Dans la foulée du premier match en championnat des filles du Pays Vert A (victoire 1-3 à Herseaux), nous nous sommes entretenus avec leur coach. En plus de poursuivre la formation dispensée par l'ACFF en vue d'obtenir le diplome UEFA A, Sven Leleux est toujours actif comme joueur en D3. Avec ses collègues Jean-Baptiste Yakassongo et Fa Pape, il assure trois séances hebdomadaires, les lundis, mercredis et vendredis. Les autres jours de la semaine, c'est lui qui s'entraîne. Vous l'aurez compris: avec les matchs du week-end, il n'est pas rare qu'il soit présent sept jours sur sept au Stade des Géants! Passion, quand tu nous tiens... Au-delà de son parcours personnel, c'est sur les spécificités du foot féminin que nous avons fait porter notre entretien. En voici un compte-rendu...
Depuis longtemps habitué aux vestiaires masculins, que remarques-tu de différent dans le foot féminin?
Je dirais tout d'abord que savoir faire preuve de psychologie est le paramètre le plus important. Nous devons prendre le temps d'expliquer aux filles pourquoi on fait les choses, afin d'obtenir leur adhésion. Préciser les raisons de nos choix. C'est ainsi que tout exercice, soit-il physique ou tactique, doit être argumenté.
Il y a deux ans, on est parti avec Jibé d'une feuille blanche. Les filles devaient enrichir leur bagage tactique. En proposant à chaque joueuse un questionnaire à la fois individuel et collectif, nous avons réalisé un dossier de 50 pages qui expose ce qu'on attend d'elles, en B+ et en B-. Ce dossier est le fruit d'une réflexion témoignant de notre volonté d'instaurer une philosophie de jeu, d'implanter notre ADN. Ces principes réclament du temps pour être assimilés par chacune, il s'agit donc bien d'un processus. Cette après-midi, nous avons inversé les positions de deux de nos attaquantes, pour que la plus expérimentée puisse indiquer les consignes à une néophyte et déclencher les mouvements attendus.
Pour donner un exemple, nous ambitionnons un jeu dominant, un bloc haut, avec un press agressif, un contre-pressing et un press négatif. Pour y arriver, nous leur apprenons à délaisser certaines zones pour mettre en place une supériorité numérique en B-. Nous cherchons aussi à empêcher l'adversaire de repartir balle au pied des six mètres.
Lorsqu'on reconnaît sur le terrain les mécanismes qu'on a voulu mettre en place, c'est extrêmement gratifiant pour nous, les coachs.
La deuxième différence que je mentionnerais se situe au niveau de l'implication. Contrairement à ce qui se passe chez les garçons, le foot féminin en première provinciale est totalement amateur. Sans être rémunéréres, elles fournissent énormément d'efforts - trois entraînements par semaine - et s'impliquent émotionnellement. Il faut donc leur rendre justice et se montrer tolérant quand elles ont d'autres priorités ponctuelles. Mais on sait qu'un match se gagne dans la préparation. La présence et l'intensité, en semaine comme le week-end, sont primordiales. Or, toutes n'ont pas le même niveau d'ambition et d'exigence avec elles-mêmes. Notre capitaine, Coraline Declercq, a connu le haut niveau, à Zulte-Waregem. Elle est pour ses équipières un exemple et une source d'émulation.
Coraline, à droite, guide l'échauffement
Aujourd'hui, nous avons su pallier l'absence d'une demi-équipe. Le prochain cap à atteindre, c'est une profondeur de noyau à niveau égal. Ce n'est pas simple: notre club ne dispose pas d'installations et d'un synthétique comme on en trouve à Mons ou Charleroi. Nous devons donc essayer d'attirer et de conserver des joueuses par le sérieux de notre travail. Claudia Limosani, notre back gauche, a déjà passé un test au Standard et pouvait partir à Charleroi; si elle a choisi de rester, c'est notamment pour la qualité de l'encadrement.
Actuellement, nous travaillons avec un groupe de 18 filles. Même si nous continuons à planifier ponctuellement des séances groupées avec la P2 pour leur permettre de profiter de l'expérience et du rythme acquis à l'étage supérieur.
La dimension psychologique et affective y est-elle plus importante?
Tout à fait. On doit prendre soin d'elles. Sportivement et en dehors, nous tentons de les aider à résoudre leurs soucis. Nous sommes très proches d'elles, et la porte de notre vestiaire est toujours ouverte. C'est un peu comme pour les petits jeunes qui montent en D3, nous avons une mission de protection.
Dirais-tu que les filles ont davantage besoin d'un coaching positif?
Il faut du positif, c'est évident, mais aussi être ferme et déterminé. À l'instar des garçons, si elles sentent une faille, elles s'y engouffrent. Il faut donc manier à la fois la carotte et le bâton. Notre staff est complémentaire, c'est un atout. Jibé est notamment plus proche d'elles affectivement, très émotionnel, là où je garde davantage mes distances.
On sent que tu t'épanouis dans cette fonction. Aurais-tu encore un message à faire passer?
Effectivement, c'est très enthousiasmant et les motifs de satisfaction sont nombreux. Nous impliquer dans le coaching des filles montre notre volonté de réduire la discrimination qu'il peut y avoir à l'égard du foot féminin. À notre échelle, nous essayons de réduire l'écart de considération, ce qui n'est pas une tâche aisée...
Des duels parfois engagés, mais toujours corrects, c'est aussi une leçon...
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