Sébastien DANGLETERRE (FC Rumes-La Glanerie), Steve ROUSSEL (AC Estaimbourg B), Andy D'HONDT (ASC Havinnes B), David HALLEMANS (FC Wodecq B) et Vincent WILLIAME (FC Brunehaut A), autant d'entraîneurs qui connaissent bien, voire très bien, notre quatrième provinciale. Nous les avons rassemblés pour évoquer divers aspects inhérents à la fonction de coach à ce niveau de pratique. Une lecture intéressante à plus d'un titre!
Commençons par évoquer vos ambitions respectives pour la saison à venir...
Sébastien: Le statut d'outsider me convient parfaitement, dans une série (la A) sacrément relevée et franchement indécise. Bien malin qui pourrait avancer un pronostic sûr. Chaque week-end, nous attendrons avec intérêt les différents résultats, contrairement à la saison écoulée où trois équipes sont davantage sorties du lot. Je préfère donc voir venir et attendre la mi-saison pour faire un premier bilan. Ceci dit, le tour final me semble un objectif raisonnable; ces prolongations sont intensives et épuisantes, mais tellement excitantes. Rassembler 200 personnes autour de notre terrain face à Givry reste un souvenir exceptionnel.
Steve: Ayant bien reconstruit, nous pouvons raisonnablement espérer une place au tour final. Mon noyau comportant une majorité de jeunes joueurs, il fonctionne beaucoup à la confiance. Avec eux, la tendance peut aller vite dans les deux sens...
Andy: Nous étions la quatrième et dernière équipe qualifiée lors du dernier exercice. Nous essaierons de nous rapprocher encore plus du podium. De toute manière, pour envisager une promotion, nous sommes désormais dépendants de l'équipe A qui est descendue en P3...
David: Reconstruire à mon aise, prendre le temps, produire du beau jeu. Le top 5 serait sympa. Est-il envisageable? Nous y verrons plus clair à la mi-saison.
Quel bilan pouvez-vous tirer de vos premières semaines de préparation et de la Coupe du Hainaut?
Sébastien: J'essaye d'apprendre de mes erreurs. L'an dernier, j'ai trop poussé. Ici, nous faisons tout avec ballon, les joueurs n'ont pas mis leurs baskets une seule fois. L'intensité vient par le jeu. En trois amicaux et un match de Coupe, notre goal-average est de 15-1 (NDLR: les Rumois se sont depuis inclinés 4-2 à Ghlin, mais Sébastien savait ses chances réduites vu les nombreuses absences).
Steve: Le bilan est bon. Les premières séances ont été suivies par une quinzaine de joueurs. J'ai été agréablement surpris par la qualité du jeu que nous avons proposé contre Bléharies. Nous ne nous sommes inclinés qu'aux tirs au but, et nous n'aurions pas dû aller jusque-là... J'ai pu tirer plein d'enseignements positifs de ce match.
Andy: Nous avons intégré une dizaine de nouveaux au noyau, et l'ambiance est déjà bien présente, grâce notamment aux apéros du vendredi. Quant au terrain, nous sommes en progression. C'était moyen contre Hérinnes, beaucoup mieux en Coupe face à Escanaffles (défaite 2-4 concédée en fin de match après avoir mené 2-0).
Vincent: Je peux être satisfait de nos prestations, surtout compte tenu du peu de joueurs présents (13-14). Mais tous les gars disponibles sont à l'entraînement. Contre la Squadra, nous avons répondu correctement et tenu physiquement 65 minutes, avant de céder face à ce rouleau compresseur...
David: La période est compliquée, avec les vacanciers. Je n'ai pas d'autre choix que de m'adapter. Heureusement, les deux noyaux sont solidaires. Un groupe est occupé à se construire au niveau du club. Deux ou trois joueurs ont su tirer leur épingle du jeu face au Risquons-Tout, mais le sous-effectif nous a clairement pénalisés.
Satisfaits de la série dans laquelle vous avez été versés?
Sébastien: Trois équipes B nous ont demandé pour avancer le match au samedi. Pourquoi pas, mais j'espère que ce n'est pas pour renforcer avec des éléments d'au-dessus...
Steve: Je ne crois pas, je pense que c'est plutôt afin de pouvoir bénéficier d'un arbitrage. Par contre, je ne trouve pas très équitable la répartition dans les deux séries 100% Wapi. Il y a beaucoup d'équipes B dont la fanion milite en P1 ou P2 qui ont été versées en A. C'est le cas de Molenbaix, Obigies, Estaimbourg, Templeuve, Montkainoise et Herseaux, c'est-à-dire deux fois plus qu'en B! Il y avait sûrement moyen d'équilibrer davantage. Et ce n'est pas le critère géographique qui entre en ligne de compte, quand on voit par exemple que Rumes et Havinnes B ne sont pas dans la même série...
Vincent: C'est vrai, Ellezelles est en B, alors qu'on l'aurait plutôt attendu avec Isières, Enghien et Flobecq... En ce qui concerne mon équipe, j'ai décidé que nous serions Brunehaut A et que nous évoluerions là où on nous désignerait...
David: De mon côté, j'ai fait le choix de Wodecq B car d'une part je connais mieux la série, et d'autre part certains de mes joueurs viennent de la région de Tournai, ils seront plus à l'aise dans une série locale. Il y aura davantage d'anciens Wodecquois dans le noyau A.
Andy: Personnellement, je suis juste ravi d'éviter Herseaux B, car c'est là que mon capitaine Pierre-Alexandre Nottebaert est décédé. Ce serait trop pénible de retourner sur le lieu de ce drame...
Les favoris dans vos séries respectives ?
Sébastien: Comme je l'ai dit, aucune idée! Quid de Molenbaix ou Templeuve par exemple? Je dirais juste que Saint-Jean et Risquons-Tout me semblent des valeurs sûres.
Steve: Je me risque à un tiercé: Rumes, Risquons-Tout, Saint-Jean. Les Tournaisiens ont recruté l'équivalent d'une P3, il faut voir comment se gérera le côté festif très prononcé du club. En B, je verrais bien Taintignies ou Brunehaut.
Andy: Je pense que Saint-Jean peut prétendre au titre. Mais attention aux Rumois, que je vois minimum au tour final. Dans notre série, je dirais Anvaing devant Taintignies, et j'espère batailler avec Brunehaut et Ellezelles pour la troisième place. C'est en tout cas mon top 5.
Vincent: Avec Michaël Dutrieux, Saint-Jean aura un entraîneur calme et posé qui va les faire travailler intelligemment. En B, Taintignies me semble bien armé.
David: Mon favori est Taintignies. Qui devra se méfier d'Anvaing, qui a juste perdu Cyprien Poulain et Bryan Feyaerts, et qui sera très solide, avec quelques bons jeunes et les renforts ponctuels de P2. Attention aussi à Brunehaut, Ellezelles et Thumaide.
Un bye chaque semaine, qu'en pensez-vous?
David: Je trouve ça plutôt bien...
Andy: Nous sommes bye le premier match, et j'en suis ravi. Nous pourrons organiser un team-building ce week-end-là...
Vincent: Il y en aura même peut-être deux, car les bruits font état de grosses difficultés du côté de Wez. Quoi qu'il en soit, nous sommes au repos dès la deuxième journée. Ce sera un avantage à la reprise où nous disposerons d'une semaine en plus pour la préparer.
Steve: L'intérêt dépend effectivement du moment où ça tombe. Nous avons la chance d'être bye en même temps que Vincent...
Sébastien: Trois week-ends sans match d'ici décembre, c'est une très bonne chose pour la récupération. Le football pratiqué en Belgique est rugueux et engagé, ce qui laisse des traces dans l'organisme.
On entend souvent des acteurs ou des observateurs du milieu évoquer une baisse générale du niveau dans le foot amateur. Quelles évolutions constatez-vous en ce qui concerne votre division aux stéréotypes tenaces?
Steve: Selon moi, le niveau en provinciales s'est amélioré, peut-être au détriment de la nationale. Je pense à des joueurs qui préfèrent pour leur confort de vie évoluer en P2 plutôt qu'en D3. Les infrastructures sont généralement meilleures, une nouvelle génération d'entraîneurs a éclos. Les joueurs actuels ne viennent plus si on ne fait que balancer devant et courir après le ballon. Plus généralement, le football est l'exact reflet de la société. La gestion d'un noyau est devenue plus difficile; la perception de l'autorité est différente. Je me sens parfois plus psychologue et enseignant qu'entraîneur. Il faut régulièrement leur parler, les rassurer.
Sébastien: Le chemin se fait à 50/50, dans le sens où le coach doit s'adapter à la nouvelle génération. Celui qui refuse ou est incapable de s'adapter n'y arrivera pas. Pour ce qui est du niveau de jeu, je trouve primordial de se focaliser sur le contenu plus que sur le résultat. Je trouve toujours intéressant d'échanger entre collègues sur le contenu. Face à Givry au tour final, nous nous sommes exagérément focalisés sur le résultat, ce qui nous a empêchés de nous libérer de la pression.
Vincent: Avec trente ans de football derrière moi, je suis bien placé pour constater une évolution, et je peux confirmer qu'elle est qualitative. On constate une plus grande variété de choix tactiques, une volonté chez beaucoup d'élaborer un jeu construit. Quand j'ai débuté en équipe première à 16 ans avec Bruyelle, l'accent était d'abord mis sur le combat physique. Aujourd'hui, on cherche la faille chez l'adversaire. L'attention y est portée en P4, comme elle l'était en P2 il y a quelques années. Lors du match aller à Rumes la saison dernière, je me suis buté dans ma manière de jouer, ce qui nous a coûté des buts, mais je répète inlassablement à mes jeunes que l'erreur fait partie de l'apprentissage. Pour en revenir à ce qu'on disait à propos de la mentalité, je me souviens qu'à mon époque, c'étaient d'office les jeunes qui préparaient et ramassaient tout le matériel. Les choses ont bien changé sur ce plan aussi...
David: Le football de quatrième provinciale évolue favorablement, il est plus structuré. La plupart des formations comptent pas mal de jeunes éléments qui ont reçu une formation correcte. Les entraînements sont généralement suivis. On peut certes déplorer les conséquences négatives de l'effet Covid, beaucoup ayant goûté à d'autres sports (Padel, vélo...), mais je crois que le rythme et les habitudes vont revenir.
Andy: Je crois que tout a été dit. Je me contenterai peut-être d'ajouter qu'avant, on ne partait pas en vacances après le 20 juillet...
Que pensez-vous de la multiplication des équipes B, souvent au détriment des U21, anciennement Juniors?
Steve: La création des équipes B a contribué à améliorer le niveau de la P4. Les jeunes ont aussi plus l'occasion de se mettre en évidence et de s'aguerrir au foot adulte. Maintenant, cela ne se fait pas sans causer quelques problèmes. C'est notamment embêtant quand A et B évoluent au même niveau. Il y a également le fait que certains préfèrent jouer 90 minutes avec leurs copains plutôt que d'aller sur le banc avec l'équipe fanion. En tant que dirigeant, j'ai parfois du mal à me positionner. C'est pourtant une politique de club à mettre en place. Chez nous, il est convenu que la condition sine qua non pour qu'un élément du noyau A vienne jouer en B est qu'il se soit entraîné toute la semaine. Sa prestation sera également évaluée. En tant que renfort, il devra prester comme tel. Quand il y a deux divisions d'écart, certains considèrent que c'est dégradant pour eux de descendre!
David: C'est pour moi aussi le souci premier: devoir expliquer à tes joueurs qu'ils doivent céder leur place à des gars du noyau A que tu es obligé d'accepter. Il est indispensable qu'il y ait de la logique et de l'honnêteté, dans le sens de respecter les consignes qui ont été énoncées au départ. Tous les coachs aiment être compétitifs et qu'on montre de l'intérêt pour leur équipe.
Andy: C'est vrai que ce n'est pas facile quand trois joueurs descendent de A. Nous venons de signer Aurélien Rondia. Il a bien insisté sur le fait que c'était uniquement pour jouer en P4: sans pression, juste pour le plaisir.
Vincent: Je rejoins David dans cette question de la logique. J'ai moi-même vécu cela en tant que gardien au Pays Blanc, quand on aurait voulu que je prenne la place de Benjamin Duhaut dans le but. J'ai d'abord cru qu'il était blessé, alors qu'il s'agissait juste de l'écarter au profit d'un plus expérimenté. Je l'ai aussitôt rassuré en lui disant que ce serait la première et la dernière fois. Nous avons d'ailleurs perdu ce match à Herseaux. Je suis d'accord sur le fait que, pour descendre, le gars du noyau A doit s'être entraîné. Quand mon neveu Gaspard nous a rejoints à tout juste 16 ans, je lui ai fait comprendre que ce ne serait pas facile pour lui de s'imposer chez les adultes. Mais il a bossé toute la prépa et gagné sa place de titulaire grâce à sa mentalité.
Sébastien: Comparée à toutes celles qu'on vit au fur et à mesure de sa croissance, la transition vers les seniors est la plus délicate. C'est à l'éducateur que revient la tâche de bien encadrer ce passage. Il faut amener du contenu aux jeunes, et être patient avec eux. Ils ont besoin d'un vrai temps de jeu. À Rumes, trois recrues de 17 ans ont fait la préparation; ils vont commencer à la place des titulaires présumés qui reviennent de vacances. La scission des noyaux m'a choqué à mon arrivée. En France, les B s'entraînent avec les A et sont ainsi tirés vers le haut. Désormais, les réserves se joignent à nous en semaine. Ne former qu'un groupe permet de garder du nombre même quand les conditions climatiques sont plus ingrates.
Les équipes de Wallonie Picarde n'ont pas performé au tour final en mai dernier. On parle souvent de loterie, serait-ce donc juste une question de malchance?
Andy: Ce n'est pas passé loin pour plusieurs équipes. C'est la vérité d'un jour. Peut-être que sur un championnat, Rumes aurait pris le dessus sur Givry...
David: Je préférais la formule précédente, quand on jouait d'abord entre équipes de sa série, avant d'affronter les autres.
Steve: Là-dessus, je ne suis pas trop d'accord avec toi, parce qu'on est pénalisé si on évolue dans une série plus forte. Même s'il y a des avantages et des inconvénients, je trouve le tirage intégral pus juste et plus logique. Le principal problème, c'est que pour sortir de la P4 par le biais du tour final, c'est le parcours du combattant: il faut gagner six matchs, là où en P3, deux suffisent.
Vincent: Selon moi aussi, le tirage intégral constitue la meilleure alternative. Nous avons eu la malchance de tomber sur Hensies B, avec son chaud public qui a impressionné mon jeune groupe, trois d'entre eux seulement ayant déjà vécu l'expérience d'un match couperet. Nous avons défendu nos chances sans pression et ne nous sommes inclinés qu'aux tirs au but, c'est le jeu...
Sébastien: Pourquoi ne pas procéder comme au football américain dont je suis fan: un deuxième affronte un cinquième, un troisième est opposé à un quatrième. La logique du classement est ainsi respectée. On récompense le travail de toute une saison, et on pousse à jouer jusqu'au bout. Quand nous avons tiré Givry dès le second tour, c'est le deuxième meilleur second qui affrontait le meilleur second de toutes les séries. En procédant de la sorte, on se court-circuite. À force d'entendre que nous étions les deux meilleures séries, on s'est fait rentrer dedans au premier tour par la Mominoise. Je vais en tirer les leçons et modifier mon approche psychologique de ces matchs à élimination directe.
Un mot pour terminer sur l'absence d'arbitres?
David: Je viens de signer dans un club qui a reçu une plainte à ce sujet. Tout est floué, même quand il n'y a pas volonté de tricher...
Andy: En P4G, il y a eu plainte sur plainte, ett je ne sais combien de bagarres générales!
Vincent: Heureusement qu'il y a davantage de respect mutuel dans nos séries régionales. Ce n'est pas gai pour les bénévoles qui doivent arbitrer. La tension est parfois énorme quand certains surprotègent leur équipe; il faut alors tempérer les ardeurs des supporters. Lorsque mon délégué a annulé un but d'Esplechin à cinq minutes de la fin, je lui en ai demandé la raison. Et par la suite, je lui ai conseillé de ne plus siffler, laissant cette tâche à mon frère qui s'exécute avec neutralité, ce qui ne l'a pas empêché de recevoir des noms d'oiseau à l'occasion...
Sébastien: Quand ce n'est pas par ceux de ton propre club que tu te fais engueuler... Comment faire pour rendre ce sport plus convivial? Personnellement, je suis le plus intransigeant sur la question des rouspétances aux arbitres. Je ne supporte pas la contestation.
Steve: J'ai arbitré 15 de nos 29 matchs, alors que j'ai juste envie de coacher. Même sans prendre parti, on se fait insulter. Lors d'un match où j'avais accordé deux pénaltys à l'adversaire, on m'a encore reproché ma partialité! Cette mauvaise foi me rend fou. Or, certains clubs ne font aucun effort pour désigner un volontaire. Et on risque bien de n'avoir aucun officiel cette saison, il semblerait que la P3 en manquerait déjà...
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