mardi 13 avril 2021

Des U14 aux U21, le foot à onze

 Pour ceux que l'on appelait auparavant Cadets, Scolaires et Juniors, terminées les compositions réduites, on joue à présent dans la configuration du foot adultes. Dès la catégorie U14 en effet, les lois du jeu appliquées sont les mêmes, à l'exception de la durée des mi-temps (2x35 jusqu'en U15, 2x40 jusqu'en U17, puis les 2x45), du nombre de remplaçants (5) et des changements illimités.

Plusieurs formateurs, un pour chaque tranche d’âge, se sont prêtés au jeu de répondre à nos questions pour cibler les principales caractéristiques de leur catégorie. L’objectif n’est pas de faire un tour complet de la question, mais de mettre en lumière le travail d'éducateurs dévoués qui préparent avec passion les joueurs de demain. Passion et compétence, comme vous pourrez vous en rendre compte !


François BROGNIEZ, U14 Interprovinciaux Royal Francs Borains

27 ans, diplômé UEFA B, termine actuellement le bloc 1 de l’UEFA A. Va aborder la formation Élite Youth en deuxième année. Après son parcours de joueur au RFB, a débuté le coaching avec les plus jeunes (U6 à U8), et en est à sa quatrième saison en U14, se faisant ainsi un spécialiste de cette année charnière. François est également, comme son ami Antoine DELAYE qui l'a rejoint cette saison au club, arbitre en D2 amateur !




Comment les enfants qui viennent du jeu à huit vivent-ils la transition au foot à onze ?

Très bien. Ils arrivent dans le vrai football, celui qu’on voit à la télé, sur un terrain entier, avec de grands buts. Les enfants sont très motivés et ont une grande soif d’apprendre. Concentration et application vont de soi chez eux, tant ils sont spontanément captivés. Bien sûr, certains sont plus vite prêts que d’autres à évoluer sur grand terrain, étant donné les niveaux différents de maturité physique et de coordination.

Comment t’y prends-tu pour leur apprentissage tactique ?

Le schéma le plus abordable est incontestablement le 4-3-3, idéal pour leur apprentissage. Le quatre arrière notamment, indispensable pour leur permettre de couvrir la largeur du terrain, un paramètre nouveau à cet âge. La familiarisation à d’autres systèmes de jeu leur viendra suffisamment tôt, à un moment où il sera plus facile de les moduler.

Pour l’initiation tactique, nous avons la chance de pouvoir organiser un stage de cinq jours en avant-saison, à Beauraing. Nous y jetons les bases du plan de travail : apprentissage du bloc-équipe, de la zone, mise en place des phases arrêtées, etc. Avec trois séances par jour, on avance vite !

Nous avons aussi l’occasion d’y tester les joueurs à différents postes et d’ainsi cibler les profils. Même si rien n’est figé, nous distinguons facilement les joueurs de flancs et les axiaux, surtout dans la continuité de ce qu’ils ont fait dans le jeu à huit.




Ce stage a aussi le grand mérite de créer des affinités; c’est le genre d’expérience qui laisse des souvenirs impérissables. J’ai d’ailleurs eu moi-même la chance de participer à de semblables séjours en Ardennes et les coachs de l’époque m’ont donné l’envie de me lancer à mon tour dans l’organisation.

Nous poursuivons le cheminement durant la saison, sous forme de jeux de possession, ou de formes de match.

Quels sont les points d’insistance dans la planification de ton travail ?

Énormément de ballon, bien sûr. Il faut que les enfants le touchent au maximum. Nous avons trois séances hebdomadaires :

- le mardi, je reçois l’aide de deux amis kinés qui viennent faire de la préparation physique adaptée aux enfants, par groupes de niveaux

- le mercredi, on peut mettre un peu plus d’intensité dans les jeux et exercices

- le vendredi est davantage axé sur la préparation du match, avec des démarquages sur de plus grandes surfaces, mais en veillant à bien doser les efforts




Nous faisons passer trois tests VMA aux enfants: avant le stage, à la mi-saison et à la fin de celle-ci, dans le but qu’ils connaissent leurs limites. Nous surveillons aussi leur évolution physique (taille, poids…).

Nous avons par ailleurs acquis des pieds téléscopiques pour les filmer et leur proposer de petites séances vidéo.

Mon optique est de donner aux enfants le maximum d’outils de formation. Certains trouveront peut-être que c’est exagéré, mais j’essaye de les préparer au mieux. Mes successeurs ont ainsi la tâche facilitée (rires).

 

Christophe PRÉSEAUX, U15 Élite 2 Royal Excel Mouscron

40 ans, diplômé UEFA A. A été adjoint de Thierry PISTER et Carl DEVIAENE au RFC Tournai. À Mouscron pour la troisième saison. Formateur professionnel, Christophe travaille le matin pour l’ACFF où il assure avec Michel DEROUCK les séances pour les jeunes Élite de 15 à 21 ans qui sont dans les écoles de Mouscron. Le soir, il coache les U15 de l’Excel, mais s'occupe aussi des U14 aux U21.




Comment le travail est-il organisé dans un Centre de formation comme le Futurosport ?

Nous tournons beaucoup, en ateliers. Un joueur a plusieurs formateurs. L’objectif est que, sur une saison, il ait pu travailler avec trois, quatre, cinq voire six formateurs. L’approche est déjà très professionnelle à cet âge. Mais le jeu reste fort présent. En plus des bases techniques qui sont régulièrement entretenues, nous travaillons beaucoup les possessions et les formes de match.

L’élaboration tactique est-elle déjà fort poussée ?

Chez nous, la formation est plus importante que le résultat. La mise en place est progressive. Par exemple, nous déterminons déjà les lignes de course offensives, en vue des U19-U21.

Philippe SAINT-JEAN nous demande de travailler en 4-3-3. Mais nous avons la latitude de changer occasionnellement en cours de match. Il m’est déjà arrivé lors de certaines rencontres où cela s’y prêtait de tester le 3-5-2 ou le 3-4-3 pour leur inculquer d’autres notions tactiques.

Une caractéristique t’ayant plus particulièrement marqué chez les U15 ?

Les différences énormes de maturité. Des ados présentant une morphologie quasi adulte côtoient des gamins en début de croissance. Il faut prendre ça en considération. Si les premiers marquent les esprits par leur puissance technique et physique, nous devons veiller à ne pas passer à côté de joueurs à haut potentiel mais pas encore matures.

J’y suis d’autant plus sensible que c’était mon cas ! À seize ans, j’étais le plus petit de mon équipe, et en U21 le plus grand ! Ce n'est qu'entre dix-sept et dix-neuf ans que j’ai connu une croissance tardive et spectaculaire.

Comment arrivez-vous à gérer la situation particulière de cette période ?

C’est difficile, bien sûr. Sans match, c’est très frustrant. Nous avons pu continuer à travailler par bulles de quatre, puis de dix, c’est déjà ça, mais ça ne ressemble que de loin à ce que nous pouvons offrir et vivre lors d’une saison normale.

 

Laurent MEGANK, U16 Interprovinciaux Div. 1 CS Pays Vert Ostiches-Ath

47 ans, diplômé UEFA B, 12 ans de coaching (Biévène, Neufvilles et au Pays Vert depuis 3 ans), champion l’an passé avec ses U15 en interprovinciaux D2, Laurent coachera encore ce groupe la saison prochaine en U17. À côté de ses fonctions au PVOA, il travaille aussi pour l’ACFF (vérificateur Label) et pour le Sporting d'Anderlecht (scouting).




Quelles spécificités constates-tu dans cette catégorie « Scolaires 1e année » ?

De grandes disparités physiques. Des jeunes plus frêles peuvent se retrouver face à des « adultes » d’1m82, 83… On commence aussi à voir apparaître les blessures musculaires.

D’où le recours au stretching ?

Oui, nous procédons à de petits étirements, le plus souvent actifs, après l’échauffement, et des étirements passifs plus poussés en fin de séance.

Et sur le plan tactique ?

Avec trois entraînements/semaine, nous pouvons déjà bien travailler tactiquement. En général, ils maîtrisent déjà correctement les bases du 4-3-3 après leurs U14-U15. La saison dernière, nous avons quasi tout le temps évolué en 3-5-2. En U16, les longues diagonales sont plus fréquentes, ils y sont donc plus à l’aise avec une défense à quatre. Je leur ai déjà annoncé que l’an prochain, nous testerions le 4-4-2, à plat ou en losange, histoire d’étoffer leur bagage tactique.

Comment organises-tu le travail physique ?

Je maîtrise les notions de base acquises à l’école d’entraîneurs. Mais pour la saison prochaine, j’ai proposé au club de réserver une séance hebdomadaire à la préparation physique. C’est Laurent DE CNOP qui devrait s’en charger pour les U17 et les U19.

As-tu constaté une évolution dans l’esprit de compétition ?

Oui, énorme. C’est logique à partir du moment où il y a un classement. Viser la montée ou éviter la descente, c’est la carotte du championnat. Tous les points comptent. Un exemple, en octobre dernier, pour ce qui aura constitué l'ultime rencontre avant l’interruption Covid, nous nous déplacions à Wanze/Bas-Oha, leader de la série. Or, nous n’avions jusqu’alors obtenu qu’une victoire en quatre matchs. Menant 1-2 à une dizaine de minutes de la fin, j’ai décidé de renforcer mon secteur défensif pour conserver ces points précieux. Une précaution que je n’aurais sans doute pas prise en l’absence de classement. L’obligation de résultat est relative mais réelle.




 Thomas LAMBLIN, U17 Provinciaux RFC Luingnois

33 ans, s’est lancé dans le coaching dès l’âge de 19 ans. Diplômé UEFA B, formation suivie au CRAF de Liévin. Passé par toutes les catégories de jeunes en France, arrivé à Luingne il y a trois ans. Est monté de U16 à U17 avec son groupe, et va les suivre en U19. Aimerait passer son UEFA A en Belgique.




Qu’est-ce qui te frappe dans ces catégories « Scolaires » ?

Entre 15 et 17 ans, il y a d’incroyables différences de morphologie. La croissance peut faire que des petits techniciens ont des difficultés motrices à se réadapter à leur corps qui évolue.

Le travail tactique y est-il déjà fort présent ?

J’ai des joueurs avec d’évidentes aptitudes techniques. Mais ce qui m’a frappé au début, ce sont les nombreuses lacunes tactiques. Par exemple dans l’apprentissage de la défense de zone, ou en voyant un arrière latéral toujours défendre côté ligne. Les déplacements du bloc-équipe sont également primordiaux. En interprovinciaux (c’était le cas en U16), on est vite puni si ce n’est pas au point.

J’adapte mon schéma tactique aux qualités des joueurs. Le club mise généralement sur le 4-3-3, mais je lui ai dernièrement préféré le 3-4-3, notamment pour me permettre d’aligner de concert trois excellents défenseurs centraux.

Comment construis-tu tes séances ?

L’essentiel se fait avec un ballon. À part l'une ou l'autre séquence de 15/15, en début de saison particulièrement, très peu d’exercices sans ballon. La course doit être football. On voit rarement en match un joueur courir 40 mètres sans ballon. Beaucoup de jeux réduits, qui amènent un maximum d’intensité. Des oppositions 2c1, 3c2 sur petites surfaces, des jeux de conservation (variantes de passes à 10, stop-ball, jeu à 4 buts, etc.).

Notre formation est fort axée sur le mouvement, la technique, les passes redoublées,…

Les gardiens ont leur entraînement spécifique à part, ce qui signifie que je les ai toujours à ma disposition. Soit ils sont dans le but, soit ils sont inclus dans les exercices pour travailler leur jeu au pied.

Je responsabilise mes joueurs pour l’échauffement qu’ils font par groupes de trois ou quatre, ou pour la récupération, dont je leur parle beaucoup, notamment en leur conseillant les étirements sous la douche.

Quel type de relations entretiens-tu avec tes joueurs ?

J’ai beaucoup de discussions avec eux. À leur âge, les soucis d’école ou d’ordre privé sont fréquents. Il faut pouvoir les écouter. Je peux entendre qu’un jeune traverse un passage difficile qui nuit à son implication dans le foot. Et puis il y a les sorties… il faut jongler avec tout ça. Mettre trop d’interdits ne ferait qu’exacerber la tentation de les enfreindre. Par contre, on peut tenter de les sensibiliser aux conditions mentales pour accéder au foot seniors. J’essaie toujours d’apporter une touche d’humour, qui permet de décompresser.


 Ronny ROELEN, U19 Provinciaux Entente Acren Lessines

62 ans, diplômé UEFA A depuis 2004, a aussi suivi des formations aux Pays-Bas sur la périodisation physique et tactique, ainsi que sur la préparation physique. Il a débuté sa carrière en 1996 au KV Woluwé-Zaventem, avant de s’occuper des jeunes nationaux (U16, 17, 19) à Diegem Sport. À la REAL depuis 2018 (U16 puis P2 et D2). Une vingtaine d’années d’expérience chez les adultes. Il prendra d’ailleurs en mains les destinées de la P1 de l’Excelsior Biévène la saison prochaine.



© Sudinfo.be

Considères-tu ton travail comme de la post-formation ?

À partir du moment où le jeune est en âge d’arriver en équipe première (16 ans), on peut effectivement parler de post-formation. Les entraînements que je leur dispense sont les mêmes qu’en adultes, pour écourter le chemin. C’est aussi pour cela qu’en match, j’évite les changements incessants, afin de les préparer au futur.

La saison prochaine, la plupart de mes joueurs seront des deuxième année. Parmi eux, sept ou huit devraient par la suite intégrer le noyau de P2, et quelques-uns peuvent même viser un peu plus haut. Le talent y est. Il ne suffit pas, mais c’est une base nécessaire. D’ici quatre ou cinq ans, l’objectif est qu’il y ait dans le groupe P2 une quinzaine d’éléments de Deux-Acren.

Un de nos gros avantages est que notre D2 amateur nous permet d’aligner des Espoirs, où le rythme est plus élevé et le terrain souvent plus grand. Nos jeunes y ont l’occasion de se frotter à des adultes de niveau national.

En quoi peux-tu encore les faire progresser ?

Nous avons toujours le souci de les faire progresser. Sur le plan mental, en leur inculquant la notion du sérieux. Dans les petits détails tactiques, comme la lecture du jeu défensif face à un adversaire qui s’apprête à jouer long, ou encore techniques, comme dans la différence entre une passe de dix mètres donnée de l’intérieur du pied ou sur les lacets, qui fera que l’adversaire la lira plus difficilement; ou encore sur comment positionner son corps. Pendant mes séances d’entraînement, je reçois l’aide de mon délégué, qui va par exemple gérer un 7c7 dont j’ai donné les consignes – et je me place de manière à pouvoir quand même y jeter un œil – pendant que je travaille en analytique avec quelques-uns à côté.

Quel schéma tactique privilégies-tu ?

Le 4-3-3 me paraît idéal en jeunes. Mais si tu les prépares pour un noyau d’adultes, ce qui est mon cas, il est bon d’aborder les autres systèmes de jeu, pour de possibles adaptations en match : le 4-4-2 avec un losange ou un carré au milieu, le 3-5-2 pour observer et leur donner quelques petits trucs en plus.



© Lavenir.net

 

 

Ce sur quoi tu es le plus intransigeant

Ce sur quoi tu es le plus indulgent

François BROGNIEZ

Discipline et travail sont les deux mots que je leur répète en début de saison. J'ai un caractère fort et droit, mais rassurez-vous, ce n'est pas l'armée. En dehors, je peux rire avec eux, et ils ne sont pas traumatisés en fin de saison (rires).

 Leurs erreurs. Notre but est de les corriger, il faut faire preuve de patience. L'enfant a tenté, il a raté, c'est avec ses erreurs qu'il va progresser. Le rôle d'un formateur est de former, pas de descendre l'enfant parce qu'il a fait une mauvaise passe ou un mauvais choix.

Christophe PRÉSEAUX

L’attitude ! Du joueur qui veut progresser et réussir. Sur le terrain, en dehors de celui-ci, dans les présences aux entraînements. Au-delà du talent, il faut la mentalité pour avancer. Sans quoi, il n’y a pas d’avenir. Si l’attitude est bonne, le jeune peut toujours arriver à quelque chose. Sinon, il risque fort d’abandonner aux premières difficultés.

Le manque de maturité. Sur le plan mental (esprit fort jeune) ou morphologique (certains U15 peuvent déjà faire une transversale de 40m ou ont une grosse frappe, d’autres pas). Cette maturité viendra tout naturellement, à un moment donné. Mais il faut en tenir compte.

Laurent MÉGANK

Le sérieux à l’entraînement, l’attention aux consignes. Écouter, comprendre, essayer. Ne pas râler et baisser les bras. Avec des ados de 14-15 ans, ce n’est pas évident.

Le droit à l’erreur. Ils peuvent rater, comme moi je peux perdre des matchs sur une mauvaise décision. L’important après une erreur, c’est de se battre pour la réparer.

Thomas LAMBLIN

La concentration et l’application dans les séances d’entraînement. Ne pas tricher et se cacher. Si le dépassement de soi fait défaut, alors on empêche aussi son partenaire d'évoluer.

Un mauvais jour. Ca arrive de ne pas être bien (Écoutez, coach, aujourd’hui je ne suis pas dedans). Les erreurs techniques, les différences de morphologie.

Ronny ROELEN

La mentalité, et le travail. La notion d’ensemble est fondamentale. Onze très bons joueurs ne font pas une équipe. Mettre son talent au service du groupe, voilà qui est primordial.

Les erreurs. Ils ont encore du temps pour progresser ; c’est pourquoi on peut toujours reprendre quelques gammes (passe longue, pied faible…)

 

 

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