De l'éducation physique à la préparation physique
Jérôme THÉMONT et Quentin PARENT, tous deux 34 ans, sont avant tout amis et de grands sportifs. Ils ont entrepris et réussi ensemble leur Bachelier Éducation Physique à Nivelles, à l'issue duquel ils se sont spécialisés en suivant avec succès une année de formation complémentaire en Préparation Physique à l'Université de Lille.
Outre son temps plein à Neerpede, Jérôme a conservé un mi-temps dans l'enseignement; il déplore une tendance inquiétante chez nos jeunes: "Leur condition physique globale est dramatique. Conséquence du monde virtuel dans lequel ils baignent? Certains ont du mal à trouver des centres d'intérêt, et se complaisent à ne rien faire, alors qu'on n'a jamais connu un tel choix d'activités. Concernant le sport, nous essayons de les sensibiliser. Si je devais les coter sur un test Cooper comme on le faisait il y a quelques années, ce serait une catastrophe. Nous sommes obligés d'évaluer la progression, en essayant de les motiver par un discours positif et encourageant."
À bonne école
Nos deux coachs ont pu s'appuyer sur d'éminents pédagogues pour les guider dans leur apprentissage. Tous deux s'accordent pour reconnaître en eux des modèles inspirants. C'est d'abord Jérôme qui nous parle de Bernard DECABOOTER, qui l'a conseillé à Mouscron:
"J'ai eu la chance de rencontrer un excellent maître de stage. Bernard a pris le temps de transmettre les leçons de son expérience. J'ai découvert en sa personne un vrai formateur, qui a mis tout son coeur à m'aiguiller. C'est une rencontre qui a compté dans ma vie. Il incarne pour moi toute l'importance de l'humain dans le foot, comme on a encore pu le voir récemment entre Conte et Lukaku par exemple."
Pour Quentin, c'est en bord de Meuse que s'est fait l'écolage. Il a eu l'occasion de côtoyer le regretté Guy NAMUROIS au Standard: "Une référence dans le domaine, une sommité même. Guy aimait les fondamentaux. Je me demande ce qu'il penserait de l'évolution actuelle, et de cette forme de robotisation via les datas."
Quentin a visiblement fait ses preuves durant ce stage puisqu'il a été embauché au Sart-Tilman, où il est resté jusqu'en 2012: "Un mi-temps à l'école St-François d'Ath, et un autre au Standard de Liège, une situation certes enviable mais cela faisait beaucoup de temps sur les routes."
En binôme à Neerpede
C'est en 2012 que le Frasnois retrouve au Sporting d'Anderlecht son ami Jérôme qui, lui, y était depuis 2009, par l'intermédiaire du Tournaisien Hubert LEMAIRE.
C'est lorsque celui-ci a intégré le staff de l'équipe première à la demande de John van den Brom que l'opportunité s'est présentée pour Quentin d'être embauché par le club bruxellois.
Préparateurs et coordinateurs
Employés à temps plein, ce qui veut dire six jours sur sept au Centre de formation, nos régionaux y gèrent la coordination de la préparation physique, des U11 aux U18.
"Chez les plus jeunes, entre 10 et 12 ans, il s'agit plutôt d'éducation physique, avec un accent mis sur le jeu et le plaisir: beaucoup de variété, un maximum de situations s'apparentant à la gymnastique. En U13 déjà, et davantage encore en U14, nous les sensibilisons aux postures, y apportant des corrections. Nous entraînons au fur et à mesure leur stabilisation et leur mobilité."
"Un préparateur physique travaille en symbiose avec le coach dans chaque équipe. Nous convenons avec eux d'un plan de travail hebdomadaire, en fonction d'un thème désigné, par exemple l'intensité via des séquences d'intermittent en 15/15. Il y a des constantes, comme la mobilité des hanches le lundi ou le mardi, la musculation en salle le mercredi, la vitesse intégrée ou dissociée d'office une fois/semaine."
Outre cette mission de planification et de supervision, Jérôme fait partie du staff des U18: "L'entraînement physique s'y fait essentiellement dans l'intégré, l'ère Kompany valorisant davantage encore le travail avec ballon. Avec les coachs, nous travaillons souvent par plateaux. Je suis notamment chargé de veiller au timing et à la bonne répartition des temps de travail / temps de récupération."
Ce qu'on fait en plus des autres fait la différence
De son côté, Quentin s'occupe de la réathlétisation des joueurs revenant de blessures, ainsi que du travail individuel des talents - tels Duranville, Azaouzi, Butera, qui viennent de signer leur premier contrat pro - à partir des U15: "En fonction de certaines carences physiques, qui sont déterminées par des tests spécifiques, je leur concocte des séances individuelles supplémentaires. Ce qui n'est pas toujours facile car il faut jongler avec l'horaire scolaire. Nous pouvons placer ces séances sur le temps de midi, ou alors le joueur vient plus tôt au club. Pour y travailler par exemple la posture, la souplesse, la force de la chaîne postérieure, etc."
© NordEclair.be
Jérôme abonde dans le même sens: "La culture du travail s'inculque, jusqu'à devenir un plaisir. Les joueurs ne voient pas l'entraînement athlétique comme une punition, mais comme une plus-value pour renforcer leur progression. C'est une grande satisfaction pour nous de voir des Sardella, Ait El Hadj, Cana et autres évoluer directement en Première sans passer par les Espoirs, le coach faisant confiance aux jeunes."
Tirer le meilleur développement de chacun
La préparation physique est un domaine qu'il convient de maîtriser parfaitement, et dont l'importance est cruciale pour un développement harmonieux de l'adolescent, notamment pour la prévention des blessures: "Parce qu'un joueur fit est un joueur qui encourra moins de blessures musculaires, rappelle Jérôme. Nous devons tenir un compte rigoureux des jours d'entraînement et de la charge de travail."
Nos interlocuteurs insistent sur le respect primordial de l'évolution propre à chaque jeune: "Il ne faut pas aller trop vite à les faire travailler comme des hommes, lance Quentin. Le processus prend du temps, et l'analyse critique doit être individuelle. Un tôt mature de quinze ans qui surpasse ses équipiers en vitesse pourrait croire qu'il a régressé en U18-19, mais nous le rassurerons en lui expliquant que c'est l'écart physique entre eux qui a diminué."
"À quatorze ans, ils se voient en équipe première à seize, poursuit Jérôme. C'est un peu fou. Lukaku l'a fait, mais ça reste une exception. Le processus de développement se termine à vingt-et-un ans. En fonction de leur âge de développement, nous devons viser la progression optimale de chacun. Mettre des joueurs dans des cases ne fonctionne pas. Je repense à Alexis Saelemakers, qui était un tard mature; en U15, il était limité sur le plan de la vitesse, mais très agile et réactif."
Les différentes filières
L'intermittent est l'exercice qui se rapproche le plus de l'effort en match: "On le placera généralement à J-3 (c'est-à-dire trois jours avant le match), précise Jérôme. Lorsqu'il s'agit de course pure, les joueurs ne peuvent pas se cacher. Pour l'intermittent avec ballon, cela dépend un peu de la qualité technique et de leur bon vouloir. Avec du 15/15 pendant six minutes, on s'entraîne à haute intensité. Pour ce qui est de la vitesse, on envisagera la réactivité à J-1. Si c'est J-2, on peut aller un peu plus loin et ajouter une dizaine de mètres au sprint. Nous travaillons beaucoup moins en résistance. Celle-ci est ponctuellement sollicitée via une récupération plus courte. C'est en effet le temps de récupération qui détermine la filière dans laquelle on se situe."
Et au niveau régional?
Pas le moindre soupçon de supériorité chez ces coachs qui exercent au plus haut niveau de la formation, mais au contraire beaucoup de respect pour les collègues des provinciales: "On y fait souvent du très bon travail, reconnaît Jérôme. Surtout maintenant que la plupart sont bien formés pour la fonction. Et quand on travaille seul, on est d'office impliqué à fond. Plus un staff est grand, plus le risque existe qu'on ne donne pas la pleine mesure de son potentiel."
Quels aspects propose-t-il de privilégier quand on ne dispose que de deux ou trois séances hebdomadaires?
"Je soulignerais d'abord l'importance d'une bonne préparation. Lorsqu'un coach dispose d'une équipe bien préparée, il peut rester le plus possible dans l'intégré, avec pour conséquence positive que les joueurs ont plaisir à venir s'entraîner. De plus, quand un joueur est bien physiquement, sa technique s'exprimera mieux, et il fera plus facilement les efforts. Pour appliquer les principes d'un coach, il faut de bonnes bases physiques, outre le fait qu'une condition au top constitue la meilleure prévention des blessures."
"Ensuite, la planification envisagera le volume et l'endurance à J+2 ou 3, la vitesse toujours le plus près du match. J'insisterais également sur la mobilité (souplesse en mouvement), sous forme d'exercices visant à rechercher une plus grande amplitude dans le mouvement. Enfin, il est utile de rappeler tous les bénéfices que l'on peut tirer du renforcement musculaire. Chez nous, un Verschaeren est très gainé, Sambi Lokonga était fluet à 15-16 ans, ils peuvent maintenant rivaliser dans le duel physique avec des gabarits supérieurs."
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