Dès l'âge de neuf ans, et ce pour quatre saisons, le format de jeu évolue: huit joueurs au lieu de cinq, deux mi-temps de 30 minutes, un terrain aux dimensions supérieures (40-50m x 30-35m en U10-U11, 50-60m x 40-45m en U12-U13). Un calendrier établi, mais pas encore de classement, toujours dans l'optique de favoriser l'apprentissage sans championnite.
Le schéma tactique prôné par la Fédération est celui d'un double losange devant le gardien: trois défenseurs, un milieu axial, deux ailiers et un pivot.
Pour évoquer les spécificités de ce cycle d'initiation, nous avons contacté quatre formateurs engagés dans des clubs régionaux:
- Gaëtan GOULEM est à l'AS Montkainoise depuis une petite dizaine d'années. Titulaire du Brevet C, obtenu à Mouscron sous la guidance de Sébastien GARDAVOIR, il se lancerait volontiers à la quête du Brevet B, mais doit combiner avec travail et vie familiale. Gaëtan coordonne le foot à huit dans le club kainois, et coache les U11. Avec Fabrice LELEU, coordinateur du foot à onze, il s'évertue à redynamiser l'école de jeunes pour lui permettre de retrouver le niveau des Provinciaux.
- Cyrille HUAIN est lui aussi coordinateur du foot à huit et coach d'une équipe U10 à la RAS Pays Blanc Antoinien. Éducateur spécialisé, il possède plus de vingt ans d'expérience dans le coaching. De la psychomotricité aux U21, il a entraîné toutes les catégories de jeunes, et reconnaît avoir beaucoup appris des coachs fréquentés.
- Damien NICAISE, diplômé UEFA B, s'apprête à reprendre les U10 de la RE Acren-Lessines. Il a lui aussi acquis une solide dose d'expérience chez les jeunes, au FC Ellezelles. Damien reprend le coaching après un break lui ayant permis de décrocher un CAP dans l'enseignement.
- Pascal MOLLE, diplômé UEFA A, assure la coordination du foot à huit au Pays Vert Ostiches-Ath. Il a un solide parcours à faire valoir dans le coaching des jeunes, ainsi que dans la coordination (FC Ath, Vaudignies) et la Préparation Physique (équipe première du FC Ath avec Michel DEROUCK et Georges HEYLENS, PP des arbitres du Hainaut depuis une vingtaine d'années!). Pascal a également donné des cours à l'école d'entraîneurs (Brevet C et B) sous la direction de Franz MASSON.
Gaëtan GOULEM: "Marquer des buts, c'est ce que veulent les enfants!"
Les 3 V
Un des points d'insistance de Gaëtan dans sa pédagogie est le jeu au sol:
"Effectivement, j'insiste beaucoup sur les combinaisons au sol: aucun ballon en l'air! Pour apprendre aux enfants à exploiter toute la largeur du terrain, je leur enseigne les trois V: le premier est un simple une-deux.
Pour le deuxième V, on passe par le défenseur central ou le milieu axial pour jouer du même côté. Même principe pour le troisième, sauf que l'axial va orienter sur l'autre flanc. Le dribble reste fort présent, mais par rapport au jeu à cinq, les enfants perçoivent d'eux-mêmes la nécessité du jeu de passes."
Le 3-3-1 est donc le système préconisé dans le foot à huit. Il arrive toutefois à Gaëtan de lui préférer le 2-3-2, "qui permet un jeu plus offensif; or, marquer des buts, c'est ce que les enfants veulent."
L'élastique
Peu de consignes défensives à ses U11, le jeu en zone étant davantage de mise dans la catégorie supérieure avec un terrain élargi. Une figure est cependant déjà d'application:
"L'élastique, pour les initier au coulissement, et ne pas laisser un attaquant s'isoler entre deux défenseurs. Les enfants apprennent aussi à se parler."
Cotes de niveau
L'ACFF a mis au point un système de cotes de niveau, en vue de favoriser des oppositions plus équilibrées, avec une ré-évaluation en octobre pour le second tour. Semblable répartition est pratiquée en interne par les formateurs kainois:
"Nous avons trois équipes en U11. Pour que les enfants s'y retrouvent, notamment ceux qui nous arrivent à dix ans sans avoir jamais joué en club, nous créons trois groupes distincts, de niveau 1 à 3. Pour ces derniers, nous travaillons les bases. Toutefois, pour entretenir la cohésion de groupe, nous rassemblons tous les enfants pour un des deux entraînements hebdomadaires, et nous leur proposons divers ateliers."
Coerver
La méthode Coerver, du nom d'un entraîneur hollandais de la fin des années 60, consiste en la répétition sans opposition des gestes techniques (conduite, dribble, passe, frappe) en vue de développer l'habileté individuelle dans ce domaine:
"La technicité est accentuée dans le foot à huit, notamment dans le mouvement. Avec les enfants du niveau 1 surtout, nous exerçons la vitesse avec ballon."
Cyrille HUAIN: "Un suiveur en A peut devenir un leader en B"
Former un groupe
À la question de savoir quelle est la principale évolution par rapport au foot à cinq, Cyrille évoque la plus grande difficulté à construire un groupe homogène, surtout en vue de l'étape suivante, le foot à onze. Pour y arriver, il a convenu avec ses coachs d'une ligne de conduite: chaque joueur aura au minimum 30% de temps de jeu en A, et 80% au maximum, ce qui signifie que chacun sera aussi invité à évoluer avec les B:
"Les enfants s'entraînent tous ensemble, avec deux ou trois entraîneurs par catégorie. Une pédagogie mise en place pour forger un esprit de groupe. Pour les matchs, nous varions les sélections. En U10 par exemple, Fabio SCARPINO et moi tâchons de constituer deux équipes correctement balancées en fonction des différents postes. Un enfant qui passe inaperçu en A aura l'occasion de s'affirmer en B. Il convient de garder à l'esprit que ce n'est pas toujours le plus fort à cet âge qui arrivera en équipe première..."
Le contenu plus intéressant
Cyrille évoque à son tour l'organisation des championnats par niveaux:
"Fabio et moi avons choisi d'inscrire nos équipes en 2 et en 3. Non pas par facilité ou manque d'ambition, mais pour que chaque enfant puisse évoluer et prendre du plaisir. L'objectif est moins le résultat, même si on est toujours content de gagner, que le contenu. Pour développer l'esprit de compétition, il y a la Coupe du Hainaut, qui ajoute un challenge attractif. L'appétit de performance viendra avec l'âge."
Préparer au foot à 11
Comment le coach antoinien envisage-t-il l'apprentissage tactique de ses protégés?
"Le 3-3-1 est sans doute plus facile à expliquer au début. Au-delà du système choisi, nous veillons à mettre une organisation en place, au moyen d'exercices ou de petites sessions théoriques. Ainsi, c'est d'office l'arrière latéral qui fait les touches (introduites à la main dans le foot à huit); c'est le demi latéral qui donne les corners, etc."
Cyrille avoue un faible pour un autre dispositif:
"Personnellement, je trouve que le 2-4-1 prépare mieux au passage à onze. Deux arrières qui coulissent et se forment au poste de défenseur central (ou demi def). Deux joueurs de couloir qui arpentent leur flanc. Ils se fatiguent sans doute plus vite, mais les changements illimités solutionnent ce problème. Deux médians axiaux qui s'orientent vers les postes de 6 et 10. Et toujours un attaquant pivot."
Quoi qu'il en soit, l'accent est mis sur la responsabilisation de l'enfant:
"L'objectif est que les enfants se coachent entre eux et qu'à terme, ils n'aient plus besoin d'un guide sur le côté. Nous faisons pour cela attention à nos mots de coaching: leur dire lève la tête plutôt que centre, par exemple."
Déterminer des profils
"Plus que des places prédéterminées, nous tâchons de découvrir des profils ou des zones de prédilection (offensif-défensif, axial-flanc...). Un gaucher aura l'occasion d'évoluer à droite; lors d'un match un peu plus facile, on inversera les positions des défenseurs et des attaquants. Mettre un enfant à une place qui n'est pas idéale pour lui permet de voir comment il va s'y débrouiller, ce qui peut être riche d'enseignements. Même au niveau du gardien, nous faisons preuve de souplesse. Si le gamin n'a plus envie de rester dans le but, nous n'allons pas l'y forcer, nous le perdrions."
Le confort du synthétique
Pour étoffer le bagage technique de ses affiliés, le Pays Blanc jouit d'un précieux outil de travail:
"C'est hyper confortable, en effet. A fortiori cette année, où nous n'avions pas accès aux vestiaires. Les enfants ne rentrent pas chez eux avec des vêtements sales... Les seules séances annulées le sont par des températures inférieures à moins cinq!"
Mais c'est surtout sur le plan purement qualitatif que la pratique du football y trouve un avantage très appréciable:
"Même les moins doués au départ peuvent apprendre à jouer en une touche. Nos exercices d'échauffement sont systématiquement exécutés en deux puis une touche(s) de balle."
Les méfaits du Covid
Cyrille, qui fait aussi partie de l'équipe dirigeante du club, craint le contre-coup de la crise sanitaire:
"Je crains que le Covid ne fasse des dégâts. Notre groupe est passé de 24 au départ à 20 aujourd'hui. Les enfants - ou les parents!- ont pris d'autres habitudes. On constate une démotivation ou une lassitude par l'absence de match le week-end. Même si c'est cool de s'entraîner, et nous veillons encore plus que d'habitude à l'aspect ludique, rien ne remplace le plaisir de marquer un but sur une phase travaillée en semaine: T'as vu, coach?"
Damien NICAISE: "Une évolution incroyable"
La catégorie que je préfère
De son parcours d'une dizaine d'années au FC Ellezelles, Damien garde un tel souvenir de son vécu avec des U10 qu'il n'a pas hésité à répondre à l'appel de la REAL pour reprendre avec cette catégorie:
"Pourtant, la première fois que j'ai pris des Préminimes après avoir travaillé avec des plus grands, c'était la grosse inconnue. Mais honnêtement, ces enfants te donnent un retour incroyable. Leur évolution est remarquable. Je me souviens encore d'un premier tour où nous étions nettement en-deçà de nos adversaires. En mettant au point quelques phases de jeu et des automatismes, leur progression au second tour a été phénoménale. Pour un coach, c'est très gratifiant de voir reproduit le week-end ce qu'on a mis au point la semaine. J'ai beaucoup appris avec eux."
Une autre source de satisfaction étant de suivre leur évolution:
"Apprendre qu'un de ces enfants se retrouve ensuite au Pays Vert, à Tubize, voire au Sporting de Charleroi, c'est une belle récompense du travail accompli. Même si nous n'évoluions que dans des catégories régionales, il nous arrivait de filmer les matchs pour qu'ils puissent visualiser les situations de jeu et se corriger."
La relation aux parents
Comme nous le confiait Gaëtan GOULEM, ce n'est pas toujours évident de contenir les parents qui, comme certains coachs hélas, font parfois monter la pression sur le côté. Mais Damien y perçoit aussi une opportunité:
"J'essaie de faire en sorte qu'il y ait une bonne symbiose avec les parents. L'organisation de quelques soupers favorise la cohésion. Ce qui m'a marqué, ce sont les mamans qui arrivent au départ pas convaincues du tout que leur fils accrochera, peu enthousiastes à la perspective de lessives à répétition et qui, quelques semaines plus tard, sont parmi les plus exaltées au bord du terrain pour encourager leur progéniture."
Jeu au sol
Damien voit dans le double losange une opportunité idéale pour développer le jeu en triangle au sol.
Moyens mnémotechniques
"Pour le match, je pouvais avoir quinze enfants à disposition. Comme je ne laisse jamais un enfant à la maison, je faisais un double changement les deux ou trois minutes. Pour que ces rotations se fassent le plus facilement possible, sans perturber l'organisation globale, j'avais appris aux enfants des chiffres correspondant aux positions sur le terrain, avec des multiples: le 2 (défenseur central) devant le 1 (gardien), le 8 devant le 4 à gauche, le 6 devant le 3 à droite, le 10 devant le 5 dans l'axe. Et ça fonctionnait bien."
Damien révèle également une pédagogie épatante pour les phases arrêtées:
"Nous préparions trois stratégies sur corner. Symbolisées par des couleurs: corner bleu, rouge ou jaune. Le tireur annonçait la couleur et ses équipiers savaient alors où se placer."
Responsabiliser les enfants
Autre initiative remarquable, les enfants se voyaient confier diverses tâches en vue de les conscientiser: ranger les ballons, les équipements, le vestiaire. Mais également sur le plan sportif:
"Avant le match, le capitaine gère une structure d'échauffement: avec quatre plots, passer-suivre, contrôle et frappe finale. Je me souviens d'un petit gamin qui découvrait le foot en club, je lui ai confié le brassard pour l'aider à s'affirmer. Il ne l'a plus lâché!"
Une anecdote savoureuse achèvera de nous convaincre du bien-fondé de la méthode. Une maman confiait à Damien: "Depuis que c'est toi l'entraîneur, la chambre de mon fils n'a jamais été aussi bien rangée!"
Le charme des tournois
Un temps fort de la saison, la participation à l'un ou l'autre tournoi:
"Je garde particulièrement le souvenir de celui de Bredene, auquel j'ai participé quatre années de suite. Partager ces quelques jours entre staff et joueurs, rejoindre la plage en trottinant, les soirées jeux, voir arriver les parents en bus le jour du tournoi, tout cela génère des moments inoubliables pour les enfants comme pour les adultes."
3 questions à Pascal MOLLE
Il y a essentiellement deux rôles: tout d'abord, la gestion des entraînements et des formateurs. Chacun d'eux a sa propre personnalité, mais par l'échange et le dialogue, nous veillons à maintenir une ligne de conduite commune. Nous devons notamment vérifier que le plan de formation et les thèmes d'entraînement sont bien respectés. Centraliser, être sur le terrain et remplacer les coachs quand ils sont absents. Il y a ensuite une tâche administrative, consistant à établir le planning et l'organisation du travail.
Quels sont les points d'insistance de la formation à cet âge?
Le club aligne une trentaine d'équipes de jeunes, des semi-provinciaux aux interprovinciaux. C'est un niveau que je découvre. Pour cela, j'ai la chance de pouvoir compter sur Gérard NAUW, notre RTFJ, avec qui je collabore étroitement. Expressément pour les U13, dont nous devons préparer le passage au foot à onze.
Notre principale insistance concerne le jeu en B+: nous demandons un maximum de séquences d'entraînement sur la possession de balle. Personnellement, j'accorde beaucoup d'importance, surtout à cet âge, aux fondamentaux: les gammes techniques sont retravaillées lors de chaque mise en train.
Sur le plan physique, particulièrement pour les 12-13 ans, je recommande les exercices de vitesse (coordination, explosivité, changements de direction, technique de course,...), spécialement de réaction (coordination oeil-pied), associés à un travail de réflexion (donner d'un côté, partir de l'autre) pour rendre les gestes naturels et éliminer le penser aussi vite que possible.
Notre plan de formation repose sur des cycles de quatre semaines, avec des thèmes tels que la maîtrise de la construction à partir du gardien (relance courte ou mi-longue, à la main ou au pied, vers les flancs), ou le travail de reconversion (B+-B- et vice-versa) du bloc-équipe.
Outre les basics (passes mi-longues, démarquage...), nous exerçons les teamtactics (jeu en triangle, construction par lignes...), et demandons à nos formateurs de maîtriser deux systèmes de jeu, afin de pouvoir réagir à des situations de match ou s'adapter à l'adversaire. Sans tomber dans les excès de la championnite, nous stimulons tout de même la culture de la gagne.
Quel type de coaching attendez-vous de vos formateurs?
Le label 3 étoiles que nous défendons exige notamment de laisser la liberté de créativité aux enfants. Éviter de les robotiser en les dirigeant exagérément. D'autant que dans le jeu à huit, nous sommes toujours dans la préformation. Il est bon que les enfants trouvent la solution par eux-mêmes. Le formateur peut donner la correction après la phase de jeu, par exemple lors des quart-temps, ou mieux encore leur demander de formuler eux-mêmes ce qui a été ou pas, pour qu'ils assimilent plus vite. On veillera aussi bien entendu à leur assurer un feed-back positif, à leur prodiguer des encouragements.
Je dirais que les trois priorités dans notre formation sont: 1. Respect, 2. Fun, 3. Foot.
Le respect est la base de tout. Du formateur, du délégué, de l'adulte en général. La première chose quand l'enfant rentre sur le site, c'est de dire bonjour. Les valeurs d'éducation sont fondamentales.
Ensuite, nous ne devons pas oublier que les enfants viennent d'abord pour s'amuser. Le fun doit dès lors être présent pendant un maximum de séquences d'entraînement.
Une fois ces assises bien ancrées, nous pouvons nous concentrer sur l'acquisition des aptitudes spécifiques du joueur de foot.
à suivre, le foot à 11...
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