Goethals, Maes, Preud'homme, Zoff, Zenga, Bergeroo, Montanier, Lopetegui sont les plus connus de ces anciens portiers devenus entraîneurs au niveau national ou international.
L'élite de notre football provincial recense Johan LARDIN (Solrézienne) et Thierry BRIQUET (Montignies).
En Wallonie Picarde, Jonathan DUQUÈNE (38 ans, JS Meslin GM - P2) et Vincent WILLIAME (45 ans, FC Brunehaut - P4) sont eux aussi passés du but au dug-out.
Nous avons été à leur rencontre pour aborder la spécificité de cette trajectoire.
Quelles sont les similitudes et les différences que l'on peut dégager entre ces deux fonctions? De par leur statut particulier dans un groupe et leur position sur le terrain, les gardiens de but ont-ils une prédisposition pour le coaching?
Vincent et Jonathan nous partagent leur avis sur la question.
Côté Coach: Pensez-vous que votre vécu de gardien ait développé votre vision du jeu davantage que chez un joueur de champ?
Jonathan Duquène: Je note déjà une grande différence: quand tu es dans le but, tu vois le jeu de face. Le coach, lui, a une vision latérale. C'est plus difficile. De plus, les joueurs sont des acteurs actifs, dans le mouvement; l'entraîneur est un acteur passif.
Lorsque j'étais adjoint, je me suis parfois occupé de superviser la défense pendant le match. Je me suis placé à leur hauteur pour mieux voir le jeu.
De manière générale, je trouve que le coaching repose encore trop sur moi; il doit venir du gardien, de la défense centrale, d'un médian axial, etc. Je souhaite avoir un joueur qui dirige de la voix dans chaque ligne.
Vincent Williame: Le poste de gardien nous amène naturellement à coacher l'équipe. Nous sommes les garants de la sécurité défensive. Il me semble même qu'à ce titre, nous sommes davantage écoutés que le coach. C'est sans doute plus facile de se faire entendre par ses équipiers que par ses joueurs.
CC: Un coaching qui va de soi, donc?
JD: On a déjà dû le faire beaucoup, c'est vrai.
VW: Ayant eu une longue carrière de joueur, en tant qu'ancien du groupe, j'étais un peu devenu le bras droit du coach, relayant dès lors tout naturellement ses consignes sur le terrain.
CC: Des coachs qui ont marqué votre carrière?
JD: Luc DUVILLE est un entraîneur de gardiens qui m'a fait progresser en très peu de temps; il est d'ailleurs devenu pro par la suite. À l'époque, il s'occupait des portiers de Nivelles. Dès 16 ans, j'étais intégré au noyau A. Il tenait à ce que je prenne du coffre et m'a donné pour cela un programme de musculation. Grâce à lui, j'ai pris une autre dimension, dans tous les sens du terme.
Tom FRIVALSKI, le T1 - lui aussi devenu pro - a également contribué à me faire grandir, à sa manière. À l'heure d'affronter La Rhodienne, les deux premiers gardiens étaient indisponibles. Me voilà donc propulsé sur le devant de la scène. Lors du dernier entraînement, estimant que les attaquants marquaient trop facilement, il m'a secoué, m'affublant du sobriquet peu flatteur de "mijolette"! Sur le coup, j'en ai pleuré. Patrick VAN WALLEGHEM, le gardien titulaire, m'a pour sa part encouragé: "Vas-y, montre-lui maintenant!" Mon père en rajoutait une couche aux exigences de ces coachs, ça forge le caractère... Il me disait que si à 17-18 ans, je n'étais pas numéro 1, je devais demander au staff ce qu'il fallait faire pour le devenir. Aujourd'hui, j'en retire qu'en tant que coach, c'est important d'expliquer ses décisions, même si on n'a pas à les justifier.
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VW: Je pourrais d'abord citer Jean-Bernard PORRET, qui est le premier à m'avoir fait confiance, à la Montkainoise, lorsque j'évoluais... dans le jeu (en 6 ou en défense centrale). Ce n'est qu'à l'âge de 25 ans que je me suis retrouvé dans les buts, à Bléharies, sous les ordres de Fabrice HOCHEPIED. Par la force des choses, les gardiens étant blessés. J'ai enfilé les gants 6 mois durant, nous avons été champions en P3, et le coach m'a maintenu sa confiance en P2, alors que les dirigeants envisageaient un recrutement. Son fils Jonathan, qui jouait alors à l'Excelsior Mouscron, m'a donné des entraînements particuliers. Pour faciliter mon acclimatation à ce poste, j'ai eu la chance de pouvoir compter sur mon frère Benoit, qui évoluait devant moi, au coeur de la défense.
Site du FC Brunehaut
CC: Le poste de gardien réclame une concentration maximale. Une aptitude également exigée en bord de touche?
JD: Comme joueur, j'étais dans le match dès le dimanche matin. Et quand tu fréquentes dans le vestiaire des gars comme Dimitri CABARAUX ou Olivier GOSSUIN, tu es formaté à la discipline. J'ai rarement assisté aux théories d'avant-match, car j'étais sur le terrain avant les autres. Je pouvais avoir un chaud contingent de supporters adverses derrière mon but, comme à Templeuve, ça ne me faisait pas sortir de mon match. Focus sur le ballon! En tant qu'entraîneur, c'est plus difficile...
Et même si je dois tenir compte de la différence de niveau, je trouve qu'aujourd'hui la plupart des joueurs n'ont plus nécessairement la même concentration.
VW: Je trouve aussi que c'était plus facile de rester dans le match en étant dans le but. Sur le côté, on entend tout, notre attention est sollicitée de partout. Lorsque je coachais Brunehaut en P2 (entre 2013 et 2016), mes joueurs venaient avant tout pour se retrouver entre copains. Musique d'ambiance au vestiaire, et rigolade plus que concentration. Je n'en étais pas dérangé: 10 minutes avant le coup d'envoi, là j'étais dans mon match.
CC: Qu'en est-il maintenant de la confiance en soi, autre qualité indispensable aux derniers remparts?
JD: Il n'y a place que pour un gardien; tu dois donc être le plus fort. Et si tu fais une bourde en début de match, que tu entends tes équipiers te dire "c'est pas grave", tu sais très bien que ça veut dire "c'est de ta faute". Tu n'as pas d'autre choix que de te relever et passer au-dessus.
VW: Une seule place pour 2 ou 3 joueurs, tu dois constamment prouver. Un gardien doit être fort dans sa tête. S'il devient coach, cette solidité mentale lui sera encore bien utile pour faire passer son message. Il y a toujours des déçus. Nous devons expliquer nos choix et maintenir une ligne de conduite dans les sélections. Sans laisser planer un soupçon d'hésitation, sinon on risque de se faire marcher dessus.
CC: On parle souvent de la solitude du gardien de but. Un ressenti semblable dans le costume de coach?
JD: C'est fort semblable, en effet. Quand tout va bien, ok. Quand les choses vont moins bien, c'est le coach qui paye, ses choix sont remis en question. D'où l'importance d'être bien secondé. J'ai la chance d'avoir en la personne d'Anthony MASINI un adjoint de valeur, tant footballistiquement qu'humainement. Il me défend comme si c'était lui qui prenait les décisions, même si nous n'étions pas d'accord au départ. C'est important, car les joueurs le ressentent.
VW: Quand tout va bien, tu n'es pas seul. Dans le cas contraire, par contre... Lors de ma mission précédente à Brunehaut, nous avons connu un 0/30. J'avais beau diriger un groupe de copains, ce sont tes choix qui ne se concrétisent pas. C'est toi qui prends les décisions, et dans de telles périodes, tu te sens impuissant. Même avec un T2. Pour le gars qui se retrouve sur le banc, le responsable, c'est le T1!
CC: Pour terminer, un petit mot sur vos objectifs pour la saison à venir:
JD: Le titre bien sûr (rires). Plus sérieusement, je crois qu'on peut encore viser le haut. Nous enregistrons quelques départs marquants, mais autant d'arrivées de qualité. J'aurais bien dit le top 3, mais quand je vois le recrutement de certaines équipes, il y aura encore de grosses cylindrées dans la série...
VW: Dans un premier temps, Charly VANHERPE m'avait proposé d'être son T2 à Havinnes. Où j'aurais vraiment voulu vivre une dernière saison complète comme joueur, et finir ma carrière en beauté. Suite au départ tardif de Corentin LELIÈVRE vers Tertre, je m'étais préparé dans ce sens. J'avais refait régime, et je retrouvais mes automatismes en enchaînant les matchs. Hélas, la pandémie a stoppé net cet élan.
On sait les liens familiaux que j'ai avec le club de Hollain - mon beau-père, Guy QUITTELIER, mon fils Audry que j'aurai le bonheur de coacher - et le projet mis en place est porteur: faire jouer les jeunes du village et les faire grandir, en les encadrant de quelques joueurs d'expérience, idéalement un dans chaque ligne. Dont Didier WALKIERS, 30 ans, qui revient d'Havinnes avec moi. Avec 3 gardiens, Gaëtan COUDOU, Corentin DEWEERDT et Dorian MANTEAU, j'espère être suffisamment paré pour ne plus devoir jouer!
Un projet porteur, mais aussi rassembleur: de nombreux anciens vont se retrouver, dont les frères NOWAK et Guillaume MERCIER, qui permettront d'aligner une équipe B ambitieuse, sous la houlette de Michaël WISNIEWSKI. L'objectif étant de retrouver la P3 d'ici quelques années avec des jeunes qui se seront aguerris entre-temps.
CC: Ne craignez-vous pas une perte de motivation suite à cette longue interruption?
JD: Bien sûr, il faudra en remotiver quelques-uns, qui auront pris d'autres habitudes. Faire du VTT ou du padel permet une plus grande flexibilité, moins de contraintes à l'agenda. Avec la mentalité actuelle, on rate parfois un entraînement ou un match pour l'anniversaire d'un copain, ou un week-end avec sa petite amie... Je me souviens avoir joué un match de P1 le lendemain des funérailles de mon grand-père, qui m'avait élevé.
Mais l'avantage, c'est que j'ai un groupe assez jeune. J'ai suivi en cela le conseil de Giuseppe FARESE (Anderlues), qui m'a dit à mes débuts: "N'aie pas peur de prendre des jeunes, ils sont insouciants et se donnent à 100%". J'ai 8 ou 9 gars qui n'ont jamais arrêté de s'entraîner. Thibaut BOISDENGHIEN court un 12 km en 4.04, Thibaut DUVIVIER qui revient d'une pubalgie fait 11 km en 4.20. Joël DESONNIAUX est capable de faire 90 km à vélo avec un dénivelé de 800m et une vitesse moyenne de 24 km/h... Des machines!
VW: Je suis curieux de voir effectivement si la motivation est intacte à la reprise, si l'envie est encore autant présente. Les mentalités ont changé en une génération, c'est vrai. Comme Jo, je me souviens par exemple avoir baptisé ma fille et joué l'après-midi même en Coupe du Hainaut...
Mais nos jeunes ont déjà repris la course, et Jacques DUTRANNOIS organise des séances d'entraînement par groupes de 4. Pas trop d'inquiétude donc.
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