vendredi 28 mai 2021

Charly Vanherpe, "T2 sur papier, mais pas dans l'esprit"

 Après avoir dirigé l'équipe première de l'ASC Havinnes (P2) trois saisons durant, Charly Vanherpe a mis le cap sur Molenbaix (P1), et s'apprête à y découvrir le rôle d'adjoint aux côtés de Fred Debaisieux.




Côté Coach: Ton expérience à Havinnes était-elle une première dans le coaching, ou es-tu au préalable passé par les jeunes?

Charly Vanherpe: J'ai entraîné les U12 de... Molenbaix une saison; c'était très chouette, mais je restais un peu sur ma faim sur le plan de la mise en place tactique. 



Le passage en adultes m'est donc vite apparu comme une évidence, et la proposition des dirigeants havinnois est vraiment venue au bon moment.

CC: Comment envisages-tu cette transition d'entraîneur principal vers un rôle de second?

CV: C'est un choix bien réfléchi mais en même temps instinctif, que je ne vis pas du tout comme une régression. Le discours de Fred m'a immédiatement séduit. 



J'ai aussitôt perçu dans ses paroles la volonté d'un vrai travail d'équipe, avec Olivier Lignian, le coach des gardiens. Une cohésion que j'ai pu ressentir dès l'élaboration de la saison à venir. Je crois pouvoir dire que je serai un T2 sur papier mais pas dans l'esprit. De plus, je suis un jeune entraîneur - Charly aura 38 ans en août -, et je vais beaucoup apprendre au contact d'un leader qui est une pointure dans le foot provincial. C'est un apprentissage qui ne peut que m'aguerrir. Le terrain aussi va me permettre d'évoluer.




CC: Ne crains-tu pas quand même que la causerie au vestiaire ne te manque?

CV: Il est clair que j'appréciais l'approche tactique et le discours d'avant-match en tant qu'entraîneur principal, et qu'ici c'est évidemment Fred qui aura la parole, mais il y aura une réflexion concertée en amont. Et puis, mon passé de demi-défensif, celui qui travaille dans l'ombre au service des autres, sans chercher à se mettre personnellement en valeur, m'a appris à valoriser l'esprit collectif. 



CC: Quelles sont les tâches qui te seront confiées?

CV: Pour ce qui est du travail en semaine, je prendrai en charge la mise en train et la première partie de l'entraînement, ce qui inclut la préparation physique. Nous pourrions aussi diviser le groupe en deux et nous répartir les objectifs. La stratégie est plus du ressort du T1, mais nous l'envisagerons de concert.  Le scouting des adversaires fera également partie de mes attributions. Pour ce qui est de mon rôle pendant les matchs, Fred me le précisera en temps voulu.

CC: Vous vous êtes croisés lors de la saison 18-19, qui a vu les Molenbaisiens accéder à l'élite provinciale. Quels souvenirs gardes-tu de la double confrontation?

CV: D'excellents souvenirs. Accueillir Molenbaix en journée d'ouverture était déjà un joli clin d'oeil de la programmation. Cela s'était terminé par un 0-0 mais au terme d'un match très plaisant. Quant au retour, il était prévu lors de la dernière journée avant la trêve de fin d'année. J'avais briefé mes joueurs sur le fait que ce rendez-vous me tenait particulièrement à coeur, et le message était bien passé puisque nous étions parvenus à nous imposer 0-2, ce dont je n'étais pas peu fier!

CC: Visiblement, Fred n'entretient pas de rancoeur particulière après ce 1 sur 6?

CV: Bien sûr que non, même si nous sommes tous deux des gagneurs. Ce goût partagé pour la compétition est d'ailleurs un signe avant-coureur positif de notre collaboration. Ca peut coller avec lui sur ce plan-là: être conquérant, rechercher la victoire plus qu'éviter la défaite. 




CC: Olivier Lignian n'aura-t-il pas à jouer le rôle de tampon entre vous dans le dug-out? (clin d'oeil)

CV: Peut-être, effectivement, un peu d'eau pour éteindre les feux (rires). Mais en trois années de T1, avec quelques joueurs au tempérament bouillant, j'ai appris à temporiser. Et Fred a, pour sa part, acquis suffisamment d'expérience pour maîtriser ce paramètre.


samedi 15 mai 2021

Jimmy DUBART et la reprise après cette longue interruption: "Les dégâts sont limités"

 Jimmy DUBART, 32 ans, prof d'éducation physique, diplômé UEFA B et Préparation physique à la Faculté des Sciences du Sport de Lille, est préparateur physique au Pays Vert Ostiches-Ath depuis quatre saisons, et désormais T2 de Jimmy HEMPTE. C'est une double blessure aux ligaments croisés qui l'a fait s'orienter très jeune vers le coaching. Il envisage désormais de se lancer à la conquête de l'UEFA A. Avec l'objectif de devenir T1? "Plutôt celui de monter. Et il me paraît plus réaliste d'envisager gravir des échelons comme T2 ou préparateur. Dans cette optique, je suis attentif à toutes les innovations dans un domaine qui ne cesse d'évoluer. J'ai d'ailleurs mis à profit cette période d'inactivité forcée pour bouquiner et participer à des webinaires."

Outre la gestion d'un collectif, Jimmy a aussi une expérience comme coach personnel, et s'est déjà occupé de footballeurs comme Laurent DEPOITRE ou Charly MORREN     

      


                                        

                   

                         
Nous l'avons rencontré pour avoir l'avis d'un spécialiste sur les conséquences d'une interruption forcée de sept ou huit mois au lieu des deux habituels de trêve, et sur les précautions à prendre pour une reprise raisonnée des entraînements.

Côté Coach: Comment envisages-tu la reprise avec le groupe après une si longue interruption?

Jimmy DUBART: Pour l'instant, nous organisons diverses activités pour reprendre en douceur: padel, tennis, run & bike, agora, tennis-ballon... Cela permet aux joueurs de se retrouver, du moins ceux qui le peuvent car certains travaillent le samedi matin. Nous nous verrons ensuite une dizaine de jours, du 20 au 30 juin, avec un gros volume de travail, qui aura été préparé par un programme individuel de quatre semaines. La reprise normale est fixée à la mi-juillet, avec un stage, probablement à la Côte.




CC: Pas trop de craintes quant à l'état de forme dans lequel tu vas retrouver tes joueurs?

JD: Non, chez nous, les dégâts seront limités. La plupart ont gardé une condition relativement stable en continuant à pratiquer un sport. Le risque principal est la prise de poids, surtout de masse grasse, avec une perte de masse musculaire. Nous veillerons à les remuscler le plus progressivement possible. Ensuite, c'est essentiellement le rythme qu'il faudra retrouver. J'envisage de les tester directement et de leur assurer un suivi individualisé, encore plus que les autres années. Nous avons l'habitude d'utiliser le VAMEVAL, mais nous pourrions innover avec le 30/15 IFT (Intermittent Fitness Test) (1). Le but étant toujours d'organiser des groupes en fonction de la VMA.

CC: On constate un grand nombre de blessures chez les pros. Quelles mesures comptes-tu prendre pour prévenir le risque?

JD: Beaucoup de proprioception (cheville, genou...) et de mobilité des hanches. Pour ce qui est des étirements, tant passifs qu'activo-dynamiques, je préfère rester prudent. L'évolution est rapide et constante à ce niveau. Laurent Depoitre me disait ainsi qu'à La Gantoise, on ne pratique que les mouvements articulaires. De mon côté, je laisse faire le joueur qui aime s'étirer, dans sa routine d'avant-match notamment.




Cette année, nous aurons par ailleurs l'opportunité de faire passer des tests isocinétiques aux joueurs, l'ACFF permettant aux D2 et D3 amateurs de se rendre au CAPS (Centre d'Aide à la Performance Sportive). Mario INNAURATO, que l'on ne doit plus présenter dans le domaine de la PP, participe à ce projet (2). Heureuse initiative qui nous apportera de précieuses informations pour le suivi individuel de chacun. Un gars comme Jason Vandeville, qui souffre d'instabilité aux ischio-jambiers, tirera le plus grand bénéfice d'un bilan personnalisé.

CC: Comment ta préparation physique s'intègre-t-elle dans le schéma global d'entraînement, et quelle périodisation privilégies-tu?

Ma prise en charge intervient en parfaite adhésion avec le plan de travail de Jimmy. Nous planifions ensemble le travail de la semaine. Le mardi, j'anime au minimum 45 minutes, en lien avec la périodisation tactique. Nous privilégions les jeux réduits, avec des surfaces bien délimitées, et un thème pré-défini. Par exemple, pour exercer la reconversion, nous envisagerons un 6c6 sur deux petits terrains. L'équipe qui perd le ballon doit se rendre le plus rapidement possible sur l'autre aire de jeu.




Ma périodisation athlétique est organisée sur quatre semaines. Les trois premières sont construites en intensité progressive: endurance aérobie, fartlek, fractionné long, moyen, court. Et la quatrième plus cool. Hubert LEMAIRE nous a récemment parlé de son bloc de trois semaines, mais dans un club pro, il y davantage de séances hebdomadaires.


(1) https://martin-buchheit.net/the-30-15-intermittent-fitness-test/ 

(2) http://www.capsport.be/ ; https://www.acff.be/nouvelles/lacff-et-le-caps-vont-aider-les-clubs-de-d2-amateurs-progresser-sur-le-plan-medico


lundi 10 mai 2021

La préparation physique au coeur de la formation

 De l'éducation physique à la préparation physique



Quentin et Jérôme entourés de leurs amis Simon Leconte et Arnaud Dumoulin

Jérôme THÉMONT et Quentin PARENT, tous deux 34 ans, sont avant tout amis et de grands sportifs. Ils ont entrepris et réussi ensemble leur Bachelier Éducation Physique à Nivelles, à l'issue duquel ils se sont spécialisés en suivant avec succès une année de formation complémentaire en Préparation Physique à l'Université de Lille. 

Outre son temps plein à Neerpede, Jérôme a conservé un mi-temps dans l'enseignement; il déplore une tendance inquiétante chez nos jeunes: "Leur condition physique globale est dramatique. Conséquence du monde virtuel dans lequel ils baignent? Certains ont du mal à trouver des centres d'intérêt, et se complaisent à ne rien faire, alors qu'on n'a jamais connu un tel choix d'activités. Concernant le sport, nous essayons de les sensibiliser. Si je devais les coter sur un test Cooper comme on le faisait il y a quelques années, ce serait une catastrophe. Nous sommes obligés d'évaluer la progression, en essayant de les motiver par un discours positif et encourageant."

À bonne école

Nos deux coachs ont pu s'appuyer sur d'éminents pédagogues pour les guider dans leur apprentissage. Tous deux s'accordent pour reconnaître en eux des modèles inspirants. C'est d'abord Jérôme qui nous parle de Bernard DECABOOTER, qui l'a conseillé à Mouscron:




"J'ai eu la chance de rencontrer un excellent maître de stage. Bernard a pris le temps de transmettre les leçons de son expérience. J'ai découvert en sa personne un vrai formateur, qui a mis tout son coeur à m'aiguiller. C'est une rencontre qui a compté dans ma vie. Il incarne pour moi toute l'importance de l'humain dans le foot, comme on a encore pu le voir récemment entre Conte et Lukaku par exemple."

Pour Quentin, c'est en bord de Meuse que s'est fait l'écolage. Il a eu l'occasion de côtoyer le regretté Guy NAMUROIS au Standard: "Une référence dans le domaine, une sommité même. Guy aimait les fondamentaux. Je me demande ce qu'il penserait de l'évolution actuelle, et de cette forme de robotisation via les datas."



Quentin a visiblement fait ses preuves durant ce stage puisqu'il a été embauché au Sart-Tilman, où il est resté jusqu'en 2012: "Un mi-temps à l'école St-François d'Ath, et un autre au Standard de Liège, une situation certes enviable mais cela faisait beaucoup de temps sur les routes." 

En binôme à Neerpede

C'est en 2012 que le Frasnois retrouve au Sporting d'Anderlecht son ami Jérôme qui, lui, y était depuis 2009, par l'intermédiaire du Tournaisien Hubert LEMAIRE. 



C'est lorsque celui-ci a intégré le staff de l'équipe première à la demande de John van den Brom que l'opportunité s'est présentée pour Quentin d'être embauché par le club bruxellois.

Préparateurs et coordinateurs

Employés à temps plein, ce qui veut dire six jours sur sept au Centre de formation, nos régionaux y gèrent la coordination de la préparation physique, des U11 aux U18. 


                                                      




"Chez les plus jeunes, entre 10 et 12 ans, il s'agit plutôt d'éducation physique, avec un accent mis sur le jeu et le plaisir: beaucoup de variété, un maximum de situations s'apparentant à la gymnastique. En U13 déjà, et davantage encore en U14, nous les sensibilisons aux postures, y apportant des corrections. Nous entraînons au fur et à mesure leur stabilisation et leur mobilité."

"Un préparateur physique travaille en symbiose avec le coach dans chaque équipe. Nous convenons avec eux d'un plan de travail hebdomadaire, en fonction d'un thème désigné, par exemple l'intensité via des séquences d'intermittent en 15/15. Il y a des constantes, comme la mobilité des hanches le lundi ou le mardi, la musculation en salle le mercredi, la vitesse intégrée ou dissociée d'office une fois/semaine."

Outre cette mission de planification et de supervision, Jérôme fait partie du staff des U18: "L'entraînement physique s'y fait essentiellement dans l'intégré, l'ère Kompany valorisant davantage encore le travail avec ballon. Avec les coachs, nous travaillons souvent par plateaux. Je suis notamment chargé de veiller au timing et à la bonne répartition des temps de travail / temps de récupération."



Ce qu'on fait en plus des autres fait la différence

De son côté, Quentin s'occupe de la réathlétisation des joueurs revenant de blessures, ainsi que du travail individuel des talents - tels Duranville, Azaouzi, Butera, qui viennent de signer leur premier contrat pro - à partir des U15: "En fonction de certaines carences physiques, qui sont déterminées par des tests spécifiques, je leur concocte des séances individuelles supplémentaires. Ce qui n'est pas toujours facile car il faut jongler avec l'horaire scolaire. Nous pouvons placer ces séances sur le temps de midi, ou alors le joueur vient plus tôt au club. Pour y travailler par exemple la posture, la souplesse, la force de la chaîne postérieure, etc."

© NordEclair.be

Jérôme abonde dans le même sens: "La culture du travail s'inculque, jusqu'à devenir un plaisir. Les joueurs ne voient pas l'entraînement athlétique comme une punition, mais comme une plus-value pour renforcer leur progression. C'est une grande satisfaction pour nous de voir des Sardella, Ait El Hadj, Cana et autres évoluer directement en Première sans passer par les Espoirs, le coach faisant confiance aux jeunes."

Tirer le meilleur développement de chacun

La préparation physique est un domaine qu'il convient de maîtriser parfaitement, et dont l'importance est cruciale pour un développement harmonieux de l'adolescent, notamment pour la prévention des blessures: "Parce qu'un joueur fit est un joueur qui encourra moins de blessures musculaires, rappelle Jérôme. Nous devons tenir un compte rigoureux des jours d'entraînement et de la charge de travail."

Nos interlocuteurs insistent sur le respect primordial de l'évolution propre à chaque jeune: "Il ne faut pas aller trop vite à les faire travailler comme des hommes, lance Quentin. Le processus prend du temps, et l'analyse critique doit être individuelle. Un tôt mature de quinze ans qui surpasse ses équipiers en vitesse pourrait croire qu'il a régressé en U18-19, mais nous le rassurerons en lui expliquant que c'est l'écart physique entre eux qui a diminué." 

"À quatorze ans, ils se voient en équipe première à seize, poursuit Jérôme. C'est un peu fou. Lukaku l'a fait, mais ça reste une exception. Le processus de développement se termine à vingt-et-un ans. En fonction de leur âge de développement, nous devons viser la progression optimale de chacun. Mettre des joueurs dans des cases ne fonctionne pas. Je repense à Alexis Saelemakers, qui était un tard mature; en U15, il était limité sur le plan de la vitesse, mais très agile et réactif."

Les différentes filières

L'intermittent est l'exercice qui se rapproche le plus de l'effort en match: "On le placera généralement à J-3 (c'est-à-dire trois jours avant le match), précise Jérôme. Lorsqu'il s'agit de course pure, les joueurs ne peuvent pas se cacher. Pour l'intermittent avec ballon, cela dépend un peu de la qualité technique et de leur bon vouloir. Avec du 15/15 pendant six minutes, on s'entraîne à haute intensité. Pour ce qui est de la vitesse, on envisagera la réactivité à J-1. Si c'est J-2, on peut aller un peu plus loin et ajouter une dizaine de mètres au sprint. Nous travaillons beaucoup moins en résistance. Celle-ci est ponctuellement sollicitée via une récupération plus courte. C'est en effet le temps de récupération qui détermine la filière dans laquelle on se situe."

Et au niveau régional?

Pas le moindre soupçon de supériorité chez ces coachs qui exercent au plus haut niveau de la formation, mais au contraire beaucoup de respect pour les collègues des provinciales: "On y fait souvent du très bon travail, reconnaît Jérôme. Surtout maintenant que la plupart sont bien formés pour la fonction. Et quand on travaille seul, on est d'office impliqué à fond. Plus un staff est grand, plus le risque existe qu'on ne donne pas la pleine mesure de son potentiel."

Quels aspects propose-t-il de privilégier quand on ne dispose que de deux ou trois séances hebdomadaires? 

"Je soulignerais d'abord l'importance d'une bonne préparation. Lorsqu'un coach dispose d'une équipe bien préparée, il peut rester le plus possible dans l'intégré, avec pour conséquence positive que les joueurs ont plaisir à venir s'entraîner. De plus, quand un joueur est bien physiquement, sa technique s'exprimera mieux, et il fera plus facilement les efforts. Pour appliquer les principes d'un coach, il faut de bonnes bases physiques, outre le fait qu'une condition au top constitue la meilleure prévention des blessures."

"Ensuite, la planification envisagera le volume et l'endurance à J+2 ou 3, la vitesse toujours le plus près du match. J'insisterais également sur la mobilité (souplesse en mouvement), sous forme d'exercices visant à rechercher une plus grande amplitude dans le mouvement. Enfin, il est utile de rappeler tous les bénéfices que l'on peut tirer du renforcement musculaire. Chez nous, un Verschaeren est très gainé, Sambi Lokonga était fluet à 15-16 ans, ils peuvent maintenant rivaliser dans le duel physique avec des gabarits supérieurs."


mardi 4 mai 2021

"Je suis si fier de mes joueurs" : le match de Pep Guardiola



 

Tout au long de la demi-finale retour face au PSG, nous avons observé les attitudes du coach de City pour les mettre en rapport avec sa conception du coaching, exprimée dans l’ouvrage de Marti PERARNAU intitulé Pep Guardiola, The Evolution (Arena Sport, 2016).

Deux aspects ressortent de son discours d’avant-match :

-        La mise en garde : « Une demi-finale retour est toujours le match le plus difficile »

-        L’appel au calme : « Nous devons contrôler nos émotions »

Cette approche est conforme à sa philosophie habituelle : « Au lieu de discours enflammés j’ai développé des stratégies pour calmer leurs esprits et les garder dans le moment présent », et l’abord mental de l’opposition : « Il est impossible d’affronter un match correctement si vous ne craignez pas vos adversaires ».

D’où le front tendu par les rides que l’on a pu observer en tout début de match (2e). « Il est constamment en train de revoir mentalement tous les risques potentiels, explique Perarnau, et ceci ne le rend pas seulement très prudent sur les décisions qu’il prend, mais cela lui donne aussi un air de pessimisme. »

Danger potentiel qu’il perçoit immédiatement sur le coup-franc axial provoqué par Neymar à la 14e, ce qui l’amène à hurler, ou sur la tête de Marquinhos qu’il voit avec soulagement heurter la barre (16e).

L’adrénaline est évidemment omniprésente dans le coaching de Pep : il accompagne les mouvements de l’équipe, de droite à gauche dans son dug-out (33e), qu’il quitte régulièrement pour s’approcher davantage de la ligne et de ses joueurs, afin de les guider comme l’un des leurs (45e, 56e, 60e).

Il vit pleinement le match, râle parce que Zinchenko joue en retrait (23e), s’accroupit mains sur la tête suite à une dangereuse perte de balle de Mahrez (55e), réclame les fautes à l’arbitre (49e), savoure les buts et jubile pleinement : « Tout est question d’émotion, de passion. »

Pep justifie cette tension comme étant nécessaire à la compétitivité. Il cite Michaël Jordan qui avait l’habitude de dire que si vous n’avez pas d’ennemis, vous devriez vous en faire. « En sport, vous devez être un peu remonté et tendu ». Le sourire narquois adressé à Danilo suite à sa carte jaune en toute fin de match peut s'interpréter dans ce sens.


© Franceinfo

Dans son esprit, cette tension se doit en effet d’être maintenue jusqu’au coup de sifflet final : « Concentration totale pour toute la durée du match. Ne jamais, jamais se relâcher. Effort maximal. Toujours. Si je me relâche, l’équipe se relâche». On comprend mieux l’intensité qu’il met encore dans son coaching dans les dix dernières minutes, quand l’adversaire semble résigné. Tout au plus s’assiéra-t-il quelques instants à la 89e.

Le football total qu’il prône dans la lignée de Johan Cruyff se traduit dans ses appels gestuels à la reconversion : tout le monde défend (67e) !

Pep Guardiola est un tactile. On l’a vu très proche de son adjoint dès la mi-temps sifflée, et au retour des vestiaires. Lors des changements aussi. Il prend Aguero dans ses bras avant sa montée au jeu, Foden à sa sortie du terrain. « Si vous voulez vraiment savoir ce que j’attends de la vie, de mon métier, j’en attends d’être aimé ».


© Lequipe.fr

Ses premières paroles en conférence de presse ont été pour les joueurs qui n'ont pas été alignés ce soir. Ca aussi, c'est typique de sa sensibilité et de sa délicatesse: "Ce n'est pas facile car je dois laisser des joueurs en dehors de l'équipe, et alors ils supposent que je ne les aime pas". 

On peut être sûr de ce que le coach de City ne laissera pas ses hommes s’endormir sur leurs lauriers. Fidèle à sa vigilance de principe, « c’est quand vous gagnez que vous devez être le plus vigilant », il va déjà tourner leurs regards vers les prochains objectifs.

Il se base pour cela sur les enseignements de Garry Kasparov, le célèbre maître des échecs : « Quand vous gagnez, vous créez l’illusion que tout va bien. Nous voulons tous célébrer une victoire, pas l’analyser. La complaisance est un ennemi dangereux. »


 

 

samedi 1 mai 2021

Philippe Saint-Jean: l'amour du sport et des jeunes

Transmettre est la seule manière de rester fidèle à ce qu'on a reçu (Enzo Bianchi)

 

Plus de quarante ans dans le coaching, dont une trentaine dans la formation, Philippe SAINT-JEAN fait sans aucun doute figure de référence en la matière. Un passionné, dingue de travail, à l'impressionnante collection de données, qui a beaucoup à transmettre mais qui en même temps garde une grande soif d'apprendre pour, comme il le dit si bien, "constamment réactualiser".

À peine remis de l'immense déception provoquée par la descente de l'Excel Mouscron et des conséquences sur "son" Futurosport, Philippe a accepté de nous recevoir pour évoquer la philosophie qu'il retire de sa grande expérience dans le domaine de la formation.



© Vivreici.be

Dans l'ombre des Castors

Côté Coach: Philippe, peux-tu retracer pour nous les prémices de ta carrière et tes premiers pas de formateur?

Philippe St-Jean: Dès l'âge de 15 ans, je frappais aux portes de l'équipe première de Braine-l'Alleud, ce qui m'a donné l'occasion d'y côtoyer un coach qui avait de l'éloquence, et qui m'a immédiatement impressionné. Dix ans plus tard, une grave blessure au genou m'obligeait à mettre un terme précoce à ma carrière de joueur. C'est ainsi que j'ai commencé à entraîner des jeunes à 26 ans, suivi les cours de l'Union Belge et obtenu mon diplôme à 30 ans!

Trois ans plus tard, l'entraîneur de l'équipe première, Maurice SMEETS, et le président du club me demandaient de reprendre le flambeau en P1. Ce que j'ai accepté, tout en gardant un oeil sur la formation. À deux reprises, nous finirons deuxièmes en Promotion. Hélas pour nous, le bourgmestre a privilégié le basket, les Castors étant en plein essor. 

En équipe nationale

CC: En même temps, tu as très vite été engagé aux côtés d'Ariel JACOBS à la Fédération!

PSJ: On m'a effectivement confié les 10-12 ans, catégorie qui venait d'être lancée, et qui faisait l'objet d'un large travail de repérage; j'allais visionner en Flandre, mon homologue flamand en faisait de même chez nous. C'était la génération des GENAUX, GOOSSENS, DEFLANDRE, DE BRUL... Nous étions plutôt bons dans l'ensemble. Je me souviens par exemple d'une victoire 3-0 face aux Pays-Bas, mais aussi d'une défaite 0-3 contre les Français, en comparaison desquels nous accusions un net retard technique.

Le fil rouge

CC: D'où cette volonté de commencer plus tôt?

PSJ:  À l'époque, on ne jouait pas avant 8-10 ans. J'ai décidé de lancer les cinq ans à Braine-l'Alleud, dans ce qu'on peut appeler la pré-formation. Beaucoup de gens, des professeurs principalement, y ont cru et m'ont suivi dans ce projet. C'est ainsi que nous avons pu initier de nombreux éducateurs bénévoles. 

Ce plan de formation, avec un fil conducteur des plus petits jusqu'aux adultes, tenait la route. Franky VERCAUTEREN, de retour du FC Nantes, s'y est intéressé de près et a visiblement trouvé pas mal d'intérêt à mes fardes. Pär ZETTERBERG, le fils de PERUZOVIC, les fils VANDENSTOCK sont aussi passés par notre club. 

L'appel de Detremmerie

J'aurais bien pu ne jamais quitter le Brabant wallon et y poursuivre ma mission à la manière d'un Guy ROUX, mais Jean-Pierre DETREMMERIE a réussi à me convaincre. "Tu feras exactement la même chose ici", m'a-t-il dit. C'est ainsi que le Futurosport a vu le jour. J'en suis redevenu le directeur en 2018. Aujourd'hui, nous nous battons pour ne pas tout perdre suite à la descente. Nous avons par exemple des 2004 exceptionnels que nous tenons absolument à garder.

CC: Comment analyses-tu les soubresauts vécus par les clubs et la difficulté à maintenir une ligne de conduite dans la durée?

PSJ: Régulièrement, dans les clubs où je suis passé, il y a toujours eu un problème qui s'est présenté au terme d'un cycle de trois ans. Au moment où l'on s'apprêtait à récolter les fruits de notre travail, qu'on allait être dans la sérénité, la mécanique venait à se gripper. Ce sont par exemple les dirigeants ou les managers qui prétendaient que tel ou tel joueur n'avait pas le niveau que l'on venait d'atteindre. J'ai notamment connu ça à Tubize lors de notre accession en D1, ou à l'Excel, lors de l'arrivée de la direction lilloise en 2012. Dans ces cas-là, ma décision ne tardait pas, ce serait sans moi.



© LeSoir.be

CC: Quelle est ton évaluation sur le niveau de la formation en Belgique?

PSJ: Il y a deux obstacles majeurs. Tout d'abord la question des moyens. Seuls les clubs plus puissants peuvent investir dans des entraîneurs pro. Ensuite, il y a une lacune énorme pour les équipes réserves, qui ne jouent pas à un bon niveau, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, comme le Portugal, l'Allemagne ou les Pays-Bas. Chez nous, la plupart des clubs s'opposent à l'idée d'intégrer les équipes B dans les divisions supérieures, notamment par crainte de recettes insuffisantes. Ce serait pourtant intéressant de pouvoir faire mûrir des gars de 17-18 ans contre des hommes.

L'amorti de la tête de Benzema

CC: Quelle évolution as-tu constatée tout au long de ta carrière?

PSJ: Surtout une évolution technique. Je suis convaincu qu'il faut étudier le haut niveau pour le transférer chez les jeunes, en découpant le travail, avec des gammes répétitives. Ainsi, quand j'ai vu le but exceptionnel de Karim Benzema face à Chelsea, j'ai aussitôt envoyé la vidéo à nos formateurs, les invitant à répéter ce geste devenu rare de l'amorti de la tête, en adaptant bien sûr l'exercice pour les plus jeunes.

Magritte, l'inspirateur

CC: On connaît toute l'importance du plan mental dans ton travail. Peux-tu nous en dire plus?

PSJ: Tout est parti de Magritte. Quand je regarde un de ses tableaux, je me demande ce qu'il a voulu dire. Pareil pour le football: une photo, une vidéo, un power-point, associés à une phrase pour faire passer le message. Avec Sébastien HUYGHE, nous avons conçu un ouvrage de 500 pages sur le plan mental. Il est prêt, mais avant d'envisager son édition, nous devons encore obtenir différents droits, notamment pour les photos.



Sébastien HUYGHE, actuel T2 du RFC Liège - © Dhnet.be

Nous développons cinq plans mentaux tout au long de la formation. Avec les plus petits, nous commençons par les familiariser au sujet grâce au programme intitulé "Qu'est-ce que le mental?". Avant de passer au "savoir-vivre ensemble". Cette discipline de groupe qui se met spécialement en place durant les six semaines de préparation, en fonction de ce que l'on observe.

La charte de la discipline

Cette charte débute par la poignée de mains et le sourire. Ensuite, c'est avant tout une question de respect: pas de papiers ni de bouteilles par terre, les sacs alignés dans la buvette; respecter l'heure de rendez-vous, avec les ballons qui sont prêts au loin, etc.

Par la suite, nous aborderons la gestion des problèmes, qui évoluent avec le temps, comme celui des managers et des rabatteurs, qu'il convient d'évoquer avec les jeunes susceptibles d'entrer dans le foot pro.

Les clés du succès

© Sudinfo.be

"Ce qui est bien commencé est déjà à moitié réussi" (PSJ)

Nous avons déterminé 40 clés du succès, qui peuvent être choisies en fonction du moment et du contexte. Par exemple, la confiance en soi (clé 19), l'audace (clé 21), savoir perdre (clé 31), pour aboutir à la quarantième, la force tranquille, c'est-à-dire les équipes dont tu es sûr qu'elles vont se donner à fond, que tu gagnes ou que tu perdes...

L'exemple de Grégoire Neels

Une de ces clés, la troisième, porte sur l'ambition. Elle peut être abordée la semaine qui précède le premier match. Les joueurs doivent avoir des objectifs à moyen terme: que rêvent-ils d'être dans le foot, où veulent-ils arriver? Pour moi, un jeune de 16 ans dans un club pro doit rêver de l'équipe nationale.  Grégoire NEELS, joueur emblématique de l'AFC Tubize, est un parfait exemple de cette volonté d'arriver. Alliant intelligence et mental, ce garçon a gravi les échelons avec son club formateur jusqu'à pouvoir goûter à la D1!

Le sourire

CC: Quelles sont selon toi les principales qualités attendues d'un formateur?

PSJ: L'amour! Du sport, et des jeunes. Le seul critère d'évaluation, c'est: est-ce que les joueurs évoluent et sont heureux? À la fin de l'entraînement, il suffit que je leur demande s'ils se sont amusés et s'ils ont appris quelque chose. Si je les vois sourire quand je vais les saluer, c'est gagné.

Le foot, c'est...

CC: Le foot est donc bien une école de la vie?

PSJ: C'est évident. À bien des points de vue: l'esprit d'équipe, l'intégration, la force mentale pour surmonter une blessure ou la déception d'être sur le banc. La prise de responsabilité d'un enfant de 6 ou 7 ans qui va tirer un pénalty décisif lors d'un tournoi, qui débouchera sur de la joie ou, au contraire, de la frustration. Lui apprendre les bonnes techniques de respiration, qui pourront lui servir dans diverses circonstances de la vie, comme de passer un oral à l'école. C'est tout le sens du plrogramme intitulé Le foot, c'est..., que nous développons spécifiquement à partir des 15 ans.


Le témoignage de Grégoire NEELS

On pouvait dire de lui qu'il changeait la vie (Jean-Jacques Goldman)

CC: Qu'est-ce qui te vient spontanément à l'esprit si j'évoque pour toi Philippe Saint-Jean?

GN: Un homme et un coach extraordinaires. J'ai pu travailler avec lui une dizaine d'années, ça a été une grande chance dans ma vie. L'homme que je suis aujourd'hui, c'est en grande partie à lui que je le dois. Avec Philippe, on ne parlait pas que de foot, c'était une véritable école de vie. L'apprentissage était complet. En fait, il était à l'avance d'une vingtaine d'années sur son temps, dans sa manière de voir les choses, d'aborder un match, et tous ne l'ont malheureusement pas compris. 

CC: Peux-tu témoigner de l'importance du mental dans son approche?

GN: Il nous a convaincus de ce que le mental influait à 50% sur les capacités d'un joueur. Nous recevions tous un message personnel dans notre casier. Ca pouvait être une image et un message foot, bien sûr, mais aussi une photo de Michaël Jordan, d'un homme politique, d'une personnalité qui s'était illustrée pour telle ou telle raison. Si un joueur avait commis une erreur, le message en question évoquait la capacité à tirer les leçons et progresser; s'il avait pris une carte rouge évitable, une photo et une phrase d'Éric Cantona du style "J'ai craqué, mais je me suis repris". Des articles de journaux, si l'un de nous avait éventuellement fait une déclaration avec laquelle Philippe n'était pas d'accord. Tout était analysé!

CC: Et sur le plan tactique?

GN: De tous les entraîneurs que j'ai connus, c'est le seul qui ait mis au point une telle organisation: nous avions trois systèmes de jeu. Le coach nous indiquait avec lequel on commencerait, à quelle minute on changerait, et à quel moment on marquerait! C'est fou, mais ça marchait. Il se levait de son banc, nous donnait le signal, nous faisions mine de reculer, et prenions l'adversaire en défaut. Cette mise en place avait évidemment demandé un travail de longue haleine. Et surtout, notre groupe adhérait totalement à sa façon de voir, ce qui n'a pas été le cas partout où il est passé. En D3, puis en D2, nous étions pour ainsi dire invincibles. Lors du tour final qui a permis à Tubize d'atteindre l'élite de notre football, nous avons réalisé un 18/18, avec un seul but encaissé! 



J'étais à Dender et le coach m'a rappelé au mercato, en me disant "Reviens, on veut absolument monter en D1"

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CC: Qu'en était-il du travail pendant la semaine?

GN: Il voulait qu'on apprenne à chaque entraînement. C'est un passionné qui nous transmettait sa passion. "Moi, j'ai 50 ans et j'apprends tous les jours, nous martelait-il; donc vous aussi devez apprendre." Et puis les séances étaient personnalisées. Un joueur en surpoids aurait un entraînement plus physique, celui qui avait affiché une lacune technique allait la travailler. Ce n'était pas évident pour un joueur de 30 ans de s'entendre dire qu'il allait exercer spécifiquement son pied gauche toute une partie de l'entraînement. Mais cette philosophie n'avait pour but que la progression individuelle et collective. Personne ne travaillait comme cela il y a quinze ans...