit à notre portée, à nous d'enchaîner pour valoriser cette victoire qui coupe l'hémorragie...
Matthew VERHAEREN: "Notre force est d'être restés soudés"
Peux-tu nous parler de cette faculté de réaction sur le plan mental après un 0/9, d'autant que vous étiez encore menés 0-1 face à une belle équipe d'Herseaux?
Herseaux est sans conteste une des plus belles équipes que nous ayons rencontrées. Très bien balancée, fort mobile, avec des lignes de course très intéressantes, elle trouve facilement les intervalles. Et des individualités très talentueuses que le staff a réussi à mettre au service du collectif. Ils sont mieux rentrés dans la partie que nous, et nous avons encaissé sur une reconversion rapide au moment où nous reprenions la maîtrise. Fort heureusement, nous avons égalisé sur phase arrêtée avant de rentrer au vestiaire. Les rôles se sont un peu inversés en deuxième mi-temps: nous sommes revenus avec de meilleures intentions. Herseaux a été réduit à dix au cours de notre deuxième temps fort. Nous avons réussi à passer devant sur une belle action collective. La suite a été plus débridée avec des blocs fort étirés; nous aurions dû nous mettre à l'abri, mais nous sommes restés exposés à la vitesse et à la force de pénétration herseautoises. Nous étions de ce fait soulagés au coup de sifflet final.
La coupure d'une semaine vous a sans doute fait du bien pour mettre les choses à plat et discuter?
Effectivement, cette coupure nous a permis de faire le point à l'issue de cette première tranche; d'une part de se remettre en question et d'autre part de réfléchir à notre situation pour tirer ensemble des conclusions. Celles-ci sont qu'on a été incroyablement efficaces contre Estaimbourg, qu'on est passés à côté de trois matchs - Néchin, Anvaing et Montkainoise - et que sur quatre autres rencontres - Hensies, Isières, Templeuve et Obigies -, on aurait dû faire mieux, mais la malchance, le manque de réalisme, des erreurs techniques ou des buts stratosphériques nous ont empêché d'atteindre le bilan auquel nous aurions pu prétendre.
Comment avez-vous traversé cette période en staff?
Notre force est d'être resté soudés dans la difficulté, avec cet esprit familial qui caractérise notre club. On savait qu'on mangeait notre pain noir. On nous a souvent répété que nous avions une belle équipe et que nous n'étions pas à notre place. C'est agréable à entendre mais ça n'apporte rien sur le plan comptable... Dans la tête des garçons, et nous avons vraiment appuyé là-dessus, il convenait d'arrêter d'être beaux pour être bons. c'est-à-dire des guerriers efficaces.
REAL B (P2A)
Après un 3/18 et la démission de Bryan Losterman, les Acrenois se sont imposés 3-1 contre Templeuve qui restait sur six matchs sans défaite
Ronny ROELEN
Sans être (encore?) officiellement nommé, c'est l'ancien T1 de Biévène en charge des U19 à la REAL qui a coaché aux côtés du manager Denis Dehaene
Une succession de défaites et le pas de côté de Bryan rendaient la situation compliquée, comment l'avez-vous gérée?
Étant au club en charge des jeunes et ayant vu l'équipe plusieurs fois, j'ai l'avantage de connaître le groupe. Mon discours a été simple: je leur ai dit que s'ils n'étaient pas capables de courir 90 minutes, ils n'avaient pas leur place en P2...
Comment les gars ont-ils réussi à remonter le handicap d'un but?
L'égalisation rapide a fait du bien. Mais nous avions galvaudé auparavant et nous aurions dû mener. La consigne était de privilégier la verticalité par un jeu direct, et d'être présents en zone de finition. En veillant à limiter l'espace entre les lignes. Nous sommes arrivés à nos fins, en ne concédant pas d'occasions. Nos défenseurs centraux de 17, 18 ans vont vite, c'est précieux pour contrer un finisseur de la trempe d'Andal...
AS Pommeroeul-Ville A (P3B)
Après une première tranche difficile et un récent 0/9, les Pommeroeulois se sont imposés 0-1 à Mons Nord, une équipe qui avait jusque-là fait le plein à domicile!
Benoît BRASSEUR: "Le collectif prime"
Peux-tu évoquer pour nous cette faculté de réaction qui vous a permis de regagner dimanche, qui plus est en gardant le zéro derrière ?
Nous avons livré une très bonne première mi-temps, qui nous a vus ouvrir le score. Par la suite, nous avons raté deux possibilités de faire le break, ce qui nous a contraints à faire le gros dos face aux longs ballons adverses et à la pression que Mons nous a mise en alignant quatre attaquants. C'est l'abnégation et la solidarité retrouvées qui nous ont permis de résister. C'est vraiment notre point d'insistance en ce moment: la primauté du collectif sur les individualités. Celui qui n'adhère pas à ce principe n'est tout simplement pas repris.
Comment as-tu vécu cette période difficile avec ton groupe?
Nous avions déjà pu constater un mieux à Hyon il y a de cela une quinzaine, où nous avons été battus contre toute logique. Un nul était le minimum que nous aurions mérité. Pour aborder ce déplacement, nous avions décidé de modifier notre manière de procéder et de désormais jouer en fonction de l'adversaire, en tentant de contrecarrer ses forces et d'exploiter ses faiblesses. Nous voulions aussi mettre en avant le collectif au lieu des individualités. Sur le plan tactique, nous avons beaucoup retravaillé l'organisation en B-, le coulissement, la couverture mutuelle et les mouvements du bloc pour le rendre plus compact. Nous avons également insité sur les erreurs collectives et individuelles qui amenaient des buts gags et nous mettaient en difficulté.
Comment justement avez-vous tenté de corriger ces erreurs individuelles qui vous pénalisaient?
Ce sont souvent des petits grains de sable qui venaient enrayer notre mécanique. La première décision que nous avons prise est d'aligner notre entraîneur des gardiens. Aurélien Fotsi, 38 ans, qui a fait partie du noyau de Mons en D1, a une grosse expérience. Je l'ai aligné pour rassurer notre secteur défensif qui avait l'impression que le scénario tournait systématiquement en notre défaveur. C'était aussi une façon de protéger Nunzio, notre jeune gardien de 21 ans, atteint moralement par la répétition des défaites. Sa confiance s'effilochait et provoquait chez lui de la fébrilité. Quand Aurélien hausse la voix, il est écouté. S'il demande de sortir un ballon chaud qui traîne dans le rectangle, celui-ci est illico dégagé! Ce n'est pas toujours esthétique, mais dans notre situation la sobriété passe avant le beau jeu. Cela permet en tout cas de gommer quelques erreurs individuelles. Nous avons ainsi retrouvé plus de sérénité et, même si on sent que le groupe n'est pas encore en pleine confiance, le renouveau est évident au niveau de la mentalité et de l'esprit d'équipe.
"Si vous avez la ténacité de traverser les moments difficiles, vous serez définitivement un bon manager", disait Sir Bobby Robson. Nous remercions les coachs interrogés qui ont illustré par leur témoignage quelques pistes de résilience.
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