Farid MOUSIN, RTFJ à l’Entente Acren Lessines
Farid MOUSIN n’est pas un novice en matière d’encadrement des formateurs. Coordinateur technique dès 2011 au Royal Géants Athois, mission qui se poursuit dans ce même club deux saisons durant sous l’appellation Responsable Technique de la Formation des Jeunes, avant d’exercer la même fonction au Pays Vert Ostiches-Ath (15-18), à Flénu (18-19) et depuis février 2020 à la REAL (Entente Acren Lessines) :
"Les Géants étaient mon club de cœur. Puis j’ai
adhéré au projet du Pays Vert. On a démarré des semi-provinciaux pour arriver
aux interprovinciaux et au Label 3 étoiles. L’objectif était donc atteint, mais
je n'étais plus totalement en phase sur le plan de la mentalité. Un ami m’a sollicité pour le
club de Flénu. J’ai accepté mais me suis vite rendu compte qu'à ce niveau de formation le
responsable sportif est fort livré à lui-même. Avec des entraîneurs qui sont
parfois des papas de joueurs sans préparation spécifique. Ajoutez à cela quelques conflits avec certaines personnes à l’esprit arriviste. Le RFC
Tournai m’a alors approché, et nous étions sur le point de trouver un accord
quand Denis DEHAENE m’a recontacté et convaincu de travailler pour son
club."
Atteindre le
label 3 étoiles
Avec un plan bien établi et des objectifs clairement définis :
"Atteindre le label 3 étoiles, mettre à moyen terme toutes
les équipes en provinciaux, tripler les équipes de foot à 5, doubler celles de foot à 8, et avoir une équipe par catégorie dans le foot à 11. Après un an et malgré les difficultés
inhérentes à la période complexe que nous traversons, les deux premiers
contrats sont déjà remplis !"
Le lien entre
le club et l’ACFF
Avec toute la volubilité et la passion qui le
caractérisent, mais aussi et surtout avec son expertise – il est également
vérificateur Label depuis trois ans -, Farid cerne pour nous les principaux
contours de la mission d’un RTFJ :
"Celui qu’on appelait auparavant directeur technique
ou coordinateur général est en quelque sorte le chef d’orchestre de l’école des
jeunes au niveau sportif. Dans les clubs labellisés par l’ACFF, il veille au
respect du plan de développement du jeune joueur. Tant pour les entraînements
que pour les matchs, son rôle est de vérifier que les critères Label sont
correctement suivis : conformité des méthodes d’apprentissage, respect
des temps de jeu, pas de pressing sur les défenseurs quand le gardien s’apprête
à relancer, buts bien fixés, bonne taille des ballons, etc."
En plus de son diplôme UEFA A, Farid a obtenu le
Brevet RTFJ qui cautionne son statut de responsable du staff technique :
"Les formateurs reçoivent des instructions
théoriques en salle, sur le bloc/équipe, sur les tâches par poste dans les différents
systèmes de jeu, etc."
Mais il ne conçoit pas cette fonction comme celle d’un
théoricien donneur de leçons et éloigné de la réalité du terrain, y voyant au
contraire une opportunité de mettre ses compétences au service de tous :
"Je suis toujours en tenue au stade, pour
observer activement le travail des coachs, et éventuellement intervenir pour
une correction technique. J’aime l’aspect pédagogique de ce poste, la
communication et l’échange. La plupart
du temps, ça se passe très bien."
Respecter le
plan de formation
La vérification porte donc essentiellement sur le
respect du plan de développement du jeune joueur en fonction de sa catégorie
d’âge :
"La planification des tâches est soigneusement
établie. Pour les plus jeunes, c’est le camembert,
à savoir des séances d’1h15 divisées en 6 ou 7 parties (jeux, vitesse, duels, petits
matchs…). Dès le foot à 8, c’est la méthode MIM (formes intermédiaires,
formes de match…) qui se met en place, avec l’apparition des teamtactics, qui seront plus poussés encore dans le foot à 11. Pour les basics,
nous fonctionnons par cycles de six semaines (conduite, dribble, passe, tir au
but…). Lors des matchs, nous nous assurons que les schémas prônés par l’ACFF –
losange, double losange, 4-3-3 – sont bien appliqués."
En mettant l’accent sur la dimension de formation qui doit rester prépondérante :
"Car une majorité de
formateurs – et de parents ! – pensent encore qu’ils vont être jugés sur les résultats. Pour contrecarrer cette fâcheuse tendance à la championnite, nous
devons leur rappeler les principes de base : faire jouer tout le monde,
enseigner les positions, construire du jeu, ne pas taper devant ou faire un mur
devant le but parce qu’on mène, etc."
Mettre des
gants
Le savoir-faire communicationnel est indispensable pour
envisager une relation saine avec les formateurs. Ceux-ci ont chacun leur
personnalité, et si certains seront d’office ouverts aux conseils, il en est
sûrement d’autres avec qui il faudra envisager une approche plus diplomate. Parfois
ingrat le rôle de RTFJ ?
"Si un entraîneur s’écarte du fil rouge, il est de notre devoir de lui rappeler qu’il a un plan de formation. Le tout est de le faire avec tact. Il ne faudrait pas perdre un bon formateur. Je ne vais jamais le discréditer devant ses joueurs. Je note précisément ce que je vois, il doit s’agir d’observations précises, puis j’envoie un mail privé au coach concerné, évoquant le problème constaté : indiscipline dans le groupe, manque de tempo, contact insuffisant avec le ballon, temps de parole trop long, etc. En prenant soin de toujours terminer par un feed-back positif et encourageant."
"On peut considérer qu’il y a un tiers de très
bons formateurs, qui sont aptes à s’autogérer et pour lesquels il ne faut pas
intervenir ; un autre tiers de formateurs corrects, avec des hauts et des
bas. Et un dernier tiers plus en difficulté, des jeunes qui débutent ou
d’autres pas assez formés, qui sont d’ailleurs souvent à la tête d’une équipe
elle-même en difficulté."
Quels sont alors les circonstances où le message passe plus difficilement ?
"C’est gênant quand on a affaire à quelqu’un de
renfermé, qui ne parle pas beaucoup, ou qui aurait peur de venir demander
quelque chose."
L’approche peut également être scabreuse avec
quelqu’un qui pense avoir la science infuse et qui ne verra pas d’un bon œil
qu’on vienne lui faire des remontrances. Farid nous livre d’ailleurs une anecdote à ce
sujet :
"C’était à Flénu. Après avoir observé de
nombreuses aberrations lors d’une séance, j’ai envoyé un courriel au
coach. Vu le profil de celui-ci, un UEFA B expérimenté, j’ai été plus direct
dans mes propos. Il l’a très mal pris et a aussitôt présenté sa démission, me traitant
de fou. Comme quoi, soit dit en passant, le diplôme n’est pas une garantie
absolue."
Entraîneur
technique
Lors de la saison 2015-16, l’ACFF a lancé une formation spécifique intitulée « perfectionnement technique » U10-U11 sur le site d’Ath. Farid y a assuré les cours en collaboration avec Jonathan KRYS (RTFJ Péruwelz FC) :
"Pendant six mois, nous avons poli le bagage
technique de ces jeunes joueurs, par un patient travail de répétitions
s’apparentant à la méthode Coerver ; c’est très gratifiant de les voir
maintenant évoluer en interprovinciaux."
Pour lui qui a été joueur puis coach au futsal, ces entraînements techniques sont un ravissement :
"J’y suis dans mon
jardin, en effet. C’est mon dada de conseiller les enfants dans ce domaine et
de pouvoir leur apporter les corrections nécessaires : la souplesse dans
certains gestes, la vitesse de réaction, les changements de direction. Le
jonglage n’est pas directement utile sur un terrain de foot, mais il travaille
la dextérité, le toucher de balle, l’équilibre…"
D’où l’intérêt d’avoir de jeunes formateurs
techniciens. Et pour les autres qui ne sont pas aptes à démontrer correctement
les gestes, Farid prône le recours à la vidéo, pour que l’enfant visualise bien
ce qu’il va ensuite s’évertuer à reproduire.
C’est ce qu’il met d’ailleurs en place à la REAL :
"Le lundi, j’assure un entraînement de rattrapage sur les basics pour les U8-U9, par petits
groupes de six ou sept. Dans le même ordre d’idées, nous comptons organiser une
séance par semaine en salle, avec projection vidéo, des U10 aux U13 en
principe, mais nous allons leur adjoindre les U14 et 15 afin de récupérer certaines
lacunes."
La vidéo, un
outil indispensable
Le recours à la vidéo est de toute évidence un précieux outil de travail dans le développement du football contemporain. Farid s’y est attaché avec assiduité dès sa prise de fonction aux Géants Athois, filmant les matchs des équipes de jeunes pour leur proposer ensuite des séances d’analyse. Il estime que l’initiative devrait venir de chaque coach :
"À Ath, j’avais parfois l’impression qu’on se reposait sur moi pour le
faire, mais avec le nombre d’équipes, ce n’était guère possible matériellement
de le proposer plus qu’une fois ou deux sur la saison. Idéalement, l'opération devrait être renouvelée chaque mois,
pour permettre aux joueurs de visualiser leur évolution sur le
terrain."
Vers des
pôles d’entraîneurs
Comme cela se fait déjà dans certains centres de formation, la REAL envisage de mettre sur pied des collectifs d’entraîneurs pour certaines catégories, dans le but de diversifier et, partant de là, d’améliorer l’apprentissage des enfants :
"Pour la saison prochaine, des U6 aux
U9, nous projetons de faire tourner quatre ou cinq formateurs, qui ne seront
pas responsables de leur équipe mais de
tous les enfants. Cela ne peut qu’amener un enrichissement mutuel et une
évaluation plus objective. Mais cela passe par un changement de mentalité, tant
pour les formateurs que pour les parents."
Rôle social
En assumant une responsabilité qui impacte l’ensemble de l’école des jeunes, le RTFJ est amené à côtoyer beaucoup de monde au club :
"Et il faut pouvoir parler avec tout le monde, s’ajuster à
tous les milieux sociaux, respecter tous les enfants aussi. Entre 200 et 250
jeunes sont affiliés chez nous. C’est très compliqué pour moi de mettre un nom
sur chaque visage ; par contre, si vous me montrez une photo de l’un ou
l’autre, je peux vous dire comment il joue."
Ce rôle social implique également de pouvoir arrondir les angles lorsque les gens viennent manifester leur mécontentement :
"Si 10% du club ne tournent pas comme on le voudrait, on vient vous
trouver pour critiquer. C'est moins le cas pour vous féliciter des 90% qui
fonctionnent bien. Certains parents ne sont pas toujours commodes vis-à-vis
d’un formateur que leur gamin discrédite pour telle ou telle raison. Il
faut pouvoir faire preuve d’entregent. Quoi qu’il en soit, ce rôle de
coordination n’est pas fait pour celui qui voudrait se mettre personnellement
en valeur. La satisfaction est ailleurs."
Voir les
enfants progresser
Notamment dans le fait de voir l’évolution parfois spectaculaire, tant individuellement que collectivement, des jeunes qui vous sont confiés:
"Le
poste réclame beaucoup de temps et d’énergie. Heureusement, il apporte aussi de
nombreuses satisfactions, la principale étant de voir les enfants s’améliorer, parfois au-delà de nos espérances. Les voir courir pour te taper
dans la main et te dire Bonjour,
coach !, c’est la plus belle des reconnaissances."
Être bien
encadré
En terminant cet entretien, Farid a voulu insister sur l’importance de l’encadrement et de la synergie :
"Il ne peut y
avoir de bon RTFJ si derrière il n’y a pas de bons formateurs et de bons
dirigeants de clubs, compétents et qui te font confiance. Dans mon cas, j’ai
beaucoup de plaisir et de facilité à travailler avec Denis DEHAENE, qui en plus
de son grand vécu footballistique, est très ouvert et réfléchi. Je progresse à
son contact."
Gérard NAUW, RTFJ au Pays Vert Ostiches-Ath
Après une longue et fructueuse carrière de coach, tant
chez les jeunes (à la Montkainoise essentiellement) que chez les adultes
(Montkainoise, Wiers, Bernissart, Pays Vert entre autres), Gérard NAUW met son
expérience au service de la formation du Pays Vert. Il s’est d’abord lancé dans
la coordination du foot à 8 et du foot à 11, sous la supervision de
Michaël DUTRIEUX, avant d’endosser lui-même le costume de RTFJ. Diplômé UEFA A
de longue date, Gérard suit actuellement les cours pour obtenir le Brevet lié à
cette nouvelle fonction. Ses professeurs à Namur – ou en visio compte tenu des
mesures sanitaires – sont Jean-Louis LOSFELD et Philippe BRUTSAERT.
Nous vous livrons ci-dessous quelques réflexions
savoureuses de ce coach à la forte personnalité, mais qui a acquis suffisamment
de sagesse pour savoir qu’il ne détenait pas la vérité. Un vrai passionné avec lequel nous pourrions causer football des heures durant...
Morceaux choisis
"C’est la finalité d’un travail commencé il y a
longtemps. J’ai toujours été attiré par la formation. Mais je n’aurais pas accepté ce rôle dans n’importe quel club. Avec le président Philippe DUBOIS, je sais que je ne m’engage pas pour du court
terme. On se connaît bien, on a les mêmes idées ; même si on s’engueule
presque tous les jours, ça nous permet d’avancer. La stabilité et la
continuité sont indispensables, car les résultats ne sont envisageables que sur le long
terme."
"Même si je suis au club cinq jours par semaine,
c’est l’énorme liberté qui m’est laissée que j’apprécie dans la fonction. Coach
d’une équipe avec toutes les contraintes que cela entraîne, comme les horaires fixes, j’ai
assez donné. Maintenant, je fais ce que j’ai envie de faire quand j'ai envie de le faire."
"Philippe Saint-Jean m’a autrefois proposé de devenir
formateur à Mouscron; je n’y suis pas allé car je savais qu’on m’aurait dit ce
que je devais faire. Or, j’ai toujours voulu travailler à ma manière, c’est aussi pour
ça que je n’ai jamais été adjoint."
"Je n’aime pas imposer les choses. Je préfère amener mes idées petit à petit, donner des pistes, encourager à faire ceci ou cela, et je rectifie quand c’est nécessaire. Nous devons quand même tenir compte des contraintes du Label."
"La formation n’est pas du formatage : il faut amener les coachs et les enfants à trouver eux-mêmes la solution à un problème de jeu. Dans ce cas seulement, leur mémoire à long terme la retiendra."
"Ce qui se vit dans le football est à l’image de la société, c’en est un microcosme."
"Le relationnel, avec les joueurs et les parents, c’est quelque chose que j’aime bien. Être en contact avec les jeunes permet en plus de rester dans le coup."
"Ce sport m’a appris énormément, et si j’ai un
message à transmettre en priorité, c’est celui-là : le foot est d’abord une
école de vie, qui peut t’apporter beaucoup, dans le domaine professionnel notamment."
"L’égo est un problème propre à la plupart des
coachs. Moins dans la fonction de RTFJ. Ton nom n’apparaît pas dans le journal
le lundi. Les bons résultats de l'équipe sont attribués à l'entraîneur, pas à toi. Avec l’âge,
j’ai appris à me détacher de tout ça."
"Une équipe n’est pas l’autre. Avec la dernière que j’ai coachée, les U11 de
la Montkainoise, nous avons remporté la Coupe du Hainaut et atteint les
demi-finales de la Coupe de Belgique. Dans ces compétitions, je ne permutais
que mes arrières latéraux. Les autres ne changeaient pas de place. Le reste du temps, comme il n'y avait pas de classement, nous pouvions tester d'autres formules."
"Quand je
vois des enfants qui font la file dans un exercice, c'est mal parti. Par
contre, s’ils sont actifs, qu’ils bougent et qu’ils touchent le ballon, c’est
déjà réussi."
"J’ai longtemps été
un adepte de l’analytique. La méthode Coerver, j’étais à fond là-dedans. Mon
point de vue a changé à ce sujet, et je suis devenu un partisan de la méthode
globale. Un apprentissage comparable au foot de rue. C’est comme ça que j’ai
appris à jouer, et ma technique n’était pas mauvaise pour autant."
"Dans le foot, on ne peut jamais prétendre qu’on détient le savoir. L’évolution est constante, au niveau scientifique notamment. Quand on veut, on apprend tous les jours."
"Ainsi, j’ai récemment découvert les préférences motrices, qui classent les joueurs en deux grandes catégories, les terriens (qui basent leurs mouvements sur le bassin) et les aériens (sur les épaules). Ce serait fort utile de le savoir, pour la pliométrie par exemple. Vincent Kompany est un aérien ; ses blessures à répétition s’expliquent peut-être en partie à cause d’exercices qui ne lui convenaient pas."
« Ou encore connaître son œil dominant. Ribéry était meilleur à gauche parce que son œil périphérique dominant est le gauche. Il semblerait que 80% des joueurs aient un œil gauche dominant, ce qui implique un hémisphère droit du cerveau plus développé, celui de la spontanéité et de la créativité. Ne serait-ce pas intéressant, dans un travail de scouting, de chercher à repérer l’œil dominant ? »
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