Le débriefing est essentiel dans la progression de l'équipe. Dans le débriefing collectif, il faut trouver l'équilibre entre mettre en valeur ce qui a bien fonctionné et corriger les erreurs globales. Si le groupe est dans la grande difficulté, on peut pointer l'un ou l'autre joueur devant tout le monde. Sinon, le débriefing personnalisé se fera entre le staff et le joueur. Et le travail en début de semaine sur le terrain portera sur les corrections individuelles et collectives.
Felice MAZZÙ pour Côté Coach
"Une clean-sheet de plus, notre organisation défensive est bonne", "Les réservistes ont fait le boulot à leur entrée", "Ce n'est pas la première fois qu'on encaisse dans les minutes qui suivent un de nos buts, on doit encore grandir sur ce plan", "Je ne comprends pas comment on n'a pas su exploiter les espaces que l'adversaire nous laissait. Avec la vitesse de nos attaquants, nous aurions dû creuser l'écart et assurer la victoire", "Untel qui arrive 1/4h en retard et nous oblige à revoir toute la stratégie, c'est inadmissible", "Nous avons encore marqué dans le dernier quart d'heure, c'est le signe que physiquement nous sommes bien", "Comment expliquez-vous de votre côté nos mauvais résultats actuels?", etc.
Quelques exemples parmi tant d'autres de ces constats de vestiaire après le match du week-end. Un indispensable retour en arrière avant d'attaquer le prochain objectif. Souligner après une défaite que tout n'a pas été mauvais, après une victoire que tout ne fut pas parfait. Le staff se doit de prendre du recul et de la hauteur par rapport à l'immédiateté.
Sur base de notre expérience et en consultant quelques coachs régionaux, nous vous proposons ici les dix qualités d'un bon débriefing, sans prétention à l'exhaustivité ni à la vérité générale. Vos observations personnelles sur le blog sont d'ailleurs les bienvenues.
1. À froid
Il est généralement convenu qu'il vaut mieux éviter de réagir à chaud, particulièrement en cas de prestation frustrante et de résultat négatif. Le débriefing prend le plus souvent place avant le premier entraînement de la semaine.
À Estaimbourg (P2A), Corentin Doutrelungne procède différemment: Pour moi, il est important de réagir à chaud, quand tout le monde a encore le match en tête. J'évoque d'abord le comportement global de l'équipe, en aucun cas une prestation individuelle, pour éviter tout sentiment de culpabilité. On utilise un ton très calme et posé, car il est important de ne pas tomber dans l'énervement ou l'émotionnel, vu l'état de fatigue voire de frustration des joueurs. Dans un deuxième temps, j'ai une discussion avec Quentin, on y échange nos points de vue, on prépare les discussions individuelles et on jette les bases du travail de la semaine à venir. Dans un troisième temps, on parle beaucoup avec les joueurs individuellement ou par petits groupes une fois qu'ils sont sortis du vestiaire. On juge qu'ils sont plus ouverts à ce moment-là, plus calmes et plus réfléchis sur le match qui vient de se dérouler.
2. Opportun
Si la plupart des joueurs attendent souvent ce retour sur leur prestation, il ne faut pas faire de débriefing pour le simple plaisir d'en faire. Le feeling est précieux pour en déterminer la pertinence. Ainsi, l'expérimenté Ronny Roelen qui vit une saison délicate avec Biévène en P1: Je débriefe mais sans exagération. Les joueurs savent bien eux-mêmes dans quelle situation ils sont embarqués. Inutile de toujours taper sur le même clou... Un autre problème qui se pose régulièrement aux coachs de provinciales réside dans les absences ou les retards d'éléments concernés par les points à évoquer. Le mardi, tu as parfois huit joueurs sur les quatorze du dimanche, constate Philippe Breyne (Béclers, P3A). Le jeudi, ça n'a déjà plus la même impact. À la théorie d'avant-match, ce n'est pas l'idéal non plus. Bref, à notre niveau, ce n'est pas simple de trouver le bon moment...
3. Préparé
Les mots que le coach va utiliser sont importants. Il n'y a pas de place pour l'improvisation dans ce genre de discours. Il ne faut pas minimiser le poids et l'impact d'une parole. Il en va du débriefing comme de l'entraînement, ce sont des exercices qui méritent une préparation attentive.
4. Constructif
En veillant à trouver un équilibre entre les constats positifs et les négatifs, il sera important que les points abordés veillent toujours à chercher le progrès. Le débriefing est un passage obligé, témoigne Fred Debaisieux (Molenbaix, P1). Nous mettons d'abord en avant les points positifs, comme le respect des consignes et des schémas tactiques, ce qui valorise tout le monde. Dans une spirale positive, j'insiste toujours sur le plaisir de gagner, sinon la routine risque de briser cet élan. Nous relevons ensuite le négatif, ou en tout cas ce qui peut être amélioré, pour maintenir le niveau d'exigence et ne pas tomber dans la facilité.
5. Factuel
Que l'on recoure à la vidéo ou aux notes prises pendant le match, le discours ne peut se contenter de généralités. Pour marquer les esprits, celui-ci doit s'appuyer sur des exemples concrets ou des statistiques précises. Une image vaut mieux que mille mots, rappelle Jean-Charles Fabrel, le coach d'Harchies-Bernissart (P3B), qui dès lors pratique aussi cette forme de débriefing consistant à illustrer ses dires en retravaillant une phase pendant l'entraînement. Patrick Billiet (Velaines, P3A) préfère aussi corriger directement sur le terrain ce qui n'a pas été : Le message passe mieux, dans les passer-suivre par exemple. Une correction technique, la position d'un joueur, particulièrement quand il n'évolue pas à sa place de prédilection, le jeu sans ballon, etc. Même principe pour les possessions et la finition.
6. Succinct
Même s'il n'y a pas de règle générale et commune à tous, à moins que le coach ne soit un excellent communicateur, il vaut mieux limiter le temps consacré à ce retour sur le match. Cela dépend aussi des moyens disponibles (la vidéo par exemple) et du niveau, mais il est bon d'avoir en tête que dans le football amateur, les joueurs viennent également pour se distraire et se dépenser sur le terrain. Quand l'équipe traverse une zone de turbulences, il est évident que la discussion pourra être plus longue. Un quart d'heure quand la situation ne demande pas plus, explique Fred Debaisieux. Ce timing peut être prolongé si la conjoncture est moindre. J'introduis la réflexion, avant de donner la parole à mes adjoints, le T2 puis le coach des gardiens, qui a un autre regard que nous, s'attache à des détails que nous n'avons pas vus; c'est un complément d'analyse très intéressant. Si les joueurs souhaitent ajouter quelque chose ou exposer un avis contraire, ils s'expriment à leur tour.
7. Direct
Pas question d'en rester à des allusions détournées ou de longs discours alambiqués, le groupe attend de franches constatations, tant positives que négatives. Les joueurs mettent d'aillleurs souvent moins de gants que la plupart des coachs pour tirer leurs conclusions. Mais l'entraîneur se doit également d'avoir une vision plus large que ses hommes qui ont parfois tendance à exagérer les faits. Il faut aller tout droit vers les points essentiels qui ont influencé le résultat, nous dit Philippe Breyne, principalement tout ce qui se passe dans les deux rectangles. Johan Devos (Isières, P2A) confirme: Il faut aller directement à l'essentiel et tourner la page assez rapidement quand ça n'a pas été comme on voulait.
8. Varié
Dans le choix des méthodes, des moments, de la durée, il sera intéressant de surprendre pour maintenir l'intérêt, même si la dimension de rituel n'est pas à négliger. Cela peut aussi dépendre des circonstances. Deux jours n'avaient pas suffi pour que Jean-Do Vessié (Templeuve, P2) ait digéré la cuisante défaite à domicile face à Herseaux (1-4). Il a préféré ne pas s'exprimer au premier entraînement, mais dire sa façon de penser au groupe le jeudi soir, leur faisant clairement comprendre qu'il attendait une réponse sur le terrain et pas au vestiaire. Résultat: depuis lors, son équipe est invaincue et a pris 18 points sur 24!
9. Interactif
Les interventions des joueurs ou des membres du staff seront également les bienvenues. Il faut en tout cas éviter les monologues et, dans cette optique, il sera bon de vérifier que la vision du coach est partagée par l'ensemble de l'équipe. Il me semble important d'intégrer les joueurs à la réflexion, note Jean-Charles Fabrel. Cela permet de se rendre compte de certains points sur lesquels on n'avait pas forcément mis le doigt. Notre vision d'entraîneur n'est pas forcément la même que la leur; on ressent différemment les choses sur le terrain. Le coach doit savoir où il veut mener ses hommes, mais qu'ils fassent une partie du chemin eux-mêmes les conscientise. Voilà pourquoi je pense qu'un bon débriefing doit être participatif. À Ellezelles (P3A), Yves Moreau aime aussi donner la parole à tous ses joueurs: Nous avons plusieurs façons de procéder. La version que je préfère est celle où chacun s'exprime tour à tour, en prenant soin d'éviter les redites, pour ne pas éterniser la discussion. De cette façon je peux entendre l'avis des plus réservés. En d'autres occasions, s'expriment ceux qui le souhaitent, souvent les leaders dans ce cas, c'est fort intéressant.
10. Orienté vers l'avenir
Comme le coaching sur le terrain se doit d'être anticipatif (à quoi cela sert-il de dire au joueur de tenter sa chance au goal quand il a déjà fait sa passe, ou de lui demander de soigner ses contrôles quand il vient d'en rater un?), le débriefing au vestiaire se terminera toujours en orientant les esprits vers le prochain rendez-vous. Nous terminons systématiquement par le focus sur le match à suivre et la semaine de travail, explique Johan Devos. Lorsque les améliorations sont effectives, nous pouvons dire que notre mission est réussie.
À des moments charnières, comme à la trêve de mi-saison, il pourra être intéressant de solliciter l'avis des joueurs par écrit, afin notamment de permettre à ceux qui s'expriment moins volontiers au vestiaire de faire part de leur ressenti. En leur demandant une (auto-)évaluation, qui pourra ensuite servir à un entretien avec le staff.
Voici quelques exemples de questions pouvant amener des enseignements intéressants:
- Quels sont les points forts du groupe selon toi?
- Les points où l'on peut le plus progresser?
- Comment te sens-tu dans le groupe?
- Quels devraient être selon toi nos principaux objectifs pour la suite de la saison?
- Des observations sur notre organisation tactique?
- Des observations ou suggestions sur le travail en semaine?
- Ton évaluation sur tes prestations personnelles ?
- Les domaines où tu peux le plus progresser?
- Tes objectifs personnels pour la seconde moitié de saison?
- As-tu des remarques ou suggestions (entraînements, vie de groupe...)?
Frédéric Debaisieux nous confiait avoir retiré beaucoup de satisfactions de semblable bilan, en l'occurrence oral, à la fin de la préparation: Nous avons proposé à chaque joueur un entretien individualisé avec le staff. C'est la première fois que je faisais ça, comme quoi on évolue. L'idée m'en est venue car on sortait d'une période plus compliquée avec l'arrêt Covid. Nous avons ainsi pu recueillir leur ressenti personnel (mental, physique, intégration dans le groupe, etc.). À la suite de quoi nous leur faisions part du nôtre. Ces moments d'échange sont riches. C'est plus facile pour eux de s'exprimer individuellement que devant les autres. Et c'est fort instructif pour moi qui ne vais pas spontanément vers les joueurs, cette tâche incombant plutôt au T2.
Le débriefing global est plus courant à la mi-saison, incluant le recours aux statistiques collectives et individuelles.
Giovanni Seynhaeve (Luingne, P2A) en est coutumier : En janvier, nous proposons un bilan de mi-saison à chaque joueur, que nous recevons avec mon adjoint au vestiaire: les points positifs et négatifs, ensuite ce que j'attends de lui. Nous faisons également une projection sur ses intentions, car certains clubs courtisent très vite, surtout que nous sommes proches de la Flandre. C'est donc l'occasion de poser les premières bases de la saison suivante.
Le témoignage de Patrice Meurant, directeur technique au Péruwelz FC