Le Football Club Enghiennois a frappé un grand coup en enrôlant l'expérimenté Bernard LÉNELLE en septembre dernier, pour prendre le relais d'un Chris GODRY qui avait décidé de faire un pas de côté. Nous avons rencontré le tacticien athois, aujourd'hui âgé de 59 ans, dont la passion est restée intacte et les principes toujours bien affirmés.
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Les raisons de ce choix
C'est par l'intermédiaire de Matthew VERHAEREN, que Bernard a connu comme joueur à Biévène et qui sera son T2, que se noue le contact avec les responsables du club. Un accord de collaboration est vite conclu: "J'ai rencontré des dirigeants au discours clair et aux fonctions bien définies; les infrastructures mises à notre disposition, notamment le terrain synthétique, sont tout simplement exceptionnelles à ce niveau. Le Comité travaille en profondeur pour trouver les indispensables sponsors. Le contexte global est donc sain. Des conditions très engageantes et de nature à crédibiliser l'ambition mesurée de permettre à ce club de retrouver le niveau supérieur que la ville d'Enghien a autrefois connu."
Une sacrée dose d'expérience
Le nouveau coach enghiennois arrive au Parc porteur d'un riche bagage. Jugez plutôt: diplômé UEFA A dès l'âge de 26 ans (!), sous la direction de Franz MASSON, Bernard a derrière lui trois décennies de coaching et une grande variété d'expériences: de Flobecq à Braine-le-Comte, en passant par Nimy-Maisières, Neufvilles, Biévène, Lessines, Beloeil, Hornu et bien sûr Ath; de la P4 à la Promotion Nationale; d'abord joueur-entraîneur (Bernard était un solide attaquant), puis adjoint (d'Hubert CORDIER au FC Ath), avant d'enfiler le costume de T1.
Son palmarès renseigne plusieurs titres, dès le départ avec Flobecq, par la suite au FC Ath, avant de connaître une double ascension, de la P2 à la Promotion, avec Lessines puis les Géants Athois. Des succès qui n'ont pas toujours été suivis de lendemains heureux et empreints de reconnaissance, mais cela aussi fait partie du métier et endurcit l'homme...
"Lors de ma première saison en tant qu'entraîneur principal du FC Ath, en P1, j'ai eu sous mes ordres des gars comme Claudy DEGRÈVE, Freddy DETRAIN, André LAURENT, Calogero TAIBI, Michel DEROUCK, ou encore Jean-Pol CARRUANA et Carlo ORIOLO. Avec des joueurs de cette trempe, tu as intérêt à en avoir, comme on dit!"
Un vécu conséquent qui ne pourra que profiter au noyau noir et blanc (20 joueurs, 18+2K) qui, depuis son accession à la P2, n'est pas parvenu jusqu'ici à rentabiliser en terme de points un football de qualité: "La saison dernière et lors des quelques matchs disputés en septembre-octobre, nous étions bons jusqu'aux 30 mètres, ensuite des lacunes apparaissaient. Ca joue au ballon, dans les espaces, en repartant proprement de derrière; bien souvent, l'équipe adverse laisse venir, se regroupe à l'approche du rectangle pour nous punir en contre. Nous avons donc recruté quelques garçons pour améliorer ces statistiques, et je peux maintenant dire que j'ai un groupe de joueurs motivés et prêts à se lancer à la quête d'un challenge."
"J'ai des garçons bien éduqués, parfois même trop: ils s'excuseraient bien d'avoir été au duel, là où l'adversaire va froidement se prendre une jaune pour une faute dite nécessaire. Ils doivent apprendre la roublardise, même si je ne demanderai jamais à un de mes joueurs de blesser un adversaire, comme ça se fait hélas parfois. "
Des exemples inspirants
Que ce soit à travers sa carrière de joueur, sa formation ou son parcours de coach, Bernard a eu l'occasion de côtoyer des personnalités inspirantes: "Je citerai par exemple Jacques URBAIN et l'esprit très familial qu'il savait instaurer, Patrice MEURANT qui avec son sens du détail aurait pu te donner la pointure de la chaussure d'un adversaire, les Tournaisiens Richard CORNIL et Marcel ROUNEAU dont j'ai été le T2-préparateur physique. Il m'a aussi été donné de rencontrer des sommités comme Philippe SAINT-JEAN ou Robert WASEIGE. Le respect mutuel entre collègues veut dire beaucoup pour moi."
Même si, parfois, ça a chauffé entre les dug-out? (rires) "Je ne suis pas un saint, si on me lance 2 ou 3 piques, je pourrais bien prendre un entraîneur par la cravate; je suis d'un tempérament assez sanguin, mais heureusement pas du tout rancunier. Pareil pour les arbitres, une mission que je n'aurais jamais voulu remplir, surtout sans juges de touche. Il m'est arrivé de m'entendre dire par certains referees "Maintenant, Bernard, tu vas fermer ta grande g...!"
De l'éducation et des valeurs
Voilà bien le leitmotiv du discours de Bernard. Enseignant de métier, celui-ci établit tout naturellement le lien avec sa fonction de mentor. À la base de cette gestion humaine, la transmission de valeurs. Les piliers de la réussite d'un groupe sont le travail et le respect, dans toutes ses composantes: respect du matériel, de l'adversaire, des spectateurs, des dirigeants.
"Un coach est avant tout un éducateur, c'est la base, le premier diplôme que l'on doit donner aux entraîneurs."
Et Bernard de nous donner quelques réflexions éclairantes à ce propos: "Jamais un de mes joueurs n'a manqué de respect à un de mes délégués, je ne l'accepterais pas. Sur le plan sportif, on peut devenir champion en gagnant des matchs contre des adversaires moins bien classés, mais qu'on respecte! Encore un exemple: vu les difficultés inhérentes au contexte COVID, tous les joueurs ont accepté de laisser tomber leurs primes de début de saison, c'est un signe qui ne trompe pas sur le respect qu'ils ont pour leur club. Pareil pour moi: le président, c'est un peu mon patron. À ce titre, il est en droit de m'interpeller pour me demander des comptes."
Un plaisir avant tout
Ayant sacrifié beaucoup de temps pour le ballon rond, parfois au détriment de sa famille, et ayant connu des deuils marquants - celui de son papa lorsqu'il s'apprêtait à disputer le dernier match du tour final de P3 avec l'US Neufvilles en 1990, et celui de son jeune frère Christophe - Bernard est bien placé pour faire passer une philosophie:
"Entraîner doit d'abord être un plaisir, ça reste un amusement. La vie est déjà courte, encore plus au niveau sportif, dès lors profitons des bons moments. Comme joueur, j'ai eu le bonheur de vivre une saison avec Pascal et Christophe, mes deux frères, au FC Ath sous la direction d'Alexandre PERSICH; ce sont des souvenirs inoubliables. Les meilleurs moments sont ceux que l'on n'attendait pas, ou plus, comme remporter un match après avoir été mené."
"Avant le football, il y a la vie familiale et professionnelle. Joueur et entraîneur, ce n'est pas notre métier. Je ne sanctionnerai jamais un joueur honnête sur ce plan-là. Un papa ou un travailleur qui fait les pauses, il faut tenir compte de tout ça. On a moins le droit à l'erreur quand on est pro. Par contre, un gars qui va jouer au mini-foot ou qui rentre à 2h du matin, même si on ne le sait pas tout de suite, ça se verra, et il ne devra pas être surpris que ça se retourne contre lui..."
Comme nous le verrons plus loin avec le témoignage de Jacques GUILMOT, ce n'est pas à Bernard que l'on apprendra les effets positifs d'une bonne ambiance de groupe sur ses résultats. "Même si j'ai dû mettre un peu d'ordre dans le vestiaire lors de mes débuts à Flobecq, j'étais le premier à mettre un bac."
Un plaisir qui n'est pas incompatible avec l'ambition: "Le coach est en droit d'attendre un retour. Je suis proche de mes joueurs tout en gardant une nécessaire distance. Mon gros défaut (NDLR: le défaut d'une qualité!) est d'être un râleur, un gagneur, éternel insatisfait. Mais quand on a repéré une faille chez l'adversaire, ou soigneusement préparé une phase arrêtée, il est normal de râler si on constate un manque d'application !"
L'animation plus que le système
Bernard insiste particulièrement sur la dimension collective de notre sport: "Coacher, c'est faire évoluer les compétences de chacun pour mettre ces qualités individuelles au service du collectif. Ce n'est pas parce qu'on met les meilleures individualités qu'on aura la meilleure équipe!"
D'où l'importance des mouvements du bloc-équipe: "Le travail de groupe est fondamental. Attaquer et défendre en groupe, élargir ou resserrer les zones. Travailler en perte de balle pour le partenaire. C'est un travail de fourmis. Le but est d'attaquer plus vite que l'adversaire ne défend, et de défendre plus vite qu'il n'attaque. Ce qui nécessite une parfaite condition physique. Je n'ai jamais eu d'adjoint pour la préparation physique, je préfère gérer moi-même ce domaine spécifique."
Préparation de match
"Toutes mes séances d'entraînement sont bien sûr planifiées du début à la fin, mais si je vois qu'une possession avec appuis fonctionne bien, qu'il y a de l'intensité, que les joueurs se donnent, je la prolonge et n'hésite pas à laisser tomber un autre exercice initialement prévu. Par contre, j'insiste toujours pour savoir combien on sera, qui sera là ou pas. Je ne m'attarde pas trop sur l'adversaire, pour éviter que les joueurs ne se grattent la tête. Cela ne signifie pas que je ne prends pas mes renseignements, le scouting est important, mais je préfère bien rôder mon système, et faire en sorte qu'il ne faille pas trop se préoccuper de l'opposition."
Exploiter les espaces
"À cet effet, j'ai demandé aux dirigeants de pouvoir disposer le jeudi d'un terrain complet, ce qui n'était pas le cas à mon arrivée. Parce que c'est important de pouvoir utiliser intelligemment tout l'espace. Travailler sur un demi-terrain se fait toujours au détriment du jeu offensif. L'efficacité est plus importante que la possession de balle. Avoir peu le ballon ne me dérange pas, à condition d'en faire bon usage."
Lecture du jeu
Écoutons le tacticien s'exprimer: "Un match, ça se lit. Même si le ballon se trouve devant, je peux regarder derrière, pour vérifier que l'organisation est en place. Le football peut s'apparenter à une partie d'échecs. Ou de poker parfois: j'ai déjà terminé un match avec 2 défenseurs, un coup d'audace pour ne rien regretter par la suite. On entend souvent dire qu'une équipe a trop reculé; mais si on recule, c'est parce que l'adversaire pousse."
L'entraîneur peut aussi avoir l'humilité de demander leur ressenti aux joueurs : "Il m'est effectivement arrivé d'impliquer les joueurs dans la réflexion à la mi-temps: les gars, qu'est-ce qu'on fait? C'est pour cela qu'il est important de miser dans la construction de son groupe sur des joueurs intelligents et de caractère."
Soigner son image
Bernard nous livre une dernière réflexion sur l'apparence à soigner, en lien avec la fonction d'exemple du coach:
"J'ai toujours été fier d'entraîner mes joueurs, et cela doit se voir dans le vêtement, tant civil que sportif."
Un bon binôme
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