Un adjoint pour soutenir le coach principal, voilà qui est la norme en matière de coaching. Deux numéros un, sans hiérarchie prédéfinie, c'est beaucoup moins fréquent! Le cas s'est présenté à Wiers, avant que Michaël Liétard et Christophe Ergo ne fassent un pas de côté. Même rupture, plus récente, à Luingne B, pas pour les mêmes raisons toutefois. La formule semble attirer du côté de Mouscron, puisqu'au Stade (toujours officiellement nommé Squadra) aussi, on trouve un duo de T1: Julian Depoorter et Albert Semedo. Précision non négligeable et qui transparaîtra dans leur discours, tous deux sont toujours actifs au Futurosport et sont avant tout des formateurs... Nous leur avons demandé de préciser leur mode de fonctionnement au travers de quatre thématiques. Un dossier complet qui ne manquera pas d'intéresser tous les hommes de terrain!
L'entraînement
(planification, préparation et animation des séances)
Julian Depoorter: "Nous fonctionnons par cycles de quatre semaines, que nous organisons avec Olivier Croes, les assortissant de différents thèmes. Olivier se charge de la PP, c'est son dada. Albert et moi fixons les exercices. Nous commençons par un échauffement PPG (Préparation Physique Générale) de 4-5 minutes, avant un passing dynamique sur la relation du jeu à deux ou à trois. Un échauffement force peut aussi intervenir, mais toujours avec ballon. Nous enchaînons avec une possession de balle, en égalité ou inégalité numérique, en essayant constamment de garder l'aspect ludique. Nous passons ensuite à un exercice plus tactique en fonction de ce que nous voulons mettre en place durant le week-end, parfois en tenant compte de l'adversaire. Nous terminons généralement par une forme de match, soit sur grand espace quand la taille du noyau le permet, soit sur surfaces réduites (double grand rectangle, 5c5 ou 6c6 avec appuis), plus souvent le jeudi, ce qui permet d'avoir beaucoup de densité, du pressing et des créations d'occasions. Préparer les séances en duo est avantageux; les animer aussi; les joueurs peuvent passer de l'un à l'autre. Une semaine, l'un est plus dans l'action, l'autre dans l'analyse. La suivante, c'est l'inverse."
Albert Semedo: "Comme l'a dit Julian, nous planifions à trois, avec Olivier Croes qui est le RTFJ. Ce dernier propose le cycle du mois et on en discute. Nous sommes très souvent sur la même longueur d'ondes. La compétence d'Olivier n'est plus à démontrer, et son expérience parle pour lui. Julian et moi nous répartissons les exercices par rapport à l'envie du moment. Il prend traditionnellement les intermittents, là où je gère plutôt l'aspect technique. Pour ce qui est de la mise en place tactique, nous le gérons ensemble. Il s'agit donc d'une vraie collaboration sur toute la ligne."
Les causeries au vestiaire
(briefings, corrections à la mi-temps, débriefings)
Julian: "Le débriefing se fait traditionnellement le mardi, avant de commencer l'entraînement. Il n'y a pas vraiment de rôle fixe, une fois l'un, une fois l'autre. Si on estime que tout a été dit, on passe directement sur le terrain. En avant-match, je débute généralement, présentant le contexte et l'adversaire du jour, et ce qu'on attend du groupe. Albert a plus l'habitude d'affiner la tactique au tableau. Nous travaillons aussi sous forme de power-points puisque nous avons la chance de pouvoir filmer nos prestations, ce qui nous permet un retour tant sur les acquis que sur ce qu'il convient de corriger. Sur ce plan, la vidéo est vraiment un outil précieux."
Albert: "Le scénario n'est jamais identique. Nous alternons systématiquement. Lorsque l'un des deux commence, il suffit d'un regard pour que l'autre puisse prendre la relève et soulever un point supplémentaire. Julian insiste davantage sur l'état d'esprit et sur l'équipe adverse; il aime s'appuyer sur les plans mentaux hérités de Philippe Saint-Jean et que nous avons eu l'habitude d'appliquer avec les Élites du REM. De mon côté, j'interviens plus sur la tactique. Nos phases arrêtées sont définies depuis le début de saison, et je détermine les positions de chacun sur power-point. Nous sommes en contact régulier et nous nous réunissons en staff deux heures avant le coup d'envoi."
L'approche du match
(sélection, approche tactique, infos sur l'adversaire)
Julian: "Il est vrai qu'on ne peut pas toujours être du même avis. Je constate cependant que lorsque nous couchons l'équipe sur papier, il y a beaucoup de similitudes. Quand il y a des points de désaccord, nous mettons de l'eau dans notre vin, en privilégiant toujours l'intérêt collectif. En ce qui concerne l'approche tactique, nous travaillons dans la continuité. Nous avons commencé la saison en 3-4-3, avant de basculer sur un 4-3-3 qui apporte plus d'équilibre. Je sais qu'au fond de lui-même, Albert aimerait revenir au premier système, plus offensif à son goût. À propos des adversaires, nous avons Jérémy Casier qui va les visionner et qui nous rend des rapports complets sur leurs forces et faiblesses."
Albert: "Nous évoquons la sélection à trois, d'abord sur notre groupe WhatsApp. Le jeudi, nous comparons les équipes que chacun d'entre nous a couchées sur papier. Le plus souvent, nos choix sont identiques et, si ce n'est pas le cas, c'est la majorité qui l'emporte. Nous parvenons sans difficulté à un accord. Il nous arrive aussi, après avoir constaté sur le terrain que ça ne fonctionnait pas trop, de revenir en arrière et d'adopter la proposition de l'autre."
La gestion de match
(coaching, changements)
Julian: "Nous vivons le match chacun à notre manière. Je suis un peu plus brut et direct. Albert est beaucoup plus dans l'analyse de l'adversaire. Ce qui apporte une complémentarité intéressante. Nous recadrons et replaçons les joueurs à tour de rôle. Venant tous les deux de la formation, nous avons parfois tendance à trop en faire. Nous devrions peut-être parfois nous effacer un peu et lâcher la bride aux joueurs. Pour les changements, nous nous concertons brièvement et tombons généralement très vite d'accord. Il est vrai que nous avons souvent prévu des plans de secours avant la rencontre."
Albert: "Quand on remarque quelque chose sur un joueur, on le dit aussitôt. Tant offensivement que défensivement, nous essayons de recadrer directement. Pour évoquer les aménagements tactiques ou les remplacements, on se rapproche, on formule son hypothèse à l'autre qui y réfléchit. Nous sommes la plupart du temps d'accord sur les propositions de changements."
Conclusion: à deux, c'est mieux?
Julian: "Je trouve confortable de pouvoir endosser alternativement les fonctions de T1, qui reste à l'écart, dans l'analyse, et celui de T2, plus impliqué au coeur de l'action. Albert et moi sommes au Futuro depuis 25 ans (!). Nous avons beaucoup travaillé en parallèle, jamais ensemble. Nous n'avons pas nécessairment la même conception du foot, mais nous sommes soudés autour du même objectif: faire progresser le groupe et atteindre le tour final. L'aura du T1 est vraiment secondaire pour nous.
Albert: "Il n'y a aucune hiérarchie entre nous, si ce n'est pour la feuille de match où nous n'avions pas le choix. Julian ayant l'UEFA A, et moi le B, nous avons convenu de l'y nommer T1. Notre mode de coaching est assez particulier, mais comme nous l'avons déjà expérimenté au REM, chacun dans sa catégorie, cela ne nous dérange pas. La seule différence, c'est qu'il s'agit maintenant d'adultes. Mais ça ne pose aucun problème. Nous avions précédemment géré quelques séances communes en U21, nous savions donc où nous mettions les pieds. Pour qu'un tel binôme fonctionne, il faut bien connaître et surtout apprécier la personne avec qui on est appelé à travailler. C'est le cas avec Julian, comme ça pourrait l'être avec quelqu'un comme Giovanni Seynhaeve. J'adore travailler en duo. Chez les jeunes, c'était le cas, il y avait l'entraîneur des Provinciaux et celui des Élites. J'ai également eu la chance d'être le T2 de José Jeunechamps, et il sollicitait notre avis au sein du staff. Naturellement, il importe avoir la même philosophie de jeu. Personnellement, j'aime bien d'avoir le ballon dans les pieds, là où Julian prône un football plus direct. Il faut être ouvert et pouvoir mettre son égo de côté. J'écoute et j'apprends. Quand Julian a un petit coup de gueule, je suis là pour mettre un peu de pommade, et vice-versa. Pour les séances, c'est magnifique: l'un dirige et l'autre corrige. C'est beaucoup plus facile pour y mettre du rythme et de l'intensité."
Le ressenti du capitaine Morgan Moreau
"Personnellement, c'est la première fois que je suis entraîné par un duo de coachs sans vraiment de distinction entre T1 et T2. C'est très différent de ce que nous connaissions l'an passé, avec Xavier Lemmens - très bon coach, au passage -, et Jérémy Casier. Dans le cas présent, il n'y a pas de hiérarchie et les deux se complètent vraiment bien. Je ne sais pas s'ils ont toujours évolué en duo dans leur carrière, mais je trouve leur alchimie excellente. Le fait d'avoir deux coachs de ce niveau est tout bénéfice pour le groupe: nous pouvons par exemple faire des exercices différents en même temps, tout en gardant le même degré de conseil et d'analyse dans le coaching. Nous ne remarquons pas de répartition spécifique des tâches, tous deux sont également impliqués dans chaque registre."
Faisons plus ample connaissance: Lequel des deux est le
plus… ? 1. Le
plus proche des joueurs ? "C'est Albert. Sa mission le rapproche fort de ses joueurs: il les aime bien, les chérit, les cajole. Quand arrive la fin de saison, c'est un déchirement pour lui, notamment s'il doit se séparer de l'un ou l'autre. Il préférerait garder tout le monde, quitte à avoir un noyau de cinquante l'année d'après! 😄" "Julian a raison: je leur dis souvent que pour moi on est plus qu'une équipe, on est une famille. Je suis derrière mes joueurs, et si quelqu'un vient les critiquer, je les défends corps et âme." 2. Le plus mauvais perdant? "Pas besoin de réfléchir longtemps, c'est Julian! Un de ces nerveux...😄 Quand il perd, il boude. Je le laisse raconter l'épisode de Luingne..." "Le score était de 2-2, la fin du match approchait et j'étais recroquevillé dans le fond de mon banc, très fâché parce que je voulais vraiment gagner ce match. Quand on a fait le 3-2, j'ai shooté dans la bouteille d'eau qui était juste devant moi, et elle s'est retrouvée au milieu du terrain! 😄" 3. Celui qui se remet le plus facilement en question "Je pense que c'est encore les deux", explique Albert. "On a l'habitude de travailler dans la formation, où on se remet toujours en question pour chercher la meilleure façon de hausser le niveau des jeunes." "On essaye toujours de trouver les solutions ensemble", confirme Julian. "Quand quelque chose n'a pas été pendant un entraînement ou un match, on en discute et on essaye de corriger sans attendre." 4. Le plus perfectionniste "Il n'y a pas photo, c'est Albert! Depuis toujours, il faut que ses exercices roulent, que tout le monde comprenne et se tourne de la façon qu'il a décidée, quitte à rester vingt minutes sur un mouvement. Il ne va rien lâcher jusqu'à ce que ce soit parfait. C'est pour ça que ses entraînements durent si longtemps. Moi, c'est 1h30, lui c'est 2h30! 😄" "Je suis très connu ici à Mouscron pour ne jamais finir à l'heure", avoue le coupable. "Avant, tout le monde croyait que j'étais toujours en retard parce que je suis Noir, mais ce n'est pas ça, c'est parce que je suis perfectionniste.😄 " "C'est un Noir perfectionniste", s'esclaffe Julian. 5. Le plus ambitieux "Ici aussi c'est tous les deux", convient Albert. "Dans la vie, il faut être ambitieux. Nous avons envie d'aller chercher le graal, même si ça va être difficile. Notre but est de monter en P2. S'il faut passer par le tour final, on fera tout pour attiendre l'objectif que nous nous sommes fixé." 6. Le plus blagueur "Nous sommes des blagueurs tous les deux", annonce Albert. "Je pense que je parle plus à Albert qu'à ma femme", concède Julian. "J'aime bien de le faire aller. On s'envoie des trucs à longueur de journée, et ça fait déjà des années. Des blagues en tout genre.😄 " 7. Le plus créatif "Albert a toujours de super idées, mais pour lui, c'est difficile de compter. Je suis un peu son maître du temps." "Il y en a plus dans deux têtes que dans une, c'est l'avantage du travail en binôme. Le Léonard de Vinci des exercices, c'est Julian.😄 " 8. Le plus superstitieux "Albert! C'est incroyable. Depuis le début de saison, il ne vient jamais à l'échauffement de match. Il reste dans le vestiaire, je ne sais pas ce qu'il y fait 😄. Il doit y en avoir d'autres encore, mais je ne les connais pas toutes..." "Mais si, rappelle-toi quand on jouait ensemble à Dottignies, j'avais des bandes avec plein de trous 😄, et toujours les mêmes protège-tibias. J'aime bien les rituels." 9. Celui qui, au final, tranche "Il n'y en a pas, nous sommes toujours dans la discussion, et c'est du donnant-donnant. Même lorsqu'on a du mal à se mettre d'accord, on finit par trouver une solution. On tranche à deux. Même s'il arrive que certains ne soient pas en phase avec nos choix, l'essentiel est que nous ayons le même point de vue." 10. Le plus fort à la buvette "À quel niveau? Celui qui met l'ambiance et qui danse, c'est moi", dit Albert sans surprise. Par contre, celui qui a le coude le plus musclé, c'est Julian. 😄" "À l'exception de la victoire contre Esplechin", nuance celui-ci. Ce jour-là, on a pu goûter aux cris de joie congolais! Et on a dû le ramener.😄" "Oui, mais c'était une fois", s'excuse Albert. "Ma femme s'en souvient encore et elle attend encore après les frites...😄 " |
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