mardi 17 août 2021

Sandrine Van Herzeele, adepte d'un coaching positif et participatif

 Immersion dans l'univers du foot féminin. À l'occasion du match de Coupe de Belgique face à Gooik, Côté Coach est allé à la rencontre de Sandrine Van Herzeele qui est en charge des Havinnoises (Div. 2 Nationale) depuis 2019. En plus de son vécu de joueuse, elle veille à se former au mieux afin de dispenser le meilleur enseignement possible à ses protégées.




Côté Coach: Sandrine, on peut dire que le foot féminin est en pleine progression à l'ASC Havinnes?

Sandrine: Oui, en plus de l'équipe fanion, notre équipe B évolue en deuxième provinciale et compte quelques jeunes talentueuses, qui viennent parfois avec nous. Le club aligne aussi des U13, préparant ainsi l'avenir.

CC: Tu me dis que tes joueuses sont des "bosseuses". J'imagine que c'est le cas de leur coach aussi?

Sandrine: On est loin d'être favorites en D2, il faut donc compenser par le travail. Mes filles sont toujours partantes quand on propose quelque chose. Si on rajoute un entraînement, elles savent que c'est important d'y être, et elles s'organisent en fonction. Elles ont déjà eu un aperçu de la rudesse des matchs à ce niveau de compétition. Si on ne se prépare pas correctement, ça n'ira pas. En ce qui me concerne, mon statut implique de montrer l'exemple. 


                                                    


CC: Coline D'Haeyer, alias Cocotte, internationale U17, en est la preuve?

Sandrine: C'est une gagnante, elle déteste perdre; hargneuse dans le bon sens du terme. Déjà appelée en U15 chez les Diablotines, elle a eu la malchance de connaître l'interruption de saison due au Covid. En U16, toutes les activités ont été annulées... Heureusement, elle a de nouveau réussi les épreuves de détection. Coline fait partie du projet Foot-Élite-Études conçu par l'ACFF pour développer les talents potentiels. En internat à Liège, elle s'entraîne tous les jours en période scolaire. Elle est donc bien à Havinnes le temps de finir ses études tranquillement, avant d'évoluer plus haut, sans doute dès la saison prochaine. Nous serons les premières à nous en réjouir, et surtout à l'aider à faire le bon choix, car plusieurs formations ont déjà manifesté leur intérêt. 



CC: Qu'en est-il de ta formation? Le cursus chez vous est-il semblable à celui des hommes? 

Sandrine: Oui, le parcours est semblable. Je suis en train de passer l'UEFA B, dans un groupe comprenant six dames et une vingtaine d'hommes. En tant que personnes travaillant pour l'ACFF, nous faisons partie d'une session qui bénéficie d'un horaire adapté. Heureusement parce que Fanny, ma T2, est aussi en cours de formation pour le même diplôme. Et traditionnellement, les cours se donnent le lundi soir, qui est un jour d'entraînement pour nous.

                                                  


CC: Tu as eu l'occasion d'aller te former à Lyon! C'est du niveau de la licence Pro, ça, non? Comment t'es-tu retrouvée là?

Sandrine: Il est vrai que l'Olympique Lyonnais est la référence dans le foot féminin. Le club a d'abord organisé deux formations ouvertes auxquelles je me suis inscrite. La première concernait l'ADN de l'OL et sa méthodologie d'entraînement. La deuxième, le jeu de position. Nous avions la théorie en matinée, et la mise en situation pratique l'après-midi, où nous pouvions passer d'un groupe à l'autre pour observer. Dans un second temps, l'OL recherchait des coachs pour dispenser leur stage. Il fallait une femme pour encadrer un groupe de 20 filles. J'ai eu l'opportunité de postuler, et ma candidature a été retenue. Une expérience enrichissante! J'ai travaillé en binôme avec Pascal Pons, le directeur du stage. Moi très calme et lui plus interventionniste, notre association fut une réussite.



CC: Comment prépares-tu tes séances d'entraînement?

Sandrine: Je suis devenue une anti passer-suivre, j'en ai trop mangé quand j'étais joueuse. Je travaille de moins en moins dans l'analytique, lui préférant le global. Beaucoup de jeux de possession, de formes de match, des petits jeux de vivacité visant à améliorer la prise d'infos (plusieurs couleurs de plots, de chasubles, voire de ballons). Je fais un peu un mix des formations suivies et de mes principes. Je suis par exemple tombée sous le charme de François Keiffer et de sa MPP (Méthode Plaisir et Performance). La première fois que j'ai assisté à un de ses séminaires, j'ai d'abord pensé "rien de neuf sous le soleil". Mais après sa première démonstration, j'ai été drôlement impressionnée. En 20 minutes, on voyait déjà une évolution. Bluffant! J'adore discuter formation avec lui sur internet.

CC: Quelle est grosso modo la proportion de coachs féminins et masculins chez les filles? 

Sandrine: Je ne connais pas les chiffres, mais il n'y a pas 50% de femmes, ça, c'est sûr. Lors de ma première saison, nous étions deux dans la division. Je crois que c'est encore le cas aujourd'hui, j'ai juste une collègue à Mons. Il faut dire que pour coacher à ce niveau, il faut posséder l'UEFA B ou être en cours de formation.  Peut-être la répartition est-elle un peu plus équilibrée en provinciales? 

CC: N'est-ce pas plus facile pour celles-ci d'avoir une femme à leur tête?

Sandrine: Si je me base sur mon expérience de joueuse, je crois effectivement qu'une femme est plus à même de comprendre un groupe du même sexe.  Peut-être aura-t-elle un peu plus de feeling qu'un homme, qui mettra plus vite une barrière? Avec des filles de 15-16 ans, j'ai parfois presque l'impression d'être leur maman. Une autre hypothèse serait qu'un homme va davantage se focaliser sur le résultat, là où une dame va plus regarder l'évolution, le processus d'apprentissage. Mais ce sont là des généralités. Je connais des messieurs qui sont très pédagogues, et moi aussi j'ai envie qu'on gagne tous les matchs! (rires)

CC: J'ai pu remarquer la bonne humeur qui régnait dans le groupe et toute la complicité qu'il y avait entre vous...

Sandrine: Oui, j'entretiens de bonnes relations avec chaque joueuse. Il y a dans le groupe des filles que je connais depuis des années, certaines avec qui j'ai joué. Il faut trouver le juste équilibre entre une joyeuse complicité et le respect de la hiérarchie, quand je prends une décision. Je suis pour le coaching participatif, on peut discuter les choix tactiques. Mais il ne faudrait pas confondre discussion et contestation. Disons qu'il s'agit d'une autonomie encadrée.




CC: Dommage, pas grave, c'est rien... Je t'ai souvent entendue les rassurer. C'est une dimension importante de ta tâche?

Sandrine: Les filles ont besoin d'être encouragées. S'il est parfois nécessaire de piquer des garçons dans leur amour-propre, avec elles, ça ne fonctionnera pas. Elles doivent sentir la confiance, qu'on est derrière elles. Pour la plupart, si je les engueule, je les ai perdues...



CC: Posez le jeu: voilà un autre fil conducteur de ton coaching. Tu leur rappelais même à la mi-temps que, sans ça, elles ne s'amuseraient pas...

Sandrine: En D2, c'est le cas de la majorité des équipes, à l'image de Gand. Rarement des longs ballons, un jeu au sol pour 90% du temps. Mes filles sont dans cette optique aussi. Elles ont envie de toucher le ballon, et que celui-ci circule bien. Lors d'un récent match amical face à Woluwé, nous avons certes perdu, mais le resssenti était positif. À l'entraînement, on travaille beaucoup les six mètres. Les défenseuses doivent demander dans le rectangle.



CC: Les visiteuses de Gooik sont apparues plus roublardes, voire plus vicieuses (petites fautes pour empêcher les reconversions, qui plus est encouragées par leur coach - t'is genoeg! - gain de temps...). Un peu naïves, les tiennes?

Sandrine: C'est sûr, les Flamandes sont plus malicieuses. La plupart de mes filles sont trop gentilles. Elles aiment le jeu et ne cherchent pas à le casser. Même si les plus anciennes essayent de leur insuffler un supplément de caractère et de roublardise.

CC: Vous allez donc au devant d'un championnat qui s'annonce compliqué?

Sandrine: Il y a deux séries de 14 équipes, et dans chacune cinq descendants! Il faut en effet laisser la place à dix montants, un par province. Nous sommes versées dans la série A, la plus relevée, avec seulement deux clubs wallons, Mons et nous. Le programme s'annonce d'entrée "rock'n roll" avec un déplacement à Zulte et la réception de Brakel avec qui nous entretenons une vieille rivalité.



CC: Est-ce que je me trompe en affirmant que les scores fleuves sont plus nombreux que chez les garçons?

Sandrine: Ca dépend, mais il est vrai qu'il y a souvent des écarts plus larges que chez les hommes. En D2, il y a cinq ou six "intouchables", et pour le reste, des matchs fort disputés. Dans notre série, on trouve les équipes B de Gand, Bruges, Zulte... Lorsqu'elles alignent ne fût-ce que deux joueuses de Super League, celles-ci font la différence, tant le gouffre est immense! Et dans ce cas, les buts peuvent défiler quand l'opposition s'écroule...


Le point de vue d'un homme: Philippe VENTUROSO, ex-coach du Femina Sporting de Charleroi (Super League)

"Une découverte à tous les niveaux"




"J'ai découvert le foot féminin la saison dernière, et on peut dire que je m'y suis éclaté, j'ai kiffé à fond! À mon arrivée pourtant, les filles étaient mal en point(s) au classement. Mais le second tour fut nettement meilleur et la progression évidente. Face à Louvain et au Standard de Liège, les raclées de l'aller se sont transformées en défaites honorables. Il y a des écarts importants entre les grosses écuries, comme Anderlecht et Genk, qui comportent de nombreuses internationales belges et étrangères, et les autres. Entre la Super League et la D1, le fossé est énorme, peut-être manque-t-il une série intermédiaire." 

"J'ai été réellement impressionné par l'implication, la mentalité, les connaissances, l'habileté technique et l'analyse tactique des joueuses. Évidemment il s'agit du haut niveau, et ces filles ont eu un écolage de qualité."

"Elles font leur sport pleinement. Quand elles ont déposé leur sac et mis leur tenue, elles sont là pour bosser, même si elles sont fatiguées. Elles se sont engagées, elles vont assumer. Le taux de présence est maximal et elles se donnent pour ce que tu as préparé. Si ça ne passe pas et qu'elles ne sont pas en accord avec tes idées, elles vont te le dire, avec franchise et honnêteté. Il y a beaucoup de réflexion dans leur jeu. En matière de coulissement, de pressing, elles posent de bonnes questions, pas pour aller gratuitement à l'encontre de tes idées, mais dans un sens constructif. Il faut être à leur écoute. Si tu tiens compte de leurs souhaits, tu obtiens des résultats."




"On ne peut pas dire les choses à une femme comme à un homme, du style Tu me casses les..., sinon elle risque de se braquer. C'est un peu comme à la maison en fait: si elle te fait la gueule, c'est qu'il y a une bonne raison. Mais si elle est en osmose avec toi, elle s'épanouit..."

"Il faut tenir compte des périodes où les joueuses sont réglées, ça influe sur leur comportement, ainsi qu'au niveau physique."

 "J'aurais aimé poursuivre, mais le club a décidé d'accorder sa confiance à l'internationale Aline Zeler. Désormais, je serais encore bien tenté par le niveau Élite, hommes ou femmes, avant de retrouver le football provincial."



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